En Rhône-Alpes, l'opéra prend l'air

En 2009, six communes de la région Rhône-Alpes faisaient le pari de s'ouvrir à une forme de culture jugée peu accessible au grand public, en proposant la projection d'une œuvre jouée en direct depuis l'Opéra de Lyon. Six ans plus tard, ce samedi 4 juillet, elles seront 13 communes a entrer en jeu. En ouvrant l'opéra au plus grand nombre, grâce au soutien de mécènes, elles créent un véritable opéra citoyen.
Thonon-les-Bains a accueilli, sur un écran, en 2013, La Flûte enchantée.

La scène et la place. L'une au cœur du théâtre, l'autre au cœur de la cité. Deux lieux de vie, deux univers, deux mondes même parfois dissemblables. Au cœur du théâtre, là où l'on joue le répertoire dramatique, lyrique ou chorégraphique, le premier est, par définition, image et réputation, un lieu fermé. Un lieu payant, volontiers considéré coûteux, traditionnel, bref réservé, voire élitiste.

L'opéra sur la place

Au cœur de la cité, en revanche, grande ou petite, discrète ou imposante, la place est au contraire un lieu ouvert à tous. Un lieu public et gratuit, de contacts, de rencontres et de discussions. On imagine les barrières entre les deux.

Ces barrières, un homme a décidé de les entrouvrir largement, de trouver des clés en la matière, des soutiens, à la fois partenaires et participants, de la technique au financement. Sur Lyon, mais aussi l'ensemble de la région Rhône-Alpes concernée par l'aventure. Un Lyonnais d'adoption, Serge Dorny, qui tient en mains les rênes de l'Opéra national de Lyon depuis 12 ans, construisant des programmations de spectacles plébiscités et suivis, tant en matière lyrique que chorégraphique.

Opéra Lyon

La place des Terreaux de Lyon transformée en immense salle de projection.

Même si les mentalités évoluent, tout comme le public précise le directeur :

« Certes, il vient toujours et le taux de remplissage atteint actuellement le chiffre confortable de 95 %. Mais nous nous devons d'aller à la rencontre d'un nouveau public qui, bien qu'il soit curieux, reste encore peu habitué à ce type de spectacle, freiné par la représentativité et l'image de l'opéra. »

À la conquête d'un nouveau public

De quelle manière ouvrir les portes et porter la bonne parole musicale lyonnaise aux quatre coins de la région ? Une question que s'est posée le directeur de l'Opéra. Une vieille idée, cela dit, volontiers pratiquée sur la base de tournées de petites productions maison, concernant surtout l'orchestre et le ballet. Avec les handicaps afférents.

Tout d'abord les contraintes scéniques et techniques que bien peu de structures extra-lyonnaises peuvent assumer, sauf quelques grands modèles, tels le MC2 de Grenoble, les salles d'Annecy et de Chambéry.

opéra Montélimar

En 2012, Carmen a été projetée à Montélimar.

Autre problème à résoudre : le coût financier de toute expédition de ce genre pour l'Opéra de Lyon comme pour les structures accueillantes. Soit quelque 150 000 euros pour une représentation des flamboyants Contes d'Hoffmann d'Offenbach, avec ses 200 participants, choristes, musiciens, danseurs, techniciens, et ses solistes généralement plutôt « demandeurs » en la matière.

Au-delà de la seule musique de chambre, l'activité n'est pas viable. Heureusement, la technologie peut offrir de nouvelles possibilités en la matière. À savoir la vidéotransmission des spectacles, en direct ou en très léger différé, sur d'immenses écrans placés à distance et transmis par des camions satellites installés sur chaque site.

Se démarquer des opérations payantes

Serge Dorny s'est aussitôt lancé dans l'aventure, en l'occurrence la fameuse et tout aussi flamboyante Traviata diffusée en 2009 dans six audacieuses communes de la région. Un succès. Un événement largement plébiscité à travers ses quatre composantes fondamentales : la gratuité ; la décentralisation pour abolir les distances et aller à la rencontre des publics ; le plein air ; et le choix d'un ouvrage susceptible de s'adresser à la sensibilité du plus grand nombre. Une réussite ! Porgy and Bess prendra la suite en 2010, Così fan tutte la relève en 2011, l'inusable Carmen suit en 2012, La Flûte enchantée en 2013, avant la production du Comte Ory de Rossini diffusée l'an dernier.

Opéra Chamonix

La Flûte enchantée diffusée à Chamonix en 2013.

Un rendez-vous qui entend également se démarquer des opérations payantes, comme « l'Opéra au cinéma », proposées dans certains complexes et dont le billet peut atteindre les 30 euros.

« Nous avons pu à la fois toucher des gens éloignés de la culture classique, la leur rendre accessible, leur faire goûter une émotion collective. Bref créer un opéra citoyen, engendrant de plus une véritable fête populaire estivale, avec le ciel étoilé comme toile de fond », souligne le directeur de l'Opéra.

Et par la même occasion générer de nouveaux spectateurs à l'Opéra de Lyon.

« Notre public est régional, mais avec ce genre de soirée, nous avons pu sensibiliser de nouvelles personnes qui, au cours de l'année, sont venues jusqu'à Lyon pour assister à un opéra. Nous avons ainsi accueilli des habitants d'Usson-en-Forez, dans la Loire, malgré la distance. »

La commune ligérienne de 1 500 habitants projette les œuvres de l'Opéra depuis le début.

Intérêt culturel et social

Parallèlement, le succès a stimulé les partenaires et comblé les édiles ayant fait ce choix. Le nombre des communes hôtes sera au nombre de 13, cet été lors de la projection, samedi 4 juillet, du ballet Atvakhabar Rhapsodies. Parmi les premières à avoir fait le pari de ce type de diffusion culturelle, Anne-Laure Thibaut, adjointe à la culture de Valence.

« C'est véritablement devenu un moment très attendu, dans le cadre des festivités estivales, qui ravit notre public très demandeur en la matière et dont la gratuité est un atout. Tout comme les retombées économiques pour les commerces. »

Et d'ajouter que la projection 2015 quittera les espaces verts précédents pour investir les rues piétonnes du centre-ville.

Du côté des nouveaux, Daniel Michaud, vice-président de la communauté de communes Saône-Beaujolais, également maire de Quincié-en-Beaujolais, précise :

« Il s'agissait pour nous d'une opportunité à saisir. Nous cherchions des composantes culturelles dans le cadre des activités de la collectivité cet été. Nous nous lançons donc à notre tour dans l'aventure, sur la place de la mairie, au pied du château. »

Un discours tenu par l'ensemble des communes partenaires qui y voient un intérêt avant tout culturel et parfois social. Puisque des actions peuvent être ensuite menées entre l'institution lyonnaise et des associations ou des écoles.

Un ballet pour la première fois

En technique, France 3 est aux manettes, dans la mouvance de l'accord-cadre signé avec l'Opéra de Lyon. Telmondis, département d'Aubes Productions, filiale de Lagardère Entertainment et grand producteur audiovisuel français de spectacles vivants, est aussi de la partie. Côté mécènes, deux fidèles de l'Opéra de Lyon, le CIC Lyonnaise de Banque, bien implantée dans la région depuis 150 ans et Cirmad, apportent leur contribution, tout comme la CNR, la Ville de Lyon et la Région Rhône-Alpes.

Ballet

Le ballet Atvakhabar Rhapsodies.

Cet été, une nouvelle étape sera franchie : jusqu'à présent dévolue au théâtre lyrique, l'opération se tourne pour la première fois vers la danse avec le spectacle chorégraphique Atvakhabar Rhapsodies, ballet pour 30 danseurs, justement créé à l'Opéra de Lyon, en 2013, par le ballet maison. Un spectacle d'un soir joué devant 25 000 spectateurs - contre 8 000 en moyenne pour huit représentations à l'Opéra - dont 9 000 rien qu'à Lyon, installés place des Terreaux, qui, deviendra, la plus grande salle à ciel ouvert.

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