Article initialement paru dans le numéro 143 d'Acteurs de l'économie - La Tribune.
"Google choisit Saint-Étienne !" Voilà un titre de une qui ferait rêver — ou sourire — plus d'un journaliste économique. Mais si c'était le cas, et que le "Gafa" souhaitait y implanter son siège européen, dans quelles conditions un tel projet pourrait-il se réaliser ? Dans un passé plus ou moins proche, Saint-Étienne a déjà fait l'objet d'investissements colossaux.
"Au XIXe siècle, le creusement et l'exploitation des mines ainsi que l'installation des manufactures ont changé le visage de la ville", rappelle Michel Lussault, géographe et président de l'École urbaine de Lyon.
Si l'arrivée du siège de Google à Saint-Étienne semble en effet techniquement réalisable, elle est pourtant risquée. Le territoire aurait à faire face aux nombreuses exigences du géant américain : réductions fiscales, adaptations urbanistiques, rénovations immobilières, investissements dans les infrastructures. Il en découlerait inévitablement de lourdes tensions financières, écologiques, administratives et sociales qu'il serait très difficile de juguler avec, à la clé, "une gentrification de certains quartiers et une hausse très probable des inégalités", prévient le géographe.
Travailler la complémentarité avec Lyon
En tout cas, "ce dossier devrait être géré au niveau du pôle métropolitain. La complémentarité avec Lyon serait essentielle", assure Jean-Charles Foddis, directeur exécutif de l'Aderly, chargé du développement économique des deux villes.
Une affirmation confirmée par Michel Lussault : "Cette implantation ne serait réalisable que dans le cadre d'un travail commun avec Lyon."
De là à relancer les projets d'infrastructures tels que l'A45 ou le RER Saint-Étienne Lyon ? Il faudrait de toute manière améliorer les liaisons et connexions entre les deux villes, car la capitale ligérienne ne pourrait pas accueillir seule les quelque 7 000 cadres et techniciens de haut niveau, les sous-traitants, ainsi que leurs familles, sans risquer la surchauffe immobilière et infrastructurelle.
"Aujourd'hui, Saint-Étienne n'a pas le "back-office" nécessaire pour absorber une telle implantation", explique Michel Lussault. Le nombre d'écoles, d'hôpitaux, l'offre culturelle et de loisirs ne seraient pas au niveau.
Pour Jacques Fayolle, directeur de l'école d'ingénieurs Télécom Saint-Étienne, il faudrait aussi "multiplier par deux ou trois l'offre de formations pour satisfaire les besoins du géant américain".
Une implantation progressive
Afin de prévenir ces difficultés, Jean-Charles Foddis insiste sur le fait qu'une telle implantation devrait se faire progressivement :
"La mise en route de ce projet, qui bénéficierait d'une équipe dédiée au sein de l'agence, prendrait trois ou quatre ans. Il faudrait quatre à cinq ans de plus pour l'amener à son terme."
Michel Lussault table quant à lui sur une durée d'"au moins dix ans pour préparer le territoire".
Reste à savoir où un tel campus pourrait s'installer. Pour Jacques Fayolle, "c'est le quartier créatif, plutôt que le parc Métrotech, qui serait privilégié pour des raisons de transport". "C'est effectivement ce qui vient d'abord en tête, confirme Jean-Charles Foddis, avant de nuancer : mais il est important de penser en dehors des clous dans le cadre de ces projets de rupture."
En effet, l'adaptation des règles d'urbanisme qui serait demandée par Google permettrait d'implanter le projet virtuellement n'importe où.
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