Sports d'hiver : des pistes pour la station de demain

Bien que poursuivant la diversification de son offre, la station de ski de demain continuera de se construire autour du ski. Une activité qui attire chaque année quelque six millions de pratiquants sur les pistes françaises. Fidéliser et renouveler cette clientèle constituent l’enjeu principal des stations, engagées dans d’ambitieux programmes de renouvellement du parc de remontées mécaniques et d’entretien du domaine skiable, face aux aléas climatiques et dans un contexte de concurrence internationale accrue. Toute cette semaine, Acteurs de l'économie-La Tribune vous propose un décryptage des enjeux de la montagne de demain.
C'est autour du ski que se construira la station de demain.

Avec 53,9 millions de journées-skieur vendues pendant la saison 2014-2015, la France a repris l'an dernier la première place du classement mondial des domaines skiables, juste devant les États-Unis.

Aujourd'hui, elle doit faire face aux destinations européennes classiques (Autriche notamment, mais aussi Allemagne, Italie et Espagne), comme à la concurrence nord-américaine... Mais aussi, confortées par la baisse des prix des transports aériens, à de nouvelles destinations qui se placent sur le marché des sports d'hiver : Europe centrale et orientale, Russie, Turquie, Amérique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande, Chine, Corée...

À l'échelle nationale, les dépenses touristiques effectuées l'hiver en station sont évaluées à sept fois le chiffre d'affaires hivernal des domaines skiables, soit environ neuf milliards d'euros, révèlent les chiffres publiés par Domaines skiables de France. Ainsi, le tourisme hivernal des stations de montagne représente environ 10% du tourisme français, qui lui-même pèse 7,5 % du PIB français.

 120 000 emplois générés

La France comptabilise plus de 250 stations de sports d'hiver -  sur les 4 000 recensées dans le monde. Elles emploient, chaque hiver, environ 120 000 personnes, la plupart saisonniers. En Auvergne Rhône-Alpes, ce ne sont pas moins de 95 000 emplois qui dépendant directement ou indirectement de l'ouverture des domaines skiables (commerces, hébergements, écoles de ski, services en stations, etc.).

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Auvergne-Rhône-Alpes abrite le plus grand domaine skiable de France, comptabilisant quelque 160 stations. Elles représentent près de 80 % des recettes nationales des remontées mécaniques, d'après des statistiques collectées par la CCIR. Plus de la moitié des dépenses touristiques en Rhône-Alpes sont réalisées dans les remontées mécaniques des stations de montagne, une spécificité régionale. En effet, la région capte plus de 77 % de la dépense touristique nationale dans ce secteur, selon les données Insee.

Autour du ski

Des 11 à 12 millions de français qui partent en vacances chaque hiver, la moitié choisit de partir à la montagne. « Et le ski constitue la première motivation des vacanciers en station l'hiver », relève l'observatoire des Domaines Skiables de France, chambre professionnelle des opérateurs de domaines skiables. Le ski constitue un produit d'appel.

« Il est le principal facteur d'attractivité et le restera encore longtemps. Le modèle d'une station construite autour du ski, qui génère des revenus et crée des emplois autour cette activité principale, est donc loin d'être obsolète », confirme Laurent Reynaud, délégué général des Domaines Skiables de France.

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Un modèle pérenne mais à l'évolution duquel, au sein de l'Irstea (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture), participe Emmanuelle George-Marcelpoil, directrice de l'unité de recherche Développement des territoires montagnards :

« Le modèle de développement des stations de demain reste à inventer. Il est par définition multifactoriel. Il doit prendre en compte des aspects purement économiques, des aspects d'aménagement immobilier, des aspects liés à la demande touristique et des aspects environnementaux. »

L'aménagement immobilier constitue un pivot du développement des stations de demain.

 « Lits chauds, lits froids »

L'aménagement immobilier constitue un pivot du développement des stations de demain. Dans les toutes prochaines années doit s'engager un programme de « renouvellement de l'immobilier de loisir en station », préconise Laurent Reynaud.

« Le principal défi sera de rendre « chauds » ces lits dits « froids », c'est-à-dire l'ensemble des résidences devenues secondaires qui, dans le meilleur des cas, ne sont occupées que deux à trois semaines par an. »

En outre, ce renouvellement du parc immobilier doit s'envisager avec, sinon la fin, tout au moins la limitation des droits à construire. « Cette restriction nous impose d'imaginer de reconstruire la station sur la station », pour accueillir une clientèle dont les besoins ont considérablement évolué.

Processus de diversification

Pour répondre à la demande de la clientèle, les stations se sont engagées, depuis plusieurs saisons déjà, dans « un processus de diversification de l'offre », note Emmanuelle George-Marcelpoil.  Pour Alexandre Maulin, directeur général du domaine des Sybelles, premier domaine skiable de Maurienne et quatrième en France (310 km de pistes et six stations reliées), les stations ont elles-mêmes créé les conditions de l'émergence de nouveaux besoins.

« Les remontées mécaniques sont de plus en plus efficientes : elles permettent des débits importants et réduisent l'attente pour une même durée de pratique, libérant du temps pour le client. »

Si l'on vient toujours à la montagne pour skier, eu égard à ce temps dégagé, de nouveaux besoins en termes de loisirs et de bien-être sont apparus.

« Les efforts consentis par les stations étaient nécessaires pour répondre à cette demande et fidéliser la clientèle », juge Laurent Reynaud.

De nombreuses stations proposent aujourd'hui des activités ludiques et de services destinés au bien-être des vacanciers (bassins aqualudiques, centres de balnéothérapie, etc.). Cependant, la pratique du ski et des activités liées à la neige demeure l'attrait premier de la montagne l'hiver et le socle du modèle économique des stations.

« Le tout ski, c'est fini, glisse encore Alexandre Maulin. Mais sans le ski, tout est fini !»

La neige de culture est une réponse aux aléas climatiques et aux épisodes d'enneigement tardif.

Produit garanti

Et sans neige, la fin semble encore plus proche. « L'enneigement des stations est de plus en plus tardif et incertain, notamment en moyenne altitude » constate-t-on à l'Irstea. Mais, tempère-t-on du côté des professionnels, il a toujours fallu composer avec cette incertitude. La donne ne changera pas radicalement dans les 20 ou 30 prochaines années selon eux.

« Nous nous devons de pouvoir garantir un produit, du premier au dernier d'ouverture du domaine », martèle Alexandre Maulin.

D'où le recours à la neige de culture, « une technique et un savoir-faire que nous maîtrisons » se réjouit Laurent Reynaud. La neige de culture permet d'assurer les débuts et les fins de saisons et garantit du produit touristique vendu. De quoi satisfaire la clientèle, première étape de sa fidélisation.

Renouveler la clientèle

Fidéliser est donc une des conditions par laquelle la France conservera sa position de leader mondial. Un classement qu'elle doit à la qualité de son domaine skiable (8,9 % du domaine skiable mondial et 30 % du domaine skiable européen).

« La France est leader mondial en nombre de journées-skieurs sans doute aussi parce qu'elle propose aussi le forfait de ski le moins cher au monde », avance par ailleurs Alexandre Maulin. Un élément à prendre en compte dans la conquête de nouveaux pratiquants.

« Nous devons pouvoir élargir au maximum la palette, en termes d'âge, de sexe, et de catégories socio-professionnelles », engage Laurent Reynaud.

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Par ailleurs, « la poursuite de la structuration des domaines est un élément clé car elle répond à un besoin fort de la clientèle », poursuit le directeur général des Sybelles. Pour lui, la station de demain se bâtit dès aujourd'hui autour d'un triptyque : « l'entretien, la fiabilité et le renouvellement » du domaine skiable national (4 000 remontées mécaniques, soit 18 % du parc mondial). Et cela passe par des investissements lourds - plus de 300 millions d'euros annuels -, « seuls capables de maintenir l'attractivité et la compétitivité des stations françaises », conclut Laurent Reynaud.

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Commentaire 1
à écrit le 30/03/2017 à 14:41
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Comment envisager la rénovation des résidences secondaires sans les premiers concernés : les propriétaires? Le comptage des lits froids est erroné. Preuve à l'appui et reconnu par certains acteurs du tourisme...

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