Pourquoi l'A45 ne devrait pas se faire en l'état, selon le rapport Duron

Nouvel écueil de taille pour les partisans de l’A45. Le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, présidé par l’ex-député socialiste Philippe Duron, préconise un report de la signature de la concession. Et appelle les acteurs locaux à trouver une solution plus consensuelle.

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L'information avait commencé à fuiter hier soir, l'ex-député socialiste et président du Conseil d'orientation des infrastructures Philippe Duron a confirmé ce matin en dévoilant dans le quotidien Le Parisien les grandes lignes du rapport qu'il a rendu en ce début d'après-midi à la ministre des Transports, Elisabeth Borne. Rapport qui doit permettre au gouvernement de faire des choix "réalistes, en adéquation avec les besoins des Français au quotidien".

Le couperet est donc tombé : dans un contexte contraint budgétairement, l'A45 ne fait pas partie des projets d'infrastructures obtenant son feu vert. Le rapport de concession est prêt mais les probabilités sont fortes pour que le gouvernement ne signe pas tout de suite ce projet l'engageant sur une participation de 400 millions d'euros.

L'arrivée sur Lyon à régler d'abord

S'il reconnait que l'A45 doit apporter une "solution fiable et performante" entre Lyon et Saint-Etienne pour améliorer l'attractivité de cette dernière, s'il admet que les conditions de déplacement sont difficiles entre les deux agglomérations, le rapport Duron estime toutefois que "le projet A45 continue de soulever de nombreuses interrogations dont celle de son arrivée sur l'agglomération lyonnaise où il risque d'aggraver la congestion déjà importante existante".

Il considère que "l'amélioration des conditions de déplacements ne pourra pas se concrétiser dans de bonnes conditions sans un accord minimum entre les principaux acteurs des territoires concernés sur la ou les solutions à mettre en œuvre, accord qui manifestement n'existe pas aujourd'hui avec le projet A45 tel qu'il est".

Le rapport Duron rappelle que déjà, la Commission Mobilité 21 avait émis des recommandations en ce sens, recommandations restées lettre morte. Le document fait donc état que le Conseil d'orientation des infrastructures recommande majoritairement à l'Etat d'attendre, pour l'attribution de la concession (à Vinci), les conclusions du débat public multimodal qu'il appelle de ses vœux en 2019 sur l'aménagement du nœud ferroviaire lyonnais et des options de contournement routier de la métropole lyonnaise.

Il considère en effet que ce "débat est de nature à permettre de dessiner les contours d'une solution d'ensemble consensuelle pour les déplacements entre les deux agglomérations qui pourrait être mise en œuvre d'ici 2025".

Le conseil propose de réserver 400 millions d'euros sur dix ans. D'ici là, il enjoint les collectivités locales et l'Etat à mettre ce délai à profit pour "étudier une solution acceptable par tous qui passerait par la combinaison de 'multiples solutions alternatives' comportant des aménagements sur l'A47, le renforcement des liaisons ferroviaires ainsi que le développement de transports collectifs sur autoroute et le covoiturage".

La lutte finale ?

Elisabeth Borne, ministre des Transports, a souligné lors de la conférence de presse donnée ce début d'après-midi qu'elle comptait recevoir les élus, notamment les présidents des régions concernées par les préconisations du rapport. Le gouvernement tranchera et présentera ensuite un projet au Parlement. Ce sera donc lui qui décidera, in fine, du sort de l'A45, dans les tous prochains mois.

Laurent Wauquiez, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes n'a pas tardé à réagir :

C'est un rapport assassin, extrêmement parisien, qui condamne la presque totalité des grandes infrastructures de notre région. Jamais il n'y a eu une telle reculade. Auvergne-Rhône-Alpes n'acceptera pas ce rapport sans agir. J'appelle solennellement le président de la République, Emmanuel Macron a réagir. L'objectif est d'appeler à la mobilisation tous les élus de la région.

Dans la Loire, si les opposants à l'A45 ne peuvent que se réjouir de ce répit, de bien mauvais augure pour ce nouveau projet de liaison, les élus eux, sont consternés. Ces derniers ont mis plusieurs heures à réagir officiellement au rapport. Consternés, mais toujours mobilisés. Dans un communiqué, Gaël Perdriau, le maire de Saint-Etienne, fulmine :

"Il n'est pas acceptable que les 400 000 habitants de la Métropole stéphanoise et l'ensemble du monde économique de notre région, soient de manière permanente, les otages de calculs politiciens des opposants au projet, ennemis de l'intérêt général et du développement de la région Auvergne-Rhône-Alpes".

Lire aussi : A45 : le modèle financier se précise

Il rappelle néanmoins, dans un message à peine voilé à la ministre des Transports que "ces conclusions n'ont aucun caractère prescriptif et ne sont qu'un avis à titre informatif". Même ton du côté de Georges Ziegler, président du Département. "Cette décision est inacceptable alors que la nécessité et l'utilité de cette infrastructure ne se sont plus à démontrer. La DUP est prise depuis juillet 2008. En ne respectant pas la parole donnée, l'État ne prendrait pas ses responsabilités. C'est une condamnation sans appel pour la compétitivité de notre territoire".

Dans un communiqué commun, Régis Juanico (député PS), Pierrick Courbon (président du groupe Loire solidaire au Conseil départemental) et le sénateur Jean-Claude Tissot exposent :

"Ces conclusions ne sont pas une victoire des opposants à ce projet, qui ont souvent été caricaturés, raillés et méprisés. C'est simplement la victoire du bon sens contre la gabegie financière et l'aberration écologique. Il s'agit désormais de se saisir sans délai de la proposition faite par la Commission Duron pour concevoir, de manière largement concertée entre Loire et Rhône, sans tabou ni dogmatisme, les modalités concrètes d'amélioration rapide et durable de la liaison Saint-Étienne / Lyon (ligne TER, nouveau pont sur le Rhône, requalification de l'A47...), dans un cadre de réflexion à la hauteur des enjeux de mobilité du 21ème siècle".

Lire aussi : A45 Lyon - Saint-Etienne : vers un nouveau Notre-Dame-des-Landes ?



Maurice Vincent, ex-maire socialiste de Saint-Etienne, de son côté ironise : "les choix définitifs sont à venir, dans les six mois. Le Président de Saint-Etienne Métropole et les parlementaires ont donc encore leur rôle à jouer pour obtenir une décision plus favorable du Premier Ministre ou du Président de la République puisque l'expérience prouve que l'avenir de ce projet se décide à ce niveau. Souhaitons donc un retournement de situation et un succès. Une idée pour M. Perdriau : solliciter un dîner avec le Président ?"

Si le gouvernement et le Parlement ne retenaient pas le projet de l'A45, le dossier serait probablement définitivement clos. Définitivement, après plus de 30 ans de discussion ?

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