Quelles sont les principales conclusions que vous pouvez dresser des chiffres de 2018 ?
Aurélie Bouvier : Grenoble se positionne à contre-courant du contexte français de manière générale, et même de la région Rhône-Alpes, où l'on observe encore un volume de ventes toujours excellents et identiques à 2017, avec une hausse des prix modérée.
A Grenoble, c'est tout l'inverse. Même si l'agglomération conserve un volume de ventes significatif, les prix s'affichent clairement en baisse de 3,9% dans l'ancien (à 2 120 euros/m2).
C'est un phénomène nouveau - que l'on retrouve également à Saint-Etienne. On ne s'y attendait pas du tout : l'an dernier, les volumes et les prix augmentaient encore tranquillement.
Quels sont les facteurs qui pourraient contribuer à ce phénomène ?
Nous avons essayé de passer plusieurs facteurs en revue : on pourrait penser que le facteur démographique puisse jouer un rôle, si plus d'habitants quittent la ville plutôt que d'y arriver, mais ce n'est pas le cas, puisque Grenoble a une démographie tout à fait normale. C'est aussi une ville qui possède des universités bien cotées, des entreprises de pointe.
Ce qui inquiète le plus, et qui pourrait constituer un premier élément de réponse, c'est le manque de confiance des grenoblois dans leur ville et leur propre marché. Car l'image de Grenoble, qui est relayée sur la scène nationale, n'est pas très florissante, comme, par exemple, les problèmes de sécurité.
La problématique des transports est aussi présente, car rien n'est fait pour que les habitants puissent vivre dans de bonnes conditions en centre-ville : il n'existe pas beaucoup de constructions neuves et des immeubles vieillissants.
Certaines zones de banlieue bénéficient-elles de cette situation ?
Le Grésivaudan reste une zone plutôt attractive, mais les prix y demeurent élevés (2 380 euros/m2) dans l'ancien). Le secteur du Voironnais s'affiche également en hausse de 4,5% (1 630 euros/m2), même s'il existait un retard à combler au cours des dernières années qui pourrait justifier cette phase de rattrapage.
Il n'en demeure pas moins que le Voironnais semble devenir une zone de délestage pour le marché grenoblois, grâce à la présence du train, un peu comme on peut le voir dans le Nord-Isère avec Lyon. Même si les transports demeurent un vrai sujet.
Certains secteurs tirent-ils leur épingle du jeu ?
L'île Verte reste un quartier très prisé, plutôt par un public composé de familles d'ingénieurs avec enfants et de retraités. L'hyper-centre est lui aussi toujours stable. La surprise est venue d'Europole-CEA, qui affiche le prix médian le plus élevé de l'agglomération à 2 750 euros/m2, même si le quartier Championnet reste un peu "the place to be".
De l'autre côté, le quartier des Grands Boulevards chute de 5,2%, les Eaux Claires de 7,2% ainsi que le secteur Alliés/Alpins de 8%. Le quartier Berriat affiche lui aussi une légère baisse de 1,3%, même si l'on peut relativiser cette donnée, puisqu'il a connu des hausses au cours des années précédentes. Le secteur de la Villeneuve demeure quant à lui stable.
Quelles évolutions attendez-vous sur le bassin grenoblois en 2019 ?
Il ne faut pas tirer tout de suite à boulets rouges sur la politique locale, mais si la baisse des prix se confirme sur les prochains mois, il faudra tirer la sonnette d'alarme. Car même si la métropole entreprend des choses en matière de rénovation avec le plan mur-mur, ce n'est pas forcément suffisant. Il y a peut-être des choses à voir en matière de surélévation de bâtiments, de constructions neuves sur les espaces verts, car on ne peut pas dire aux gens : venez travailler sur Grenoble mais habitez à 50 km d'ici...
Le vrai enjeu que l'on retrouve à Grenoble n'est pas forcément de construire plus, mais de construire mieux. Car on a beaucoup d'immeubles des années 1960 qui mériteraient d'être sérieusement rénovés. Cela peut peut-être expliquer une partie de la baisse des prix, mais nous ne pensons pas que cela puisse en être la première cause.
La tendance demeure tournée vers le marché de l'ancien ?
Le problème du neuf est qu'il reste très cher par rapport à l'ancien (avec un prix médian de 3870 euros/m2 à Grenoble). Aujourd'hui, le neuf reste plutôt l'apanage des investisseurs immobiliers, qui souhaitent profiter de la loi Pinel, mais peu de gens en font leur résidence principale. Et il ne faut pas oublier que l'on est limité à une opération par année. C'est donc le marché de l'ancien qui reste, au niveau national, plus dynamique.
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