Karim Mahmoud-Vintam « La France n'a plus de direction »

« L'Hexagone est devenu spectateur de son histoire et de celle du monde. » Au cœur et du haut de l'association lyonnaise Cités d'Or qu'il a créée en 2007, Karim Mahmoud-Vintam observe la décomposition de la société. Mais au milieu d'une jeunesse décrochée, dépossédée du « goût d'apprendre, d'entreprendre, de grandir et de rêver », il cultive aussi l'espérance.
Photos : Laurent Cérino/Acteurs de l'économie

Acteurs de l'économie : 19/20 en philosophie au baccalauréat, classes préparatoires hypohkagne et khagne au lycée Louis-le-Grand, admissible à l'ENS Ulm, diplômé de l'IEP Paris, titulaire d'un DEA de sociologie et anthropologie des religions et d'un MBA de l'ESSEC : que faites-vous aux commandes d'une association aussi modeste, dévolue aux jeunes en décrochage scolaire, social et civique ? Trouvez-vous davantage dans cette initiative qu'auprès du président de la FAO que vous conseilliez, matière à « mener une vie de sens, utile à la société » ?

Karim Mahmoud-Vintam : Ma démarche est en premier lieu « égoïste » puisqu'effectivement elle répond à la double exigence intime de trouver « sens et utilité à ma vie », mais aussi d'être libre - ce qui n'est pas fréquent dans la vie professionnelle. Le parcours académique et les diplômes constituent, à ce titre, davantage un levier de liberté qu'un enfermement dans un sillon prédéterminé ou un formatage. Tout dépend, in fine, de la finalité à laquelle on emploie cette liberté. En ce qui me concerne, elle ne pouvait que se mettre au service de la double quête de sens et d'utilité, mais aussi de réciprocité à l'égard de tout ce que j'ai pu recevoir.

Système éducatif en panne, société morcelée, fracturée et communautarisée, espaces de lien dépecés : de quel déficit, voire de quel vide les 1,9 million de jeunes Français (17 % d'une classe d'âge) estampillés NEET (ni en emploi, ni en études, ni en formation) souffrent-ils en premier lieu ?

Il leur manque ce que, de mon côté, je suis venu chercher auprès d'eux : du sens individuel et collectif. Qu'est-ce que le sens ? C'est d'abord une direction. Où va-t-on ? Que cherche-t-on ? Quel horizon se donne-t-on ? Répondre à ces interrogations, même partiellement, est essentiel pour mobiliser son énergie intellectuelle, physique, émotionnelle. Mais cela ne suffit pas ; il faut également investir cette direction d'une « signification », à travers laquelle on se rapproche de soi-même et de ce que l'on attend de l'existence. Or face à cette question, une large partie de la jeunesse et, au-delà, de la société française, est désarmée. Enfin, lorsqu'on est parvenu à apporter une réponse, même provisoire, à cette question, il faut travailler à incarner ce sens dans sa vie quotidienne. L'accomplissement du sens résulte dès lors d'un chemin long et cahoteux, dont nombre de jeunes s'écartent ou sont chassés. Il faut donc les accompagner.

L'affaiblissement de la plupart des institutions et des intermédiations (institutions publiques, syndicats, partis politiques, école) elles-mêmes en panne de sens ne peut donc qu'obstruer l'espérance de sens des citoyens...

Ce n'est malheureusement pas contestable. Ces institutions sont à des degrés divers en panne de direction, de signification, et bien souvent d'incarnation. En effet, même les idées fécondes sont devenues inaudibles et leur mise en œuvre aléatoire. À l'heure de l'Internet et des réseaux sociaux, le public est inondé d'informations. Les plus utiles se mêlent aux plus futiles, et les premières sont noyées car dans leur immense majorité, les gens ne sont pas armés pour les distinguer, les hiérarchiser, et choisir parmi elles celles qui pourront nourrir un projet de vie et de société.

D'autre part, toutes ces institutions payent le tribu d'un fossé devenu insupportable entre la grandeur des principes professés - discours généreux, républicain méritocratique, responsabilisant - et la médiocrité des pratiques effectives. Ce fossé a creusé un abime de défiance, et ces canaux historiques de transmission d'un capital social partagé sont discrédités. Dans de telles conditions, comment s'étonner de voir prospérer une génération d'« orphelins », dont les comportements, les codes sociaux et les aspirations échappent à leurs aînés, une génération qui semble venue de nulle part ? Cette génération a été symboliquement livrée à elle-même, et on ne peut pas dire que notre société lui offre une place de choix.

Un seul chiffre pour en témoigner : la moitié des 20 % de Français les plus pauvres a entre 16 et 29 ans ! Il est donc de notre responsabilité collective d'accompagner cette jeunesse vers l'identification d'un horizon individuel et collectif, d'un sens dans l'existence. Cette jeunesse contribue à l'édification du monde de demain mais ne le sait pas encore, elle peut et doit prendre son destin en main, de façon consciente et responsable : voilà le chantier auquel Les Cités d'Or aspirent à contribuer concrètement.

On pense communément que l'accès à une information désormais ultratechnologisée, instantanée, infinie, pénalise particulièrement les seniors. Or une partie de la jeunesse, mal formée à ces outils, est effectivement déconnectée de ce qui permet de se déplacer et d'exister dans la société. Elle est aussi vulnérable aux processus propagandistes ou prosélytes. Comprendre l'information avec discernement constitue un levier capital de liberté de conscience et de construction de soi...

Cette question du discernement constitue même l'un des éléments centraux. L'information disponible n'a jamais été aussi pléthorique et y accéder n'a jamais été aussi facile. Mais comment distinguer l'info de l'intox, le fait de la rumeur ? Comment mettre le monde en perspective quand une information en chasse une autre ? Pour les jeunes générations, les vidéos piochées sur YouTube constituent la principale source d'information et sont rarement décodées.

Cela contribue au sentiment d'un monde incompréhensible et donc immaîtrisable, et vient alimenter le désengagement civique. De plus, les générations ainées ont grandi dans une société « maintenue » par le corset d'institutions solides qui, même quand elles étaient combattues, constituaient des repères et assuraient une forme de transmission. Pour le meilleur et pour le pire, ce cadre a volé en éclats, comme en témoigne en premier lieu notre système scolaire moribond. Il s'agit là d'un défi d'autant plus grand que nos démocraties trouvent leur fondation et leur justification dans l'idéal méritocratique, c'est-à-dire la croyance partagée qu'un système scolaire fondé sur des règles justes et également valables pour tous distribue des places inégales dans la société.

Or il n'y a plus grand monde pour croire encore dans ce mythe d'une école juste reposant sur l'égalité des chances - en France comme dans la plupart des autres pays du monde, l'école renforce les inégalités bien davantage qu'elle ne les jugule. Et les jeunes, notamment ceux des quartiers populaires, n'y croient plus.

Confiance en soi, respect de soi, estime de soi : ces trois piliers conditionnent la faculté des jeunes vulnérables à lorgner une place nouvelle dans la société. Ils ne figurent dans les gênes non seulement du système français de l'éducation mais, au-delà, des principes mêmes de gouvernement (familial, politique, managérial)...

La confiance en soi - le sentiment que je peux satisfaire mes besoins et poursuivre les désirs de façon autonome -, le respect de soi - le sentiment que j'ai les mêmes devoirs ET les mêmes droits que les autres - et l'estime de soi - le sentiment que j'ai une contribution singulière, même modeste, à apporter à la société - sont trop insuffisamment valorisés, et cela quels que soient les âges ou les lieux de la société. Or ces trois piliers sont indispensables pour des individus épanouis dans une société harmonieuse.

Et on en revient encore au système scolaire, qui a assez peu bougé dans ses finalités alors que la société s'est considérablement transformée et poursuit des desseins incomparables. L'école de la fin du XIXe siècle visait essentiellement à identifier et former une élite républicaine. Ses objectifs ont-ils changé ? Pas vraiment. Elle demeure une machine à trier une élite remarquablement compétente techniquement, pour l'essentiel de ceux qui la composent, mais dans l'ensemble dépourvue de créativité, de vision et d'intelligence des situations.

Elle demeure une machine dont certains - un tout petit nombre - ressortent convaincus à vie que le monde et l'avenir leur appartiennent, et dont une grande majorité ressort avec un vague et amer sentiment de médiocrité, voire de nullité, qu'une vie parfois ne suffira pas à estomper... Cette logique est contraire à la construction d'une société fondée sur la confiance en soi et dans les autres, sur le respect de soi et des autres, sur l'estime de soi et pour les autres.

Au sein de sa famille, dans son rapport aux tutelles hiérarchiques, scolaires, institutionnelles, la jeunesse « décrochée » est en crise d'autorité. L'acceptation et l'exercice de l'autorité sont tous deux malmenés. Distingue-t-on, aux racines du mal, les responsabilités des contempteurs de celles des mandataires de l'autorité ? Selon vous, l'autorité est incontestable à deux conditions : l'exemplarité et le sens dans lequel ses auteurs l'exercent...

En effet, la crise, incontestable, de l'autorité ne résulte pas d'une supposée et soudaine « génération spontanée » d'insoumis rétifs à tout cadre. Au contraire, les jeunes contestataires de l'autorité sont en recherche de cadre ou du moins, de repères. Simplement, nombreux sont ceux qui exercent l'autorité sans l'exemplarité et donc sans la crédibilité nécessaire pour qu'elle soit respectée. En 2014, l'autorité ne peut plus être le « fait du Prince » : elle doit correspondre à une visée suffisamment compréhensible pour être admissible et donc partagée ; et elle doit s'incarner dans un comportement adéquat.

Le temps où le professeur, le patron ou le prêtre étaient en mesure d'imposer du seul fait de leur statut, sans pédagogie ni perspective partagée, est révolu. Faut-il le déplorer ? Chacun jugera... L'autorité doit désormais incarner une cohérence, servir un projet compréhensible et partagé - cohérence et projet à partir desquels les individus qui la reçoivent vont eux-mêmes se construire.

Le « cadre commun d'autorité » - que devraient composer les institutions si elles étaient exemplaires et orientées vers la recherche d'un « bien commun » - est pourtant capital, car sinon, ce qui viendra s'y substituer, et qu'on observe déjà, c'est une société de réseaux. Or une telle société est foncièrement inégalitaire : elle est affaire de codes qu'il faut maîtriser et de cooptations par essence réservées à des « initiés ». Elle a aussi pour danger d'encourager à vivre dans des cercles d'affinités parallèles et imperméables les uns aux autres, de diviser la société en mondes étrangers les uns aux autres. Mais l'effritement des institutions traditionnelles nous incite, de gré ou de force, à réfléchir au monde auquel nous aspirons pour en inventer d'autres ; il nous invite à nous prendre collectivement en main pour devenir adultes et responsables. C'est là-dessus que, sur le terrain et sans espérer un illusoire retour à la société d'hier, nous devons œuvrer.

C'est à la « réconciliation » avec eux-mêmes et ensuite seulement avec la société que Les Cités d'Or s'emploient auprès des jeunes décrochés. Ce vœu signifie qu'ils sont avant tout en colère, en lutte, même en guerre...

Réconciliation avec soi-même - pour dépasser la schizophrénie -, avec les autres - pour promouvoir la réciprocité et la justice - et avec le monde - pour lutter contre la peur de l'avenir - participent d'un même mouvement. Mais en effet ces jeunes sont en conflit, d'abord contre eux-mêmes, et traversés par de profondes contradictions à l'image de la société tout entière. Nous vivons tous, et souvent dans la douleur, la discordance entre nos principes ou valeurs et nos actes, et la société entretient de façon extraordinairement forte la schizophrénie chez les individus. Notre existence est fractionnée et antagonique : chacun est tout à la fois un producteur qui veut maximiser ses gains et un consommateur qui cherche les produits les moins chers ; un aspirant au confort le plus high-tech et un défenseur de l'écosystème ; un citoyen exigeant les meilleurs services publics et un pourfendeur des impôts, etc. La liste est longue... Comment se (re)trouver dans un tel maelström ?

Votre parcours personnel peu commun explore et décortique concrètement les racines de l'échec qu'ont en commun les centaines de milliers de jeunes « décrochés ». Il interroge également ce qui fait inné et acquis dans le processus de réalisation de soi. D'ailleurs, votre frère et vous, tous deux issus d'un milieu social bigarré, avez connu des trajectoires antagoniques. L'auscultation de cette situation vous a-t-elle appris sur les facteurs exogènes et endogènes qui préfigurent la capacité des uns et l'incapacité des autres à se redresser ? Rien n'est moins égal que la disposition résiliente...

Je suis à la confluence d'origines ethniques, sociales et culturelles différentes. Par mon ascendance paternelle, je suis Tunisien et Breton, de tradition prolétaire et athée ; par ma mère, je suis Guadeloupéen et Anglais, de tradition plutôt bourgeoise et catholique. Mon frère - avec qui plus tard j'ai fondé Cités d'Or - et moi avons reçu la même éducation. Pourquoi a-t-il décroché jeune du milieu scolaire et pourquoi de mon côté ai-je eu un parcours académique riche ? La position dans la fratrie a pu jouer. J'ai été repéré tôt par le système scolaire et en ai vite intégré les règles ; mon frère, de quatre ans mon cadet, a été systématiquement comparé à moi par ses enseignants - qui l'appelaient « petit Karim » - et en a sans doute souffert. Il était différent de moi, son intelligence n'avait rien à envier à la mienne mais s'exprimait différemment et était peu en phase avec les exigences scolaires. Alors la confiance de mon frère s'est érodée, et il a peu à peu lâché prise.

Peut-on en tirer une généralité ? Non. En revanche on peut dire que notre système scolaire ne reconnait qu'une seule forme d'intelligence, discursive ou hypothético-déductive, et nie toutes les autres - pratique, émotionnelle, sociale, artistique, créative, expérimentale...

Le contexte et les méthodes de transmission des savoirs sont également bouleversés...

Le rapport même à la connaissance a fondamentalement changé. Autrefois, pour un jeune, l'accès à la connaissance était nécessairement médiatisé par un « émetteur ou un transmetteur humain » - un « savant » -, qu'il soit professeur ou paysan. Aujourd'hui, la connaissance irrigue la Toile et est potentiellement accessible à tous. Mais pour beaucoup manquent les médiateurs humain, pédagogue, ceux que l'on peut interroger, qui peuvent aider à hiérarchiser et à mettre en perspective cette information.

La réussite de parcours inédits comme le vôtre a pour effet collatéral d'instiller au sein de l'opinion publique l'idée que les « autres », en échec d'insertion scolaire ou de vie, sont seuls responsables de leur sort. Avec quels arguments est-il possible de dépecer ce tropisme ?

Est-on responsable de l'endroit où l'on naît, de l'éducation que l'on reçoit, du milieu social dans lequel on évolue ? Est-on responsable de l'histoire qui nous précède et qui, souvent, nous excède ? Je crois plutôt que chacun d'entre nous essaie de faire au mieux avec ce qu'il reçoit, en d'autres termes d'être heureux. Il n'y a responsabilité que s'il y a liberté, or je ne pense pas que nous naissions libres, je crois plutôt que nous pouvons aspirer à le devenir et que c'est le travail d'une vie.

Je veux croire qu'avec l'expérience nous devenons de plus en plus conscients et de plus en plus responsables de nos choix et de nos actes, mais je pense que tant de paramètres qui ne dépendent pas de nous concourent aux résultats de nos choix et de nos actes que ceux-ci nous échappent souvent. Par ailleurs, la société n'est pas un agrégat d'atomes indépendants les uns des autres ; elle est un tout fait d'interdépendances, d'interactions et de rétroactions complexes.

Un tout irrigué de choix et de valeurs collectifs qui favorisent certains comportements et en dissuadent d'autres. Ces valeurs s'incarnent dans des modèles, et à ce propos on ne peut pas dire que ces modèles soient aujourd'hui ni très nombreux ni très flamboyants pour la jeunesse. La responsabilité de ce qu'est chaque individu est donc aussi collective. Bref, essayons de nous juger un peu moins, et de nous comprendre et de nous aider un peu plus.

Cette jeunesse doit, pour se redresser, être en mesure de bâtir un projet de vie qui prenne place dans un projet de société. Mais comment imaginer le premier quand le second est à ce point illisible, creux, ou vain ? Comment « habiter sa vie personnelle » quand la vie collective semble parfois inhabitée ?

La France n'a plus de direction. Ou plus précisément, on doit constater que celle-ci est vide de sens. Au contraire, et quoi qu'on en pense, des sociétés comme la Chine ou le Brésil ont un cap, lisible et compréhensible du plus grand nombre. On assiste à la correction d'une anormalité historique : des pays autrefois flamboyants et aujourd'hui émergents (Chine, Inde) disputent désormais l'omnipotence occidentale et reviennent dans le concert mondial. Ils ont en commun de dessiner un horizon collectif à long terme, structuré, clair ; on peut bien sûr en contester la visée, mais pas l'existence.

Cet horizon commun distingue également les Etats-Unis de l'Europe : le « rêve américain » fait sens pour tout immigrant et même pour tout autochtone, quelle que soit sa situation sociale ou ethnique. La France n'a plus de direction car elle est fracturée : d'un côté des pans entiers de la société ont décrochés du jeu économique, social, sociétal, politique ; de l'autre, ce qu'on appelle communément les élites ne parvient plus à insuffler une vision désirable, cohérente et réaliste de l'avenir. Cette situation, qui affecte la plupart des pays européens, n'est pas étrangère à la montée des extrémismes de droite comme de gauche, vers lesquels se tournent des citoyens idéologiquement et socialement « perdus ».

Le principe de réciprocité, auquel vous souscrivez, fonde la faculté de coopérer, c'est-à-dire de regarder l'autre non comme le rival mais comme le complice, le soutien. La planète n'est pas celle de subsidiarité ou de suppléance, elle est désormais celle de « la compétition » sous les formes parfois les plus extrêmes et violentes. Et le message dominant n'est pas celui de l'altruisme : il est d'être « guerrier » dans une joute à laquelle participent de toutes parts les ennemis les plus déterminés...

Les sociétés les plus équilibrées et harmonieuses ont en commun des systèmes de formation initiale qui favorisent l'épanouissement de l'individu et, effectivement, le principe de réciprocité. La compétition économique provoque de l'exclusion, génère de la souffrance. Elle marginalise ceux qui ne parviennent pas à concourir. Et pourtant elle est présentée comme rationnelle et performante. Mais un modèle qui a pour seule perspective commune la croissance du PIB et la réduction des déficits, qui détruit économiquement, socialement, humainement au moins autant qu'il crée de la richesse, est-il vraiment performant ?

Un modèle qui par le truchement d'une solidarité étatique désincarnée maintient sous perfusion une population qu'il place lui-même en dehors du jeu économique et social est-il rationnel ? Imagine-t-on les progrès si tant de personnes désœuvrées, jeunes ou moins jeunes, investissaient leur énergie et leur intelligence dans une activité, quelle qu'elle soit, porteuse de sens à leurs yeux ? Il n'y a motivation que s'il y a désir, et il n'y a désir que s'il y a possibilité d'investir son intelligence.

Justement, le goût du travail est aujourd'hui amer. Quelle responsabilité l'état systémique de la société, c'est-à-dire sa gangrène matérialiste, consumériste et individualiste, porte-t-il dans le rejet qu'une partie de la jeunesse réserve à un travail qui jamais ne lui donnera accès à exaucer ses aspirations ?

Mettons-nous dans la peau d'un jeune dit « décrocheur ». Alors que l'insertion économique devrait être le début d'une aventure excitante, ouvrant les portes de l'autonomie matérielle et de l'épanouissement, permettant de se projeter positivement dans l'avenir, elle est souvent au contraire perçue comme une fin. S'insérer, c'est renoncer à ses ambitions et à ses rêves. Pourquoi ? Parce que les jobs proposés sont trop souvent dénués de sens.

Mais aussi parce qu'en l'absence d'un véritable projet de vie, le petit boulot ingrat et mal rémunéré ne peut pas être considéré comme une étape, une occasion d'apprentissage et de perfectionnement, un tremplin vers autre chose ; il est au contraire considéré comme un piège étouffant, dévalorisant - pour des personnes qui ont déjà une piètre opinion d'elles-mêmes -, insupportable : « perdre sa vie à la gagner », comme ont pu en leur temps le crier certains de leurs aînés... Bref, ma conviction, étayée par l'expérience des Cités d'Or, est que l'insertion sociale n'est pas une affaire d'abord économique - même si cette dimension est indispensable - mais humaine, de projet, de sens que l'on donne à sa vie, aux notions de réussite et d'échec. Sans quoi on est condamné à être spectateur de sa vie et de la société.

Si comme vous dites le travail a un goût aujourd'hui amer, c'est aussi parce que nombre d'entreprises humaines (sociétés marchandes, associations, etc.) peinent à maintenir vivaces la raison, la vocation, la passion qui ont présidé à leur création - si tant est qu'elles en aient jamais eu une ! Elles sont affectées par l'évanouissement du rêve qui a nourri leur naissance et ont pour obsession leur seule perpétuation, ce qui n'est motivant pour personne... Même l'amour a besoin pour durer de se nourrir d'un projet partagé, alors imaginez l'entreprise !

La société a des devoirs envers sa jeunesse décrochée et vulnérable, celle-ci a des devoirs envers une société politique et humaine qui ne peut non plus souscrire à une stigmatisation et à une culpabilisation exagérées ni à une victimisation de cette jeunesse. A quelle jonction faut-il faire converger ces responsabilités ?

Le point de jonction réside dans un projet de société élaboré et mis en œuvre collectivement, dans un horizon partagé de sens et d'action. Cela suppose des espaces d'échange, de débat, d'élaboration commune, de mixité générationnelle et sociale. Ces espaces sont aujourd'hui rarissimes, voire inexistants. Le « politique » occupe donc un rôle pivot dans cette réconciliation entre nous, avec nous-mêmes et avec le monde.

Pourtant, depuis vingt ans et en dépit d'initiatives intéressantes, l'ensemble des politiques (de la Ville, d'insertion, de lutte contre les discriminations, etc.) a échoué. Le nombre de jeunes en décrochage ne cesse de croître. François Hollande, candidat, avait placé sur la jeunesse la priorité de ses engagements. Deux ans plus tard, l'échec est patent, et illustre l'ineptie d'une insertion professionnelle qui tracerait le chemin vers l'insertion sociale. Aucune vision d'ensemble et structurelle ne semble pouvoir émerger.

Les échecs de toutes ces politiques ont en commun d'avoir oublié l'essentiel : la vie ne se résume pas à des choix de bien-être, elle est aussi affaire de choix d'identité. Quel sens donnons-nous à l'aventure sociale ? Que faisons-nous ensemble et où allons-nous ensemble ? Comment prenons-nous en compte les besoins de sens et de « reconnaissance » des uns et des autres ? Toutes ces questions pourraient s'articuler autour d'un projet collectif dont chacun puisse se sentir non seulement solidaire mais aussi acteur. Nous sommes devenus un pays spectateur de son histoire et de celle du monde.

Or la France a toujours eu l'ambition d'écrire l'histoire, de proposer au monde une voix et une voie originales. D'ailleurs très peu de nations peuvent revendiquer avoir exercé un tel rôle de phare, presque messianique, pour les autres. Il est l'heure pour elle d'inventer une nouvelle perspective, de se lancer dans des « réformes ». Un peu moins de discours républicain « tarte à la crème » et de « tout sauf le FN » - discours qui ne prend plus, y compris dans les cités -, et un peu plus de République...

Une fois réhabilitées dans la société, quelle substance particulière les trajectoires de vie chaotiques, fracturées, parfois délictueuses, des jeunes « décrochés » sécrètent-elles dans les collectifs qu'elles réintègrent ?

Une sensibilité, un regard, une histoire, aujourd'hui quasiment absents de l'espace public. Ils apportent un souffle et une force qui peuvent aider leur pays à se réconcilier avec lui-même et à prendre conscience de l'existence de richesses qu'il ignore. Les territoires de relégation comportent en effet des mines d'or inexplorées, prêtes à propulser la nation dans la dynamique de mondialisation. Ces jeunes confinés au néant sont souvent en divorce avec la France par dépit amoureux, car ils ont le sentiment qu'elle ne leur fait pas de place. Pourtant quelle énergie, quelle créativité ils sont capables de mettre en œuvre !

Des drapeaux algériens flottant le soir de la victoire présidentielle de François Hollande aux sifflets couvrant la Marseillaise au Stade de France en passant par la dégradation parfois violente des signes républicains (pompiers, policiers, etc.) : effectivement, certains d'entre eux, mal dans leur identité non stabilisée, rejettent la France. « On peut haïr la France ; alors on la quitte », jugeait le philosophe Alain Finkielkraut.

Toute forme de violence - je pense aux attaques contre des pompiers ou des policiers - doit être condamnée, et sanctionnée. Mais pour prendre les autres exemples que vous citez, ces jeunes - très largement minoritaires - « sont » la France, et ces manifestations puériles relèvent d'abord d'une volonté d'exister dans l'espace public français. Ils pensent français, rêvent français, vivent français. Ils sont plongés dans une situation schizophrénique : ils savent bien qu'en Algérie ou ailleurs ils n'ont jamais été et ne seront jamais chez eux. Le problème, c'est que la France n'offre aucune perspective à une large partie de sa jeunesse, qu'elle soit Française de souche, de branchage ou de ce qu'on veut !

L'enjeu d'inclusion de la jeunesse décrochée est capital « aussi » pour la société. De quels dangers concrets cette jeunesse menace-t-elle ? Les images des émeutes dans les banlieues en 2005 sont demeurées vivaces, et les plaies ne sont pas cautérisées. Une jeunesse de colère et de combat peut-elle se coaliser ?

La France serait-elle devenue un pays qui a peur de ses enfants ? Ces jeunes sont le miroir grossissant des interrogations, des contradictions et des errements de la société. Par ailleurs, il ne faudrait pas trop se focaliser sur les banlieues : le sentiment de décrochage et d'abandon en milieu rural est moins visible, moins spectaculaire mais tout aussi dramatique.Nous vivons dans une société à plusieurs vitesses. Dans ce contexte, une coalition réunissant ceux qui se sentent « mal nés », laissés-pour-compte, méprisés, et confinés à être spectateurs de leur existence, est effectivement à craindre, mais encore une fois, elle dépasse largement la jeunesse et les banlieues.

Cette préoccupation pour les « mal-nés » et les « décrochés », cette réflexion et ce travail pour les réhabiliter dans la société et les projeter dans une dynamique actrice et non plus spectatrice, participent nécessairement à votre conscience politique. Qu'est-ce qui distingue ou au contraire homogénéise les propositions politiques dans ce domaine ?

Les Cités d'Or constituent un projet politique au sens non-partisan du terme : celui de contribuer à réinjecter du sens dans la société. La France crève de l'esprit de clocher, de clan, de caste, et les partis politiques contribuent souvent à cette dégradation mortifère. Ils somment les citoyens de choisir un camp, d'adhérer à des slogans davantage que de contribuer à une réflexion collective, de s'assujettir bien plus que de raisonner par eux-mêmes. Or, qu'est-ce que la politique si ce n'est au contraire faire fructifier l'autonomie intellectuelle et morale des gens, et ainsi dessiner un horizon commun ?

Aider des jeunes à « prendre leur place » en tant que citoyens réclame-t-il des dispositifs démocratiques particuliers ?

Le fonctionnement politique traditionnel ne permet pas d'exercer une responsabilité active de citoyen. De nombreux jeunes et moins jeunes ont le sentiment qu'on ne s'intéresse à eux qu'au moment des échéances électorales. Cela alimente le désinvestissement. Par ailleurs, une fois élus, les vainqueurs disposent d'une sorte de blanc-seing et n'ont pour ainsi dire plus besoin des électeurs. Notre démocratie marche à cloche-pied parce qu'elle n'est que représentative. Or le niveau de connaissance des citoyens a progressé et les rend critiques et exigeants par rapport à un fonctionnement démocratique auquel ils veulent concrètement participer.

Pour cela, il faudrait des espaces nouveaux de démocraties participative mais aussi délibérative, grâce auxquels les élus pourraient, à côté de la mise en œuvre de leur programme, associer les citoyens à la gestion de l'imprévu, du conjoncturel, prendre en compte les attentes et les contraintes au fur et à mesure de leur émergence. Les politiques ont parfois tendance à considérer les citoyens actifs comme des gêneurs. Or des citoyens co-auteurs de l'action publique deviendraient également co-responsables des décisions prises. Si les jeunes - et les autres... - ont le sentiment que leur voix compte, alors ils s'investiront dans le débat public.

Le géopolitologue Gilles Kepel, spécialiste du monde musulman, vient de publier Passion française, la voix des cités (Gallimard) au sein duquel il ausculte l'engagement et le rayonnement politiques des Français issus de l'immigration. Vous-mêmes appartenez à cette « histoire » de la France et insistez sur les vertus de la conscientisation politique, déterminantes dans le processus d'intégration. Cette jeunesse, lorsqu'elle est décrochée, porte-t-elle des propriétés, heureuses et handicapantes, singulières ?

Elle apporte indiscutablement un témoignage sur une réalité particulière. Mais la société aura fait un grand pas lorsqu'une telle question n'aura plus lieu d'être posée. Les singularités qu'ils portent et partagent ne seront plus, un jour, à isoler de celles de chaque autre citoyen. Ce jour-là, être « noir », « arabe », et de « banlieue » ne constituera plus une « particularité plus particulière » qu'être Français de souche résidant dans le 2ème arrondissement lyonnais ou paysan dans le Limousin. Tous les citoyens français ont un point de vue singulier à faire partager. Et moins on évoquera cette singularité des banlieues, moins on marginalisera ceux qui y habitent ; l'effort réside aussi dans le langage.

Une partie de votre cursus - outre votre DEA, un parcours au sein de la Faculté jésuite de théologie de Paris (Centre-Sèvres) - vous a emmené dans les mystères de la foi. Le déficit spirituel de la civilisation occidentale participe-t-il au décrochage, non seulement scolaire mais aussi moral et éthique, de sa jeunesse ? Une partie de cette jeunesse désincarnée est sensible aux atours d'une spiritualité espérée comme salvatrice. Non sans dangers, comme l'illustre la radicalisation de jeunes musulmans, juifs et chrétiens...

Chaque individu est questionné en sa qualité d'être humain. Quel est le sens de ma vie ? Quel est celui de l'aventure humaine ? La société politique peinant à offrir des perspectives, il n'est pas étonnant de constater un recours à l'offre religieuse. Mais la problématique n'est pas seulement de « sens » : elle est aussi d'identité. Parce qu'ils ne se sentent pas accueillis ou protégés dans la communauté nationale, des jeunes explorent des communautés, des clans, des familles de substitution. Chez nombre de jeunes, embrasser la religion ne s'inscrit pas tant dans une démarche spirituelle que dans une démarche identitaire, derrière laquelle ils espèrent être à la fois reconnus et en sécurité.

Par ailleurs, la recherche de « sens » telle que les jeunes la manifestent aujourd'hui dans leur grande majorité - du moins celles et ceux que je côtoie - se marie assez mal avec une approche religieuse traditionnelle. Ils ont beaucoup de questions, mais apprécient peu les réponses dogmatiques. Les religions n'est restent pas moins un inépuisable sujet d'échanges...

Quel regard critique portez-vous sur la responsabilité, sociale et sociétale, de l'entreprise ? De quelles discriminations - ethniques, géographiques - cette jeunesse souffre-t-elle réellement ?

Les problématiques sont très différentes entre les TPE, les PME et les grandes entreprises. Mais globalement, l'entreprise en tant que collectif humain peut apporter une contribution très importante à la résolution des crises que subit la société. Cela suppose qu'elle se pense vraiment comme un acteur social, et pas seulement économique, dans la Cité. Cela suppose d'avoir le souci constant de faire grandir l'ensemble de ses parties prenantes, et notamment ses salariés.

Cela passe aussi par une organisation du travail qui laisse une place à des temps de créativité et d'intelligence collectives. Enfin, les salariés doivent pouvoir être reconnus et valorisés dans leur travail, car c'est là que réside un enjeu fort de motivation ou de démotivation, notamment pour les jeunes générations : être considéré comme un partenaire, comme l'acteur d'un projet collectif, et pas comme un pion. Si elles s'emploient concrètement à ces tâches, les entreprises obtiendront un gain considérable, car elles profiteront de la revitalisation de sens vécue par les salariés.

Mais un autre travail est à réaliser, cette fois de la part de la société civile et des politiques : cesser de vomir l'entreprise par principe, et de réduire les patrons à des pourris ou des profiteurs. Une telle caricature n'est pas tenable. Il n'y a pas plus de « salauds » à la tête des entreprises qu'ailleurs. Parce qu'elle est un collectif humain, l'entreprise est traversée de courants contraires : certains vont dans le sens d'une responsabilité sociale et sociétale accrue, d'autres dans celui du « business as usual ». Vitupérer l'entreprise en bloc fragilise les courants qui, en son sein, sont porteurs de transformations, et contribue parfois à casser les dynamiques positives : « A quoi bon changer puisque ces changements sont coûteux et ne modifient en rien la perception que l'on a de nous ? »

C'est au décloisonnement, aux mixités - générationnelles, sociales, religieuses, éthniques - et à l'installation d'« espaces de fraternité » qu'œuvrent, finalement, Les Cités d'Or. Nonobstant quelques réussites éparses, croyez-vous encore à la volonté et à la capacité des corps sociaux à dépasser les sectarismes et à se mêler ? Ne faut-il pas plutôt se résigner à travailler au respect et à l'harmonisation des communautés ?

A l'aune de l'état des souffrances que je constate mais aussi des résultats de l'action que nous menons à travers nos « écoles buissonnières », je suis intimement convaincu qu'il existe une demande et une volonté de réinventer des espaces de co-apprentissage, d'échange et de « co-naissance », des espaces de fraternité en effet. Sans réponse à cette demande, nous devrons faire face au désengagement et au repli des citoyens, et donc au délitement de tout ce qui « fait » que nous « faisons société ». Ce désengagement pourrait être sournois et invisible, il pourrait aussi prendre la forme d'un chaos si les frustrations et les contestations se radicalisent et se « coalisent ». Il faut accepter que des héritages et des moyens traditionnels de « faire société » meurent, et que s'y substituent de nouvelles formes qui doteront les citoyens des armes leur permettant d'être davantage « acteurs » de leur existence personnelle et de la société. Mais de toute façon, a-t-on vraiment le choix ?

Cités d'Or se veut être une tentative de réponse à l'implosion des institutions et au délitement sociétal. Une goutte d'eau dans l'océan, et une disproportion de moyens qui n'effraye pas le fondateur, porté par une indéfectible foi en sa mission et habitué aux antagonismes - comme en témoigne son impressionnant cursus mesuré à celui des publics escortés vers la réintégration. Faiblement outillée - elle mobilise sur Lyon et Paris une vingtaine de bénévoles -, l'association a accueilli ces six dernières années plus de 600 jeunes « en décrochage » - scolaire, social, professionnel - âgés de 18 à 35 ans. A l'issue des parcours d'accompagnement dispensant des savoirs (être et faire) fondamentaux, un quart d'entre eux a repris des études et un second quart un emploi. Karim Mahmoud-Vintam, 38 ans, marié et père de deux enfants, aspire en 2014 à être salarié de l'association, créée avec son frère Sandy. Cités d'Or, soutenue par la Fondation Emergences et accompagnée par l'ancien président du CESER et d'Aldes Bruno Lacroix, ambitionne de boucler un budget annuel de 150 000 euros.

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Commentaires 7
à écrit le 09/07/2014 à 17:50
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Mais l'état, les institutions, n'ont jamais accueilli les jeunes dans la société. Il n'y a qu'une promesse d'égalité, Egalité devant la Loi, au sens révolutionnaire, mais inégalité des esprits et des intelligences, des fortunes et des physiques. Alor...

le 30/07/2014 à 4:16
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Donc logiquement, il faudrait interdire l'école et la politique, car ce sont des menteurs ?

à écrit le 09/07/2014 à 15:43
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C'est très juste et pertinent ; l'ouvrage est une sorte de sacerdoce. L'on n'entrevoit pas de solution à un déclin de civilisation, à l'inverse de cas tels la Chine ou l'Inde, descendus très bas. Quelle coopération du spirituel et du temporel ?

à écrit le 08/07/2014 à 21:40
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Intelligent, profond et humain. Étonnant, je n'ai plus l'habitude .

à écrit le 08/07/2014 à 13:04
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Quelqu'un de super intelligent qui donne son temps et son énergie pour aider les jeunes en difficulté, au lieu de faire une grosse carrière pour le fric et la gloire ??? wow....rien que ça c'est assez rare pour etre souligné...

à écrit le 08/07/2014 à 11:11
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Quand on confond "moyen" et "but", on ne risque pas de résoudre le problème!

à écrit le 07/07/2014 à 20:48
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Très intéressant bien évidemment. Le contraire des discours toujours partiels que l'on entend de la part des principaux politiques. La société civile heureusement est intelligente et c'est elle qui devra prendre la relève du monde politique via des s...

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