"Nous rassembler pour battre Laurent Wauquiez avec un projet de société" (Fabienne Grébert, EELV AuRA)

REGIONALES 2021. Elle est la première candidate "déclarée" en Auvergne Rhône-Alpes. Fabienne Grébert, une haut-savoyarde de 55 ans, a décroché la tête de liste des écologistes cette fin d'année en vue des régionales 2021. Elle a donné le coup d'envoi de sa campagne mi-janvier, en impulsant une tribune pour la montagne, et nous livre sa vision pour la deuxième région de France, où les écologistes aimeraient bien réaliser un triplé gagnant, après avoir conquis la ville et la métropole.
Nous avons une chance extraordinaire de transformer cette crise en opportunité, afin de permettre à des gens qui habitent à proximité de découvrir leur patrimoine et pas uniquement dans des usines à ski, estime la candidate écologiste.
"Nous avons une chance extraordinaire de transformer cette crise en opportunité, afin de permettre à des gens qui habitent à proximité de découvrir leur patrimoine et pas uniquement dans des usines à ski", estime la candidate écologiste. (Crédits : DR/Nicolas Gumery)

Vous avez publié mi-janvier une tribune appelant à un nouveau modèle de développement pour la montagne. Qu'y défendez-vous exactement, quelle est votre vision pour la montagne de demain ?

"Personnellement, je me sens touchée personnellement par ce sujet, étant donné que j'habite à Annecy, dans les Alpes.

L'avenir de la montagne est aujourd'hui frappé par la crise sanitaire, mais il l'était déjà hier ou demain à cause du réchauffement climatique, à cause d'un modèle économique qui n'est pas durable, et qu'on continue de soutenir et d'encourager.

Je comprends tout à fait les difficultés que rencontrent certains acteurs économiques de la filière (commerçants, hôteliers, compagnies de remontées mécaniques, etc) mais quoi que l'on en dise, 80 % de nos stations de ski ne fonctionneront plus de la même façon à l'échéance de 2050.

Une région comme la nôtre a le devoir de préparer l'avenir et d'anticiper ces changements inexorables en préparant les habitants et les acteurs économiques ainsi que le monde du sport à ce contexte."

Vers quel modèle souhaitez-vous amener la Région ?

"Il faudrait passer d'un tourisme de masse vers un tourisme d'espace. Aujourd'hui, seul 2 % de la montagne est exploité dans une logique de massification, avec des domaines skiables qui sont de plus en plus grands et avec des forfaits de plus en plus chers, pour une clientèle de plus en plus fortunée.

Or, nous devons travailler à la préservation de nos espaces et recréer une offre de tourisme 4 saisons, en été comme en hiver, avec le développement d'activité pérenne qui marche toute l'année pour tirer le meilleur parti du capital humain qui habite sur ces zones et qui les fait vivre.

Aujourd'hui, plus personne ne prend l'avion et nous avons une chance extraordinaire de transformer cette crise en opportunité, afin de permettre à des gens qui habitent à proximité de découvrir leur patrimoine et pas uniquement dans des usines à ski, mais également au détour d'un petit village et d'acteurs qui font la vie culturelle sociale ou économique de ces bassins".

Existe-t-il cependant un modèle pour faire vivre ce type de tourisme, alors que l'on constate aujourd'hui que si le public est venu consommer des activités en montagne cet hiver, les acteurs économiques affichent tous des chutes de revenus allant de - 70 à -90 % ?

"Il n'existe pas de solution miracle et probablement pas un seul modèle économique, mais plusieurs à inventer.

Cela passe par plus de coopération entre les différents acteurs que sont les collectivités territoriales, les acteurs touristiques, le tissu associatif et culturel, etc. L'idée de porter une offre différenciante, qui pourrait se traduire par des micro-expériences et des idées de week-ends que nous devons organiser et faire connaître auprès de la clientèle.

Je suis moi-même vice-présidente du PNR des Bauges, et nous sommes en train de travailler par exemple sur un tour des Bauges à vélo. Mais cela nécessite aussi d'aménager certains critères, comme de pouvoir offrir des liaisons ferroviaires où l'on peut mettre son vélo, ou encore une offre de réparation voire de restauration ou de guinguette le long des parcours. Il s'agit de structures qui peuvent faire vivre des gens et créer des emplois dans la vallée, sans forcément développer une logique de gros bétonnage."

Dans une cette stratégie telle que vous l'imaginez, cela ne suppose-t-il pas aussi des investissements massifs et des pouvoirs publics en première ligne ?

"Il est certain que la Région aurait un rôle majeur à jouer, pour une économie du tourisme qui représente tout de même près de 20 % de son PIB. Nous pourrions compter sur la collaboration d'acteurs comme les parcs naturels régionaux, qui possèdent toutes les expertises nécessaires en matière d'ingénieries territoriales, et qu'il faut mettre en lien avec d'autres acteurs.

J'avais moi-même écrit à Laurent Wauquiez en novembre face au plan social annoncé pour le fabricant de skis Dynastar (qui envisage de supprimer la moitié de ses effectifs en Haute-Savoie, ndlr), qui était l'un des derniers acteurs 100% français sur ce créneau. L'idée étant de voir comment la trentaine de marques de ski de niche que nous possédons dans l'arc alpin pourrait se fédérer.

Avec, en bout de ligne, l'objectif d'amener un volume de production qui permettrait à Dynastar de poursuivre, mais aussi à ces petites marques de se fédérer et de mutualiser un outil industriel permettant de conserver une offre locale. Laurent Wauquiez n'a même pas daigné me répondre à ce sujet."

Face à un tissu actuellement très en souffrance, qui fait vivre un large bassin de près de 200.000 professionnels, peut-on vraiment proposer une transformation du modèle assurant ces emplois ?

"Cela passerait probablement par un plan de rénovation énergétique et de transformation des logements en stations, qui ne vivent que trois à quatre mois par an avec des emplois dans le domaine du bâtiment à la clé.

Car je suis persuadée que la montagne va devenir une destination attractive, d'autant plus que nous allons vivre des épisodes de canicule de plus en plus fréquents au sein de nos vallée. La montagne se positionnera comme un espace où se ressourcer et bénéficier d'air pur, qui pourrait attirer les habitants des métropoles.

J'étais d'ailleurs hier au pied du Vercors, à Die (Drôme), où un chef d'entreprise a créé un espace de coworking qui réunit désormais une cinquantaine d'entrepreneurs au sein d'une ancienne usine textile. Ce sont tous des gens qui travaillaient ailleurs et notamment à Paris et qui sont venus ici car il disposer d'une structure et de moyens pour s'évader. Multiplions ces initiatives, que l'on pourrait imaginer sur d'autres bassins comme la Tarentaise."

Dans ce secteur tout comme à l'échelle régionale, l'un de vos enjeux pourrait être de rassembler des chefs d'entreprise sur ces thématiques liées à la transition écologique. Comment comptez-vous vous adresser à eux ?

"Je suis issue moi-même du monde de l'entreprise et j'accompagne des sociétés depuis une quinzaine d'années sur des sujets de RSE, tout en étant professeur en sciences de gestion et RSE à l'IAE Savoie Mont Blanc.

Je suis donc de plein pied dans l'univers économique et je vois aussi quotidiennement des dirigeants de PME qui aspirent à des transitions écologiques pour leur propre entreprise et qui ont besoin d'être aidés pour aller au bout de leurs aspirations.

Nous avons également aujourd'hui un enjeu en Auvergne Rhône-Alpes avec le secteur de l'économie sociale et solidaire, qui représente près de 13 % des emplois à l'échelle régionale. Si nous pouvions doubler ce chiffre d'ici la fin du prochain mandat, cela permettrait d'assurer des emplois non des localisables, pérenne, et qui répondent aux besoins des populations, dans un tissu où la dynamique entrepreneuriale est déjà forte."

Cette tribune signifie-t-elle finalement le coup d'envoi d'une campagne régionale qui ne s'annonce une nouvelle fois inédite en cette période de crise sanitaire, avec des élections repoussées à juin prochain ?

"Nous ne l'avions pas forcément imaginée dans ce sens-là, mais nous constatons effectivement que nous avons réuni près 2.000 signataires qui se sont spontanément ralliés à cette tribune.

Cela démontre que les écologistes sont une force pragmatique et sont prêts à affronter les réalités du terrain, en apportant une solution à un certain nombre de problématiques rencontrées de près par les habitants au sein de l'économie conventionnelle."

Comment imaginez-vous la campagne régionale à venir, qui sera nécessairement très contrainte en raison des questions sanitaires ?

"Nous avons un tissu de militants qui trépigne à l'idée de faire campagne, et il est certain que le partage et l'échange issu de la culture du militantisme ne sont pas facilitées par les conditions actuelles. Néanmoins, je suis moi-même déjà partie en campagne, en allant la semaine dernière rencontrer les salariés du groupe Michelin, puis vendredi dernier l'équipe citoyenne qui est désormais aux commandes de la ville de Dieulefit, et samedi aux côtés des militants qui luttent pour le maintien d'un guichet humain à la gare de Die.

Mes rendez-vous sur le terrain vont continuer, tandis que des actions militantes sont pour l'instant prévues à distance. Nous allons nous adapter et lancer un certain nombre de vidéos sur des sujets variés. Mais à chaque fois que des sujets de luttes le nécessitent, nous serons là.

Nous avons déjà une équipe composée de cinq personnes sur les réseaux sociaux, et une community manager qui arrive au 1er février. Mon inspiration découle surtout de ce que nous avons déjà réalisé, lors de la campagne citoyenne des municipales à Annecy, où nous avions aussi une force militante bénévole qui s'est appuyée sur des vidéos ainsi que les réseaux sociaux."

Vous êtes la seule candidate à être officiellement déclarée, alors que l'on ne connaît pas encore précisément le nom de vos adversaires sur la scène régionale ? La porte est-elle néanmoins encore ouverte à de possibles au sein de la gauche ?

"Tout d'abord, il ne s'agit pas d'adversaires mais bien de partenaires avec qui nous souhaitons construire un rassemblement plus large des forces de gauche. Nous avons d'ailleurs initié à ce sujet deux réunions avec l'ensemble des partis de gauche, l'une en décembre et l'autre en janvier.

Je souhaite toujours que nous puissions porter un discours commun et je ne désespère pas que nous puissions nous retrouver au sein d'un même projet qu'il fasse de la qualité de vie, de l'adaptation au dérèglement climatique, ou encore du lien social de priorités. Si cela ne pouvait pas se faire, en raison de questions liées à un appareil électorale, je le regretterai.

Mais nous devons pour cela d'abord fédérer sur un projet collectivement, et acter quels seraient nos points de désaccord.

Je n'ai pas changé d'optique et je pense toujours que nous devons nous rassembler pour battre Laurent Wauquiez avec un projet de société qui rassemblerait le plus largement possible. Mais je sais aussi que la politique n'est pas une affaire de mathématiques, ni d'addition de voix pour faire collectif, nous devons nous retrouver sur un projet."

Vous avez remporté à l'automne dernier les suffrages du parti EELV ainsi que plus largement, les voix des sympathisants de l'appel lancé par le parti écologiste en Auvergne Rhône-Alpes. Et ce, alors que vous n'étiez pas jusqu'ici aux commandes d'une grande ville, comme vos confrères Grégory Doucet, Bruno Bernard ou Eric Piolle. Pourriez-vous revenir sur ce qui vous amenée en premier lieu sur la scène politique ?

"J'habite Annecy depuis 25 ans et ma vie se trouve essentiellement en Auvergne Rhône-Alpes. Je suis arrivée à l'âge de six ans, lorsque mon père travaillait dans une usine de sidérurgie à Firminy. J'ai vécu en Haute-Loire, puis réalisé mes études à Lyon, je suis une enfant d'ici. Mes premiers métiers ont été dans le domaine du marketing, où j'ai pris la direction adjointe d'une PME de 70 personnes spécialisée dans la fourniture de bureau.

J'ai ensuite repris en troisième cycle pour m'intéresser à la responsabilité sociétale des organisations et je me suis lancée à mon compte en 2007 en tant que consultante indépendante, pour le compte de grands groupes comme Maatel, la Caisse des dépôts, la SNCF, etc.

J'ai commencé à militer en 2009, j'ai d'abord rejoint le parti Nouvelle Donne au moment des élections européennes, car j'étais intéressée par la démarche de Pierre Larrouturou, et son discours sur la croissance et l'intelligence collective. J'ai d'ailleurs été candidate pour Nouvelle Donne lors des élections régionales, je suis devenue conseillère régionale en 2016 puis membre de la commission environnement et numérique et je suis depuis non-encartée."

Pour quelle raison avez-vous quitté Nouvelle Donne pour vous tourner ensuite vers le parti écologiste ?

"Plusieurs facteurs ont contribué, car l'année 2015 était quand même une campagne très difficile, liée à un contexte d'attentats que venaient de connaître la France.

L'alliance entre EELV, le parti de gauche, et Nouvelle Donne était très tendu. Au sortir de cet épisode, le parti de gauche s'est très vite tourné vers la campagne Mélenchon mais ce qui m'intéressait était plutôt d'agir au niveau local, pour interroger les politiques publiques.

J'ai contribué au mouvement citoyen qui appelait les habitants à se rassembler avec les élus de l'opposition à la ville d'Annecy. C'est finalement ce mouvement qui a gagné les dernières élections en juin dernier contre toute attente. Je me suis ensuite retrouvée dans l'appel des écologistes, alors que durant ce mandat, nous étions jusqu'ici dans l'opposition. Et je crois que nous avons une légitimité avec des conseillers régionaux qui ont envie de repartir pour porter un nouveau projet pour la Région."

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Commentaires 5
à écrit le 29/01/2021 à 21:42
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Le constat est juste, les usines à skieurs, c'est mal barré et ce n'est pas d'aujourd'hui que ça a commencé. En fait, cela a commencé, quand, pour pallier le manque de neige, on a commencé à installer des canons à neige et construire des retenues d'e...

à écrit le 29/01/2021 à 12:52
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Connerie... Quelques marcheurs qui veulent la montagne pour eux... Mettons des panneaux solaires sur les versant sud pour alimenter des step et fournir l'électricité aux remontés... In sait très bien que le réchauffement c'est 90%de possible et 10% d...

à écrit le 29/01/2021 à 11:01
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avec le rechauffement climatique, les stations de montagne dans leur forme actuelle sont pour la plupart condamnees . Apres la question est de savoir si on doit gaspiller l argent du contribuable pour retarder l echeance en financant par ex les canon...

à écrit le 29/01/2021 à 8:02
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Les stations de skis pleurent aujourd'hui. Mais depuis 40 ou 50 ans elles ne disent pas qu'elles se sont enrichies comme c'est pas croyable avec ce qu'elles appellent "L'OR BLANC'. Qu'elles puisent dans leur patrimoine.

à écrit le 29/01/2021 à 5:41
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Un programme utopiste qui revient à condamner l’économie de la montagne, autant interdire les activités sportives en montagne et revenir à la vie pastorale

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