Les juristes bientôt au barreau ?

Ils sont avocats en Allemagne, en Espagne, aux Etats-Unis ou au Portugal. Ils ? Ce sont les juristes d'entreprise, que la profession d'avocat refus aujourd'hui d'incorporer en France.

Motifs : l'incompatibilité de leur métier avec le principe d'indépendance, notamment à l'égard de l'employeur. Et le risque d'aggraver l'hétérogénéité de la profession. Leur défense : « nous sommes déjà indépendants, puisque nos dirigeants attendent de nos conseils qu'ils soient impartiaux et fiables ». La question divise la profession. « Il faut faire exploser la barrière » milite François Balsan. Philippe Genin, bâtonnier de Lyon, fait lui aussi partie du « courant minoritaire » qui n'est pas hostile à l'intégration. Il exhorte à « multiplier » le nombre de juristes dans les entreprises - ils sont seulement 40 000 en France, trois fois moins qu'en Allemagne -, notamment parce que « c'est un facteur de développement du droit et donc d'activité pour les avocats. Le statut doit être plus attrayant, aussi pour les entreprises et notamment les PME, moins armées dans ce domaine ». Il repère une « solution » à la paupérisation de la profession en promettant d'assurer une fluidité plus importante entre les avocats et l'entreprise. « Pourquoi tous ces confrères en difficultés financières ne pourraient-ils pas intégrer une entreprise et y agir en qualité d'avocat quitte à revenir plus tard au barreau ? ». Enfin, l'intégration serait la parade aux tentations des juristes de créer leur propre statut ; « nous pourrons mieux leur imposer notre déontologie ». Autant de mains tendues qui nécessitent toutefois des coercitions. Notamment celle, énoncée par l'ancien bâtonnier André Boyer, lui aussi favorable de « définir clairement ce qu'est un juriste. Car autant certains directeurs juridiques, dans les grandes entreprises, sont d'incontestables professionnels du droit, autant ceux qui évoluent dans des PME sont parfois appelés à bien d'autres tâches que celle de juriste ».

 

Reste l'épineux problème de la plaidoirie, à laquelle les juristes réclament l'accès. « Il faut ouvrir le débat. Ma position est que, pour le moment, ils ne devraient pas avoir ce droit, car on ne peut pas plaider pour soi-même. Au plan déontologique, certains problèmes semblent insurmontables. Comment un juriste d'entreprise pourrait-il plaider pour son patron dans un dossier pénal ? Comment le juge d'instruction pourrait-il regarder autrement que comme l'incarnation de la personne jugée le juriste demandant d'accéder au dossier de son patron, déjà poursuivi pour abus de biens sociaux ? Déjà que ces magistrats nous considèrent parfois comme complices de nos clients... La perte de crédibilité serait totale » estime Philippe Genin. Mais de cette restriction, la profession de juriste ne veut pas entendre parler, craignant d'être confinée au rang de « sous-avocat ».

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