Norme Iso : « C'est Big Brother ! »

Celui de Lyon figure parmi les barreaux les plus entreprenants pour la promotion de la norme Iso.

Quelques cabinets, moyennant un investissement conséquent - 100 000 euros pour Pétrel & Associés (chiffre d'affaire 2002 : 3,35 millions d'euros) - et la mise en place de procédures de fonctionnement rigoureuses - délais de réponse, délai de traitement des dossiers, traçabilité des actes au sein du cabinet... - ont été certifiés. Toutefois, le scepticisme domine encore. Philippe Genin, bâtonnier de Lyon, pronostique néanmoins que « très vite les avocats vont saisir son gain, aux niveaux de l'organisation interne, de la gestion, de la fluidité du travail, de l'information auprès des clients ».  L'objectif du barreau est de banaliser la norme, dont le cout apparaît rédhibitoire pour une majorité de cabinets. N'est elle pas source supplémentaire d'inégalité ? « Le risque est réel. C'est pour l'endiguer que nous avons déplacé la problématique au niveau de l'Ordre. Celui-ci doit endosser le rôle de « centrale d'achats ». Alors nous pourrons faire diminuer le prix et tous les avocats pourront se faire certifier ». Autre réticence, l'absence de consubstantialité entre la certification et la qualité de la prestation intellectuelle. Cela en dépit des interprétations douteuses, voire fallacieuses, que des avocats de cabinets « certifiés » distillent. « La norme est une garantie de la qualité de la prestation » affirme Pascal Pétrel, du cabinet éponyme. Philippe Genin rectifie. « Il faut lever le doute sans équivoque. Des avocats peu compétents peuvent être certifiés. Par contre l'avocat certifié assure des conditions de travail rigoureuses ».

 

Au quotidien, l'application de la norme égrène des bouleversements et des procédures auxquels la pratique du métier et l'indépendance, l'individualisme identitaire des avocats se prêtent difficilement. Et qui sont loin de garantir une meilleur efficacité. Pierre (identité d'emprunt), avocat d'un cabinet lyonnais certifié, est critique. « La motivation du cabinet était purement commerciale, et portait sur une meilleure pénétration des marchés publics, qui au second tour peuvent donner la priorité aux entités normées ». Au-delà des résistances très fortes développées par le personnel et de l'alourdissement des tâches administratives - « la standardiste consacre 5 heures par jour à la qualité, la secrétaire 3 heures, la saisine des fiches temps demande à chacun quotidiennement 20 minutes de travail » -, il reconnaît être « obligé » à une discipline (seulement au niveau des moyens, pas du fond de la prestation) et à une réactivité « plutôt positives. Mais n'oublions pas que le principe est simplement d'appliquer les engagements... qu'on a définis soi-même. C'est tout ». Et les contreparties inquiètent. Car tout est enregistré, ausculté, disséqué. « Aujourd'hui, c'est bigbrother. La norme a justifié le déploiement d'une batterie d'outils de contrôles qui couvrent toute l'activité et les moins faits et gestes de l'avocat. Même nos agendas doivent désormais être informatisés afin d'être centralisés. Résultat, l'individu est contrôlé au-delà de sa fonction d'avocat ». Le regard des dirigeants, « désormais en mesure de tout vérifier et de tout épier », se veut inquisitorial. Alors le principe de la norme Iso fait place à la duplicité. « Et le jeu est pervers : l'objectif pour chacun est de trouver les moyens de contourner les règles que le cabinet s'est imposé ! ». La norme a-t-elle un avenir ?

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