Montagne : les stations d'AuRA se préparent à un hiver presque entièrement français

À quelques semaines des vacances de Noël et encore en pleine incertitude quant à la durée du confinement actuel, le monde du tourisme alpin se prépare à tenter de sauver la saison à venir, en misant sur la clientèle française. Déjà, le département de la Savoie a passé une première commande de 250.000 tests antigéniques pour tenter de sécuriser sa saison d'hiver.
(Crédits : @ Savoie Mont Blanc - Alban Pernet)

Alors que le département de la Savoie se trouve actuellement balayé par la seconde vague de Covid-19, avec un taux d'incidence 2,5 fois plus élevé que celui de la moyenne nationale, la saison d'hiver qui n'a pas encore démarré inquiète déjà.

Bien que l'épidémie ne semble pas avoir atteint encore son pic, les compteurs s'affolent, avec près de 1.167 cas positifs pour 100.000 habitants, 448 malades Covid-19 hospitalisés (contre 127 au printemps dernier) et déjà 127 morts (contre 68 lors de la première vague).

En montagne, les centres d'hébergement collectifs retiennent leur souffle. Après avoir observé un rebond en août, les réservations de colonies de vacances et de classes de neige ont chuté depuis la rentrée de septembre, bien avant l'annonce du reconfinement.

« Le secteur des centres d'hébergement collectif joue sa survie cet hiver, prévient Claudie Blanc Eberhardt,, la directrice générale de Savoie Mont Blanc Tourisme (SMBT). La situation est difficile, elle pourrait devenir dramatique. »

De manière générale, les réservations pour l'hiver avaient progressé jusqu'ici très modestement cet automne avant l'annonce d'Emmanuel Macron. Si bien que le retard accumulé est désormais de 12 à 20 points comparativement à l'an passé. « On constate de nombreuses visites sur le web, mais peu de conversions des paniers », observe la directrice générale de SMBT.

L'attentisme prévaut encore face aux incertitudes liées à l'évolution de la pandémie et des mesures sanitaires, à l'image de la France, qui a instauré son couvre-feu "au moins jusqu'au premier décembre", tandis que les clientèles internationales demeurent particulièrement prudentes.

Même si déjà, on observe que sur le terrain de l'hébergement en montagne par exemple, certains semblent pour l'instant s'en sortir mieux que d'autres. Déjà complets cet été, les gîtes pourraient par exemple tirer encore une fois leur épingle du jeu. « Ils correspondent bien au format de vacances recherché, note Claudie Blanc Eberhardt. On peut rester dans sa bulle, en autonomie avec sa famille ou ses amis. » Même chose du côté des meublés loués, proches du modèle des gîtes, qui semblent relativement épargnés. Mais ce n'est pas le cas des hôtels familiaux, dont le niveau de réservations s'avère très « moyen », précise la directrice générale de Savoie Mont Blanc Tourisme.

Préparer l'hiver pour combattre l'inquiétude

Mais pour les professionnels du tourisme, le plus inquiétant demeure encore l'incertitude entourant l'accès de la clientèle étrangère, qui représente 35% de la fréquentation dans les deux Savoie. « Et la part de la clientèle étrangère s'élève jusqu'à 50% dans certaines stations », pointe Claudie Blanc Eberhardt.

Au-delà des limitations actuelles de déplacement, dont la durée sera décisive, le monde du tourisme s'est déjà mis en branle pour attirer un autre type de clientèle : ceux qui seraient en mesure de se déplacer cet hiver.

Alors qu'elle était jusqu'ici stimulée par la clientèle internationale lors des dernières années, la montagne française sera cet hiver bien plus dépendante de sa clientèle nationale.

« Nous devons aller chercher la clientèle française, qui avait tendance à s'effriter, et lui redonner l'envie de venir à la montagne avec des offres adaptées et un bon rapport qualité-prix », pointe Claudie Blanc Eberhardt.

Tour à tour, France Montagnes et Savoie Mont Blanc Tourisme ont donc décidé de maintenir leurs campagnes de communication, malgré les incertitudes sur la saison d'hiver. « Nous voulons que la montagne tienne la parole tout l'hiver », illustre pour sa part Jean-Marc Silva, le directeur de l'association qui regroupe les acteurs du tourisme de montagne, France Montagnes. Ils misent notamment sur l'imaginaire de la montagne associé aux grands espaces, qui pourrait être un atout de poids pour faire revenir les vacanciers à l'issue du confinement.

Garantir les mesures sanitaires

Il faudra néanmoins pour cela que les acteurs de la montagne soient en mesure de mettre en place les mesures sanitaires adéquates. Professionnels, stations et collectivités sont à l'oeuvre sur les protocoles à adopter pour rassurer et sauver la saison. Au départ des remontées mécaniques et des cours de ski, comme dans les transports par câble, on sait déjà par exemple que le port du masque sera par exemple obligatoire pour les skieurs. « Les stations françaises seront prêtes à accueillir les clients dès qu'ils pourront venir », assure Jean-Marc Silva.

Déjà, le département de la Savoie a passé une première commande de 250.000 tests antigéniques, afin de sécuriser la saison d'hiver. Ces tests, offrant des résultats en 15 minutes, seront destinés aux 40.000 professionnels du tourisme de la Savoie, afin de garantir leur dépistage régulier et de renforcer la confiance des touristes.

Sur le plan national, cette confiance pèsera lourd. L'enjeu s'élève à 120.000 emplois et 11 milliards d'euros, soit le chiffre d'affaires des remontées mécaniques et de l'hébergement réalisé chaque hiver dans les stations françaises. Cet enjeu est aussi le coût d'une saison blanche, que personne n'ose imaginer dans les stations de la région.

Un été qui avait sauvé la mise

D'autant plus que lorsque la pandémie a débarqué en Europe au printemps dernier, les stations de sports d'hiver se situaient encore sur une lancée positive. Les deux Savoie venaient d'enregistrer une année à 41,1 millions de nuitées. « Il s'agissait d'un record depuis 25 ans », souligne Claudie Blanc Eberhardt, la directrice générale de Savoie Mont Blanc Tourisme (SMBT).

La fréquentation se trouve alors stimulée par la croissance de la clientèle étrangère, d'abord britannique, mais aussi belge et néerlandaise.

Mais la pandémie a cassé net cet élan. Le confinement de mars à mai a ainsi amputé la saison d'hiver de 5 à 6 semaines, ce qui représente déjà près de 20% de la saison. La perte de chiffre d'affaires s'établit ainsi entre 800 millions et un milliard d'euros. Et ce sont les stations d'altitude internationales qui se retrouvent les plus impactées par cette situation, avec la mise à l'arrêt des transports internationaux.

Été réconfortant

À la sortie du confinement, les professionnels du tourisme avaient immédiatement braqué les yeux vers la saison d'été, tout en sachant que celle-ci, qui ne réalise que 34% du volume d'activité annuel - comparativement aux 61% réalisés l'hiver -, ne pouvait pas rattraper les pertes subies.

Or, la saison d'été aura été une relative bonne surprise pour les stations du territoire. Et ce, malgré une série d'obstacles, tels un mois de juin atone, un début de saison tardif, avec une reprise amorcée réellement qu'à compter de mi-juillet, ainsi qu'une annulation des grands festivals et le report du Tour de France. Heureusement, le mois d'août aura marqué finalement un fort rebond. « Les clientèles françaises ont redécouvert leur pays », constate Claudie Blanc Eberhardt.

A tel point que la montagne est ainsi parvenue à grignoter 7 points de parts de marché à la destination littorale, selon le baromètre de SMBT. Avec, comme moteur, une image de la montagne en été associée à la liberté et aux grands espaces, qui s'est avérée particulièrement en phase cette année avec la demande touristique d'après-confinement.

« Plus d'un tiers de la clientèle n'était jamais venue en montagne, observe Jean-Marc Silva, directeur de France Montagnes. Les gens avaient besoin de se vider la tête, de retrouver le moral. »

L'été 2020 pourrait même avoir accéléré une tendance déjà observée depuis quelques années. « Avant, c'était les sportifs qui venaient en montagne. Aujourd'hui, le grand public vient chercher du plaisir, des loisirs et des bienfaits pour la santé », indique Jean-Marc Silva.

Malgré l'absence de clientèle étrangère, la saison d'été était donc parvenue à limiter ses pertes, avec une activité en recul de 16% dans l'ensemble des destinations de Savoie et de Haute-Savoie. Tous les yeux sont désormais rivés vers le mois de décembre.

(avec ML)

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