Agriculture et agroalimentaire : l'école des jeunes pousses

[4/6] L’enseignement agricole forme actuellement quelque 210 000 élèves, étudiants et apprentis. Quelles sont leurs motivations et leurs aspirations ? Pourquoi optent-ils pour un parcours de formation en agriculture, agronomie ou agroalimentaire ? Quels défis les futurs exploitants et professionnels de l’industrie agroalimentaire devront-ils relever ? Entre espoirs et doutes, rencontre avec une dizaine d’entre eux, conscients des défis futurs à relever. Quatrième volet de notre série consacrée à l'agriculture, l'agroalimentaire et l'environnement.
L’enseignement agricole forme actuellement quelque 210 000 élèves.
L’enseignement agricole forme actuellement quelque 210 000 élèves. (Crédits : iStock)

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Au-delà des formations liées au "cœur de métier" de la production agricole, l'enseignement agricole prépare parallèlement à de nombreux métiers de l'environnement, de l'agroalimentaire, du commerce et des services. Avec ses 210 000 élèves, étudiants et apprentis répartis dans 800 établissements publics et privés, l'enseignement agricole va devoir s'adapter aux mutations sectorielles d'ici à 2030.

Qui sont ces élèves et quelles sont leurs motivations ? Pourquoi avoir opté pour un parcours de formation en agriculture, alors même que le secteur est considéré en crise et que la profession peine à assurer des revenus convenables aux exploitants ? Ces jeunes sont-ils conscients des défis qui s'imposeront à eux, dans un contexte d'évolution des demandes des consommateurs en matière de sécurité sanitaire, d'exigence accrue de traçabilité des productions et de prise en considération des contraintes liées à la protection de l'environnement, notamment ?

Pour le vérifier, Acteurs de l'économie-La Tribune est allé à la rencontre d'une dizaine de lycéens en première bac pro "Conduite et gestion de l'exploitation agricole" et d'étudiants en BTSA "Analyse, conduite et stratégie de l'entreprise agricole", scolarisés au sein de la Maison familiale et rurale de Saint-Laurent-de-Chamousset (Rhône), au cœur des terres agricoles des Monts du Lyonnais.

Fils ou filles d'exploitants en activité, la plupart de ces jeunes en formation sont issus du monde agricole. C'est précisément ce qui a motivé leur choix d'orientation, avec la perspective de reprise potentielle de l'exploitation familiale. "Une évidence depuis le berceau ou presque", confie l'un d'eux. D'autres, en revanche, n'avaient aucun lien ni aucune attache agricole avant d'opter pour ce parcours de formation et reconnaissent qu'il s'agit "d'un handicap majeur à l'heure de l'installation, quand il sera nécessaire d'acquérir du foncier".

Liberté et autonomie

Cette perspective d'installation ou de reprise d'une exploitation nourrit la motivation des étudiants en BTSA. Néanmoins, tous s'accordent, avec prudence et raison, "à ne pas précipiter les choses".

"Une fois installé, il sera difficile, voire impossible, de faire machine arrière."

Aussi insistent-ils sur la nécessité de bien préparer leur projet et d'acquérir de solides compétences techniques et managériales, en multipliant par exemple les expériences salariées. Celles-ci leur garantissent par ailleurs un revenu, alors que les politiques de prix pratiqués dans l'agriculture n'offrent pas suffisamment de garantie à l'exploitant, contraint "de contracter des emprunts et de s'endetter pour s'équiper et demeurer compétitif".

agriculture

La liberté et l'autonomie du chef d'exploitation agricole constituent un attrait majeur du métier pour ces jeunes en formation. Ils apprécient par ailleurs "la variété des tâches à accomplir au quotidien" au sein d'exploitations qui se complexifient et se diversifient, des activités de transformation et de commercialisation venant s'adjoindre à la production.

Solidarité et fierté paysannes

En raison notamment de la complexification des formalités administratives et du poids des obligations réglementaires et de contrôle, ils se montrent conscients des risques "d'être dépassés" et de "devenir esclaves de leur exploitation". Pour s'en prémunir, tous soulignent l'importance de préserver des espaces de vie privée, en particulier familiale, et espèrent pouvoir dégager du temps pour maintenir leur équilibre. Celui-ci passe également par la défense de valeurs primordiales et essentielles à leurs yeux : la "solidarité paysanne", la cohésion et le soutien apporté aux exploitants en difficulté, "parce que nous ne sommes jamais à l'abri", prévient un étudiant.

Marqués par les campagnes récentes conduites par des associations de défense de la cause animale, ces jeunes en formation sont conscients de la dégradation de l'image des agriculteurs, et spécifiquement des éleveurs, auprès des consommateurs. Or, tiennent-ils à souligner, "c'est précisément l'amour des bêtes et la garantie du bien-être animal qui motivent l'éleveur au quotidien".

Dès lors, la restauration de l'image des exploitants agricoles, en manque de reconnaissance, passe impérativement, selon eux, par une "meilleure information du public sur la réalité de nos activités".

"Nous sommes ceux qui permettent aux autres de se nourrir : c'est ce qui fait notre fierté !"

Nutrition et santé

Bien sûr, il relève de la responsabilité des futurs exploitants de restaurer l'image de leur profession. Mais celle-ci incombe aussi à tout un secteur. L'évolution des attentes sociétales et le niveau de qualité et de traçabilité des aliments questionnent les futurs acteurs de l'agroalimentaire. Engagée dans un cursus « Ingénieur agroalimentaire » au sein d'AgroSup Dijon (institut national supérieur des sciences agronomiques, de l'alimentation et de l'environnement), Chloé Gardelle, étudiante en première année, explique "être professionnellement attirée par les questions relatives à la nutrition et à la santé. Aussi la filière agroalimentaire s'est-elle imposée comme une évidence dans mon orientation".

D'emblée, son projet professionnel s'oriente vers le contrôle qualité et la répression des fraudes. Une façon, déjà, de tenter de répondre "aux exigences croissantes de qualité de la part des consommateurs".

Leur prise en compte, mais également celles des contraintes environnementales qui s'imposent à tous les acteurs du secteur agricole, exploitants, agronomes et professionnels de l'agroalimentaire, a conduit l'étudiante à entrevoir d'autres débouchés une fois diplômée.

"Intégrer l'école m'a permis de mûrir et de faire évoluer ce projet professionnel et, dorénavant, je vise à travailler au plus proche de l'aliment : ce sont davantage la formulation de nouveaux produits et la conception d'emballages innovants qui m'intéressent. Avec le même objectif : proposer au consommateur un produit sain et de qualité."

"Jambon gris"

De manière similaire, l'innovation alimentaire a très vite séduit Aurélie Lloret, également étudiante en première année dans le même cycle, lorsqu'elle a décidé d'intégrer l'école d'ingénieurs dijonnaise. Lucide, elle constate les évolutions des demandes et des exigences des consommateurs. Elle l'illustre par la couleur des tranches de jambon :

"Lorsque le consommateur comprendra que cette couleur rose n'a rien de naturel et résulte de l'addition de nitrates et de nitrites, alors il acceptera peut-être de manger du jambon "gris", sans additifs et meilleur pour la santé."

 Ce changement de comportement et d'habitudes de consommation ne va pas sans "un changement profond des mentalités." Et, selon Aurélie Lloret, "il relève de la responsabilité des futurs ingénieurs de l'agroalimentaire, sinon d'intimer ce changement, au moins d'être en mesure de l'accompagner".

Intéressée depuis le lycée par l'agroalimentaire, et plus spécifiquement par les questions de nutrition et de santé, l'étudiante Apolline Feuvrier est consciente des défis à relever pour son futur secteur professionnel.

"Idéalement, j'aimerais intégrer un département de recherche et développement afin de participer à la conception de produits nutritionnellement sains et gustativement bons, pourquoi pas à destination plus spécifique des sportifs", souligne par ailleurs cette handballeuse de haut niveau qui a intégré AgroSup Dijon.

Les exigences et la défiance croissantes des consommateurs sont "le révélateur que notre système global de production atteint aujourd'hui ses limites. C'est pourquoi tous les acteurs du secteur, exploitants, agronomes, professionnels de l'agroalimentaire, doivent concourir à l'invention de nouveaux modèles".

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Commentaire 1
à écrit le 11/04/2018 à 10:27
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"Quels défis les futurs exploitants et professionnels de l’industrie agroalimentaire devront-ils relever ? " SI déjà ils pouvaient arrêter de nous injecter le cancer ce serait génial hein, merci d'avance. "Cancer : les perturbateurs endocrini...

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