Transport : Dans la métropole de Lyon, le partage de l'espace public fait débat

L'essor de nouveaux modes de déplacement s'accompagne d'une redéfinition du partage de l'espace public. L'enjeu pour les métropoles d'Auvergne-Rhône-Alpes - et en particulier la métropole de Lyon : garantir une bonne cohabitation entre toutes les solutions de mobilité, en respectant le juste équilibre. Une question qui sera notamment débattue ce lundi 25 novembre à l'occasion du 3e Forum Lyon City Life organisé par La Tribune à Lyon.
(Crédits : Karen Latour / ADE)

La décision est pour le moins radicale : les trottinettes électriques en libre-service sont désormais bannies de stationnement à Villeurbanne (Rhône). Un arrêté de la mairie, en vigueur depuis le 1er novembre, précise que toute trottinette stationnée sur la voie publique pourra être enlevée par les services municipaux, les contrevenants devant payer une amende de 38 euros.

Afin de répondre aux difficultés des opérateurs privés - Lime, Bird, Dott... -présents sur le territoire lyonnais, incapables de contrôler l'usage de trottinettes trop souvent abandonnées au beau milieu des trottoirs, la municipalité a donc choisi la manière forte.

"Si l'arrivée de services de location de trottinettes sans station a suscité depuis un an l'adhésion de certains habitants, elle a en effet conduit à une gêne grandissante des autres usagers de l'espace public et tout particulièrement des piétons à mobilité réduite ou en situation de handicap", explique le maire PS de Villeurbanne, Jean-Paul Bret.

En prenant cet arrêté, l'élu tente de faire face à l'un des grands défis de la « ville de demain », où l'espace public est à partager entre un nombre grandissant de solutions de mobilité : trottinettes, vélos, mono roues, voitures, transports en commun... Une formidable opportunité d'augmenter la part des mobilités dites « douces » dans les déplacements, mais aussi un véritable casse-tête en termes de cohabitation.

"Les tensions entre les piétons et les différents modes de transport, cela existe depuis toujours, dès l'apparition de la charrette à boeufs. Il faut sans cesse se reposer la question du partage de l'espace public", commente Olivier Bonin, le directeur adjoint du Laboratoire ville-mobilité-transport.

Mais, si l'équation n'est pas nouvelle, cette gestion multimodale est rendue encore plus complexe aujourd'hui, notamment par l'apparition de multiples entreprises privées qui installent des vélos électriques ou des trottinettes électriques en free floating dans l'espace public, sans que ces services n'aient été demandés par les municipalités.

"Il est difficile d'empêcher l'arrivée de ces opérateurs, mais les municipalités n'oublient pas que ces entreprises sont là pour faire du profit et non pour rendre la ville plus agréable. Si l'on prend l'exemple de la trottinette électrique, ce nouvel usage ne répond pas forcément à un besoin puisqu'il a tendance à se substituer à la marche à pied ou aux transports en commun", pointe Olivier Bonin.

Vice-président de la Métropole de Lyon chargé de la mobilité, Pierre Hémon ne se déclare pas anti-trottinette.

"Les services de trottinettes électriques sont un véritable phénomène de société, on ne peut pas simplement se battre contre et dire "je n'en veux pas". Il faut donc lui trouver une place. Nous discutons avec les opérateurs pour que ça ne parte pas dans tous les sens. Et les échanges que l'on a sont positifs", commente-t-il.

Lutter contre l'utilisation de la voiture individuelle

Au centre des discussions, notamment, la possibilité, grâce à la géolocalisation, de brider automatiquement les trottinettes dans les zones piétonnes pour réduire les risques d'accidents, ou encore l'impossibilité d'arrêter sa location à moins de 50 mètres des fleuves pour éviter que les engins ne finissent dans l'eau : plus d'une centaine de trottinettes ont ainsi été repêchées, fin octobre, en une journée dans la Darse du quartier Confluence et la Saône.

"Il faut également sanctuariser les trottoirs. Nous devons passer d'un Code de la route à un code de la rue pour faire cohabiter l'ensemble des modes de transports... à l'exception de l'autosolisme", précise Pierre Hémon.

L'objectif affiché : lutter contre l'utilisation de la voiture individuelle avec juste un conducteur à bord pour des trajets intra-métropole. Un changement de paradigme illustré par un décompte à une heure d'affluence sur le cours Lafayette - récemment rénové avec la création de voies de bus et de feux dédiés aux vélos - qui relie la Presqu'île au quartier de la Part-Dieu. Au compteur à l'instant T : 450 vélos et 210 trottinettes contre « seulement » 300 voitures.

"Nous sommes actuellement dans une période charnière, avec une prise de conscience que l'on va vers un nouveau modèle où les modes doux reprennent de l'espace sur la voirie. Les habitants ont une aspiration à plus d'apaisement dans leurs déplacements. Il s'agit, définitivement, d'une autre façon de concevoir la ville", analyse de son côté Christophe Ferrari, le président de la communauté d'agglomération Grenoble-Alpes Métropole.

S'informer en temps réel de l'état du réseau

En 2016, la collectivité iséroise a été la première métropole de France à limiter la vitesse des voitures à 30 km/h sur 80 % des voies de circulation.

"Les premiers retours sont positifs de la part des piétons et des cyclistes, notamment parce que ces limitations sont bien respectées par les automobilistes. Développer une mobilité agréable pour tous ne nécessite pas d'opposer les différents modes de transport. Il faut travailler les notions de fluidité et d'apaisement, en prenant en compte que les citoyens restent également des utilisateurs de la voiture personnelle", rappelle Christophe Ferrari.

C'est dans cette optique que viennent d'être lancés les travaux - attendus depuis trente ans - de réaménagement de l'A480 et de l'échangeur du Rondeau. Un projet estimé à près de 400 millions d'euros dont le but est de désengorger la traversée de Grenoble, asphyxiée par les bouchons et la pollution.

Un mouvement vers davantage de modes doux en centre-ville accompagné à Saint-Étienne par la mise au point d'une application mobile unique en France, nommée Moovizy 2, qui réunit l'ensemble des solutions possibles pour se déplacer à l'exception de la voiture individuelle : bus, tramway, trolleybus, vélo en libre-service, autopartage, taxis, train ou covoiturage.

Développée dans le cadre d'un projet qui regroupe Saint-Étienne Métropole, Transdev et le réseau de transports stéphanois STAS, l'application, actuellement en phase de test, est présentée comme un « concentré de services ». Elle permet de s'informer en temps réel sur l'état du réseau, de réserver un autopartage ou un covoiturage, de commander un taxi ou encore d'utiliser un vélo en libre-service VéliVert... Avec, en prime, la possibilité de recevoir une facture unique en fin de mois où tous les modes de transports sont intégrés.

"Cette application est une véritable aide à la décision du mode de transport. Nous sommes bien au-delà du gadget. Réunir l'ensemble des modes de transport a demandé beaucoup de travail, et maintenant le concept de Moovizy va s'étendre à l'ensemble de la France", se félicite Luc François, conseiller communautaire en charge des transports à Saint-Étienne Métropole.

Le lancement officiel de Moovizy 2, dont la version initiale avec moins de fonctionnalités est en service depuis 2016, est attendue d'ici à la fin de l'année.

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