Grenoble : des micro-pousses urbaines au service de l’insertion

A Grenoble, 1000 pousses, vient de se lancer dans un projet de production et de vente des micro-pousses aux restaurateurs. Sa fondatrice, Isabelle Robles, compte ainsi tester le marché potentiel avant de se lancer dans la création d’une ferme urbaine, qui comportera un volet insertion.
L'association 1000 Pousses est installée au coeur du centre horticole de la Ville de Grenoble, situé à Saint-Martin d'Hères.
L'association 1000 Pousses est installée au coeur du centre horticole de la Ville de Grenoble, situé à Saint-Martin d'Hères. (Crédits : DR)

Une volonté de créer une activité d'insertion, en partant de l'agriculture urbaine. C'est après des missions de coopération en Amérique du Sud avec des ONG, puis au sein d'un poste lié à l'animation du territoire à la Chambre d'Agriculture de l'Isère, que l'ingénieur agronome Isabelle Robles a eu envie de développer sa propre ferme urbaine de micro-pousses.

"Cela me permettait de rassembler plusieurs facettes de mon expérience, toujours en lien avec l'agriculture mais aussi avec un volet associatif".

Après avoir observé les projets qui ont émergé dans la capitale (le Paysan urbain) et en régions (à Dijon, Marseille, etc), cette dernière a souhaité développer le premier projet d'agriculture urbaine incorporant des micro-pousses à l'échelle de l'agglomération grenobloise. Et pas n'importe comment puisqu'elle compte également y ajouter un volet d'insertion sociale :

"L'agriculture reste un très bon moyen d'aider les personnes à rebondir, grâce au travail de la terre, qui demeure très valorisant. Or, on propose rarement ce type d'emplois en ville".

Alors que le retour à la terre et à une autre forme d'agriculture séduit, avec près de 800 millions de personnes qui seraient déjà impliquées dans des projets d'agriculture urbaine et périurbaine à l'échelle mondiale d'après les chiffres de la FAO, Isabelle Robles veut faire de son projet un support de reconstruction pour ceux qui en ont besoin.

"Je me suis inspirée de ce que fait déjà le réseau des jardins de Cocagne, mais avec une idée de rendre l'agriculture plus urbaine et accessible", souligne la fondatrice.

Son idée ? Travailler avec les organismes prescripteurs, tels que Pôle Emploi, en vue d'accueillir un public varié et de parvenir ensuite à développer un modèle économique "moins dépendant des subventions publiques qu'un chantier d'insertion classique", grâce à la culture des micro-pousses. Car celle-ci lui permettrait notamment d'espérer "une production plus lucrative, à condition de se situer à proximité de la clientèle", glisse-t-elle.

Car, selon la littérature américaine sur le sujet, il serait possible de récolter 25 kg de micro-pousses sur l'équivalent de 5,5 m2 compte-tenu de leur petite taille, qui seront vendues de 50 à 100 euros le kg en France. Chez 1000 pousses, il faut compter en moyenne 3 euros la barquette, soit 85 euros le kg.

Une vingtaine de variétés déjà disponibles

Son projet a pris un coup d'accélérateur à la mi-octobre, lorsque la Ville de Grenoble lui a proposé la mise à disposition d'une serre de 100 m2 au sein de son centre horticole, situé à Saint-Martin d'Hères. Une occasion pour elle de tester sa production, avant de passer à l'étape supérieure.

"Cette nouvelle a déclenché la création de l'association 1000 pousses afin de porter l'activité. Nous misons sur une année de tests qui va permettre de dimensionner le projet et de voir jusqu'où nous pouvons aller".

Depuis, Isabelle Robles s'est mise au travail, dans un premier temps seule, et a déjà testé une vingtaine de variétés de micro-pousses qu'elle vise ensuite à commercialiser à l'échelle locale. Car ces petites feuilles, que l'on récolte au premier stade de développement de la plante, juste après la germination des graines, ont l'avantage de conférer croquant et saveur au sein des assiettes.

Si un certain nombre de restaurants grenoblois avaient en effet déjà franchi le pas en garnissant leurs assiettes de micro-pousses, "il s'agit encore d'un produit peu connu. A tel point qu'il a été assez difficile de réaliser une étude de marché puisqu'il n'existait pas encore de production dans la région", ajoute Isabelle Robles.

"L'offre se construit en partenariat avec les restaurateurs de l'agglomération, qui utilisaient déjà des micro-pousses provenant bien souvent de Hollande".

Car face à elle, se trouve en effet pour l'instant le principal fournisseur de micro-pousses en Europe, le hollandais Kopert Cress, qui dispose de pas moins de 4 hectares dans la ville de Monster (Pays-Bas) et qui surfe sur cette nouvelle tendance depuis 2002, avec un chiffre d'affaires annuel de 20 millions d'euros (en 2013).

Qu'à cela ne tienne, 1000 pousses se fera sa propre expérience sur le terrain, en bénéficiant toutefois d'un réseau de clients qui commencent justement à être sensibilisés par des acteurs comme Kopert Cress et ses grossistes.

Pour développer ses ventes, l'association a choisi de passer dans un premier temps par l'intermédiaire d'une société qui se charge d'assurer la promotion des produits et la prise des commandes, avant qu'Isabelle Robles ne livre elle-même les restaurateurs, en vélo ou en voiture, aux quatre coins de Grenoble. L'association compte déjà une quinzaine de clients réguliers.

La prochaine étape sera ensuite de se rapprocher des Amap et des ruches pour organiser des livraisons régulières à des groupes constitués. Avec l'objectif, à terme, de conclure des alliances avec des maraîchers pour amener sa production jusque sur les étals des marchés grenoblois.

"Pour l'instant, je réalise toutes les livraisons moi-même car cela me permet d'aller au contact des clients", affirme la fondatrice.

"Ferme urbaine recherche 2000 à 5000 m2"

Alors que ses premiers mois d'activité n'ont nécessité que des investissements limités (de l'ordre de 2000 euros) grâce à son partenariat avec la Ville, Isabelle Robles estime la prochaine marche à franchir, pour la création d'une véritable ferme urbaine, pourrait nécessiter une enveloppe de l'ordre de 100 000 euros.

"Nous recherchons un site de 2000 à 5000 m2 sur l'agglomération, car nous aimerions associer la culture de micro-pousses la production de fleurs comestibles, de plantes aromatiques et de jeunes pousses, afin de proposer une plus large palette de produits à destination de la clientèle, ainsi que la découverte d'un métier plus diversifié à destination des salariés en insertion", souligne Isabelle Robles.

Dès qu'elle aura trouvé un tel site, cette dernière affirme qu'elle fera sa demande d'agrément en vue d'accueillir ses premiers salariés. "Je suis partie avec l'idée de lancer une structure comprenant entre 6 et 8 salariés en insertion permanents, mais tout dépendra du type d'agrément qui sera octroyé et du modèle que nous parviendrons à mettre en place".

Mais elle s'interroge encore sur le dimensionnement de son activité, qui pourrait évoluer en fonction de la réponse du marché grenoblois : "Le marché sera t-il suffisant pour rémunérer deux postes d'encadrement ? Faudra-t-il songer à une diversification de la production ou à un agrandissement de la zone géographique ?".

Selon elle, sa démarche a déjà reçu un bon accueil des partenaires en charge de l'emploi et de la reconversion sur l'agglomération, qui voient d'un bon œil la diversification de l'offre d'insertion.

"J'ai déjà été également contactée par plusieurs porteurs qui réfléchissent à faire la même chose dans d'autres villes, on constate que le secteur est vraiment en train de se développer. Ce type de production, déjà très connu au Canada et aux Etats-Unis, arrive doucement en France à travers de petits entrepreneurs".

Le secteur est en plein essor : une récente étude menée par des chercheurs de l'Université de Pékin et des universités américaines de Berkeley (Californie) et d'Arizona à partir de données de Google Earth estime qu'entre 367 000 km² et 641 000 km² de terrains urbains pourraient ainsi servir à une production agricole.

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