Bruno Bernard : "L'économie et l'écologie sont totalement compatibles"

[Grande Interview] Depuis quelques semaines, le nouveau président EELV Bruno Bernard, est sur tous les fronts ou presque. Celui qui a ravi les clés du Grand Lyon à David Kimelfeld et Gérard Collomb, après le déferlement d'une "vague verte" à la lyonnaise, se confie à la Tribune Auvergne Rhône-Alpes sur sa vision de la métropole de demain. Et revient, à travers une interview sans concessions, sur les premiers dossiers chauds de son nouveau mandat : relations avec les acteurs du monde économique, avenir de la vallée de la chimie ou du quartier Part-Dieu, présidence du Sytral, et de Lyon Habitat, ainsi que ses pronostics pour 2021 et 2022...
En vue des prochaines échéances électorales, Bruno Bernard prône le rassemblement, et non la personnalisation d'un héros ou d'une star : À chaque fois, on a gagné sur des projets.
En vue des prochaines échéances électorales, Bruno Bernard prône le rassemblement, et non la personnalisation "d'un héros ou d'une star" : "À chaque fois, on a gagné sur des projets". (Crédits : DR/RenaudAlouche)

La Tribune Auvergne Rhône-Alpes : Vous venez tout juste de ravir le fauteuil de Gérard Collomb et David Kimelfeld à la tête du Grand Lyon. Une première pour un élu Vert, à la tête d'une super collectivité de 1,4 million d'habitants et de 9.200 agents, pour un budget de 3481,5 millions d'euros. Quelle sera votre stratégie économique à l'échelle du territoire ?

Bruno Bernard : "Le développement économique représente environ 1 % de notre budget global. Mais quand on fait croire que c'est le président de la métropole qui va faire en sorte de créer des emplois, c'est être loin de la réalité des choses. Nous avons une métropole dynamique, créatrice d'emplois. Bien que l'on crée beaucoup plus d'emplois que les autres, cela provoque un déplacement important en direction de la métropole qui nous pose à la fois des problèmes de déplacement, de pollution, de logement, ainsi que de service public, dans les écoles qui débordent".

Vous défendez une vision axée sur la coopération des territoires. Sous quelle forme exactement ?

"Il s'agit de voir comment, avec les territoires autour de nous, comme Saint-Etienne, Mâcon, Roanne, Grenoble, on peut faire un développement de l'aire urbaine de Lyon le plus cohérent possible. Quel est l'intérêt de financer l'installation d'une entreprise à un endroit plus qu'à un autre, si l'on n'a pas de logements disponibles alors qu'il en existe ailleurs ? Pour moi, il est important de passer d'une compétition des territoires à une coopération".

En 2001, à l'occasion de l'élection de Gérard Collomb à la Ville de Lyon, le milieu des décideurs économiques était vent debout. Ce dernier a ensuite réussi à instaurer une relation de confiance et de co-construction et finalement, la peur est retombée. Est-ce une trajectoire modèle pour vous ?

"Pour agir, il faut convaincre. Et il est plus facile de le faire lorsqu'on a une volonté politique et que les actions sont comprises. J'ai rencontré énormément d'acteurs économiques jusqu'à aujourd'hui, comme le président de Seb, les Laboratoires Boiron, mais aussi des entrepreneurs, la fédération du BTP, tout en me rendant sur des territoires comme la Vallée de la Chimie. Beaucoup avaient déjà intégré la nécessité de mener une transition écologique pour durer et recruter. Avec, finalement, des intérêts assez compatibles aux nôtres, même s'il existe une inquiétude liée au changement.

Depuis deux ans, les choses étaient devenues difficiles avec la refonte du PLUH qui avait bloqué tous les dossiers, les élections municipales où les maires ne signaient plus des permis, les bisbilles entre le président de la métropole et le maire de Lyon faisant que certains dossiers étaient freinés ou immobilisés, sans oublier la crise du Covid-19... On est donc bien sur une forme de reconstruction et de redémarrage".

L'écologie est nécessairement un enjeu de contrainte, mais ça ne doit pas être un levier de punition. Les décideurs se demandent si votre politique pourrait les emmener dans un sillage écologique culpabilisateur et entravant...

"Dire que l'écologie pourrait être contraignante, et le poser tel que vous l'avez dit, c'est se tromper. Aujourd'hui, nous sommes obligés d'agir et donc l'immobilisme, de toute façon, nous contraindrait de plus en plus. Quand on est en pic de pollution, les enfants ne peuvent plus jouer dans les cours d'école, ceux qui ont des voitures polluantes ne peuvent plus se déplacer, les sportifs ne peuvent plus aller courir, etc. Donc, nous sommes déjà un modèle contraignant et même punitif.

On est en train de subir les conséquences de l'inaction politique sur le sujet de la pollution, de la perte de la biodiversité, du réchauffement climatique, des canicules. Or, quoi qu'il arrive, il faudra agir. Mais ce sera beaucoup plus facile si l'on peut convaincre et concerter les habitants et les acteurs sociaux et économiques. Et c'est pour cela que je rencontre autant les uns les autres".

Comment votre manière de voir l'agglomération va-t-elle s'appuyer ou au contraire mettre à l'écart, des forces socio-économiques clés comme celles de la chimie, de la pharmacie, du développement immobilier ?

Je vois les chefs d'entreprise, mais aussi les représentants syndicaux, les entrepreneurs. Je reçois toutes les personnes qui demandent un rendez-vous. Nous avons cependant avec certains d'entre eux, des points de divergence qui sont déjà connus. Ce qui n'empêche pas que l'on peut aussi avoir d'autres points de convergence et une obligation ensemble d'avancer.

Avec les promoteurs immobiliers par exemple, on a des points de divergence sur l'encadrement des loyers, la FNAIM étant plutôt vent debout contre. Et puis, quand on parle de créer une brigade du logement, comme on a prévu de le faire pour lutter contre les pratiques Airbnb illégales, ou contre le logement insalubre, là, on se retrouve. Cela n'empêche pas d'échanger et de voir comment on avance".

Il n'existe donc pas, comme beaucoup le redoutent, un blocage idéologique entre la pensée portée par EELV et les enjeux que portent au quotidien ces chefs d'entreprise ?

"Je ne peux répondre que pour moi, qui suis par ailleurs chef d'entreprise : l'économie et l'écologie sont totalement compatibles. L'écologie redonne du sens à l'économie car sans cette nécessité de redonner du sens, beaucoup d'économies vont dans le mur.

Rien que pour recruter des ingénieurs, si vous n'avez pas une certaine éthique, ou si vous n'offrez pas la possibilité à vos salariés de se déplacer autrement qu'en voiture, beaucoup ne voudront pas venir. C'est déjà devenu une réalité dans les recrutements. Les choses évoluent et comme les chefs d'entreprise sont souvent plus pragmatiques, ils s'adaptent souvent beaucoup plus vite que dans d'autres milieux."

Dans quel camp êtes-vous ces derniers jours concernant les polémiques créées par Grégory Doucet et Pierre Hurmic à Bordeaux. Êtes-vous de ceux qui les soutiennent ou qui s'en désolidarisent ?

"On a le droit de débattre de tout. Après, quand on est aux responsabilités, il faut faire attention aux messages qu'on envoie, même si ces propos se retrouvent ensuite un peu caricaturés. De mon côté, j'essaie d'être prudent. Je partage les inquiétudes de Grégory Doucet sur l'évolution du Tour, mais je vois aussi qu'il évolue et ce ne sont pas forcément les mots que j'aurais employés.

Après, il faut regarder le fond des choses, et notamment toutes ces grosses manifestations, qu'elles soient culturelles, sportives, etc. Je souhaite les aider à se maintenir à la métropole Lyon dans les mois qui viennent, mais il faut aussi qu'elles deviennent plus écoresponsables.

Je le dis très clairement : je ne veux plus de manifestations, dans la métropole de Lyon, qui utilisent des plastiques à usage unique, parce que ça pollue nos rues, nos estomacs, nos rivières. Pour ça, il existe des solutions et il faut les accompagner, ne pas forcément d'interdire du jour au lendemain. Mais en cours de mandat oui, nous allons être de plus en plus durs et dire à ceux qui ne font pas cet effort qu'on ne les accueillera plus".

Certains chefs d'entreprise pourraient toutefois vous répondre qu'aujourd'hui, il peut leur être difficile d'investir sur des produits parfois plus coûteux ?

"J'ai rencontré un professionnel comme Olivier Ginon (GL Events), qui m'a expliqué que cela faisait déjà un moment qu'il avait changé ses moquettes pour être plus écoresponsable. Il ne m'a pas dit : parce qu'on est en difficulté, on ira moins vite. On peut aussi comprendre qu'un investissement lourd puisse être reporté de quelques mois. L'activité économique doit d'abord exister, mais on ne peut plus faire du développement économique sans tenir compte de ses responsabilités environnementales et sociétales.

En tant que l'un des plus gros acheteurs du territoire, nous allons doter la métropole d'un schéma d'achats responsable que l'on co-construira avec les citoyens, les acteurs associatifs et économiques afin d'y insérer des clauses sociales, environnementales et de RSE beaucoup plus fortes. On fera évoluer celles-ci en cours de mandat, en tenant compte de ce qui est raisonnable. On va commencer par autoriser des expérimentations, puis peut-être les imposer en partie, lorsqu'on sait qu'elles sont possibles, etc. C'est aussi une façon de favoriser les entreprises locales et d'associer les acteurs du territoire".

Vous qui vous revendiquez avoir été chef d'entreprise, vous comprenez donc que la double culture de la croissance et du développement, endogène à tout chef d'entreprise, ne doit pas être diabolisée comme cela peut être le cas dans certains courants d'EELV...

"C'est à nouveau une caricature d'EELV. On confond croissance économique d'une entreprise et croissance de ses consommations en ressources naturelles. Je suis un décroissant car je souhaite que l'on consomme moins de ressources naturelles, parce qu'à force de consommer plus que ce que l'on produit, on va dans le mur. Ce modèle n'est pas soutenable, quoi qu'il arrive. On ne pourra pas continuer à consommer toujours plus de gaz, de charbon, etc.

Ce n'est pas parce qu'on dit qu'il faut consommer moins les ressources premières, mieux respecter la nature, que cela empêche d'avoir des entreprises qui se développent et qui font de la croissance. Je n'ai jamais entendu un écologiste me dire il faut que les entreprises arrêtent de faire de la croissance".

Cela signifie donc que, contrairement à ce que déclare la ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, chargée de la Citoyenneté Marlène Schiappa, l'écologie peut être heureuse...

"C'est plutôt choisir de ne pas faire d'écologie qui ne peut qu'entraîner le malheur. C'est aussi simple que ça. Ne pas agir, c'est être aujourd'hui irresponsable."

On ne peut pas penser l'écologie économique sans y intégrer une dimension de responsabilité, de justice sociale. Comment voyez-vous cette articulation, si fondamentale ? Fondamentale et sensible, tant les tensions sociales que soulèvent certaines orientations écologiques sont vives ?

"Nous avons beaucoup de mesures de ce type-là. J'ai parlé de l'encadrement des loyers tout à l'heure qui a naturellement, un impact social, c'est la même chose lorsqu'on propose aussi la gratuité des transports en commun pour les plus démunis. J'espère que cela pourra être le cas dès le 1er janvier.

On veut travailler aussi sur une tarification sociale de l'eau, qu'on souhaite mettre en régie publique, avec la volonté que ce bien commun sur les consommations indispensables à la vie puissent être gratuites, au moins pour les plus démunis. Parfois cependant, les modalités d'application des volontés politiques sont un peu complexes. Mais il n'y a pas de cas où l'on pourrait avoir une politique environnementale sans justice sociale".

Lorsqu'on parle de concertation, on pense notamment à l'exemple de Grenoble, où il existe des craintes et déjà un recul d'expérience, depuis l'élection du maire EELV Eric Piolle. Sur place, certains acteurs économiques se plaignent du fait que la concertation est loin d'être toujours au rendez-vous. Que vous inspire cet exemple grenoblois ?

"Je m'inspire des expériences favorables et défavorables de toutes les communes. Si l'on parle de concertation, Grenoble a mis en place des budgets participatifs avec ses habitants, qui fonctionnent de façon plutôt positive. Donc, on regarde comment on pourrait utiliser tout ou partie de ces expériences. Quant à aux relations bâties avec les entreprises sur place, honnêtement, je ne les connais pas. D'ailleurs, l'une des sanctions est souvent le résultat électoral.

Or, à Grenoble, ville dont on nous a dit jusqu'ici le pire mal, je constate que le maire sortant a enregistré un score trois fois plus élevé que celui du maire sortant de Lyon. Donc, même si les configurations sont très différentes, on peut dire que ceux qui ont été sanctionnés lors de ces dernières élections sont plutôt ceux qui ne portaient pas l'écologie, que ceux qui l'ont porté. Je préfère cependant toujours parler de Lyon et des 59 communes de la métropole, plutôt que des communes autour de nous, sur des politiques déjà faites".

Pour autant, y aura-t-il des "ponts" avec des communes vertes de ce que l'on baptise désormais "l'arc alpin" ?

"C'est déjà le cas. Je vois en premier lieu le maire de Saint-Etienne, puisque je pense que c'est avec lui qu'on a le plus de synergies. Mais je verrais aussi les maires de Clermont-Ferrand et de Grenoble, bien sûr. Je veux discuter avec le plus grand nombre d'élus de la région, pour voir comment l'on peut avoir des coopérations gagnant-gagnant pour nos territoires. Peu importe la couleur politique, ce n'est pas mon sujet. Je travaille avec tout le monde.

Si l'on devait travailler qu'avec les maires ou les représentants écologistes, je ne pourrais pas travailler avec la région Rhône-Alpes. J'espère qu'aux prochaines élections, il y aura un ou une présidente écologiste à la région, mais si Laurent Wauquiez est réélu, je travaillerai quand même naturellement avec lui pour le RER à la lyonnaise, un projet de tarification unique, ou encore une agriculture différente".

Justement, sous quels auspices vos relations avec le président de région LR Laurent Wauquiez, mais aussi, entre les deux collectivités, ont-elles démarré ?

"Il est encore tôt pour répondre. Nous avons été élus en juillet, et il y a eu le mois d'août au milieu. Le premier signe, c'est que j'ai voulu voir Laurent Wauquiez très rapidement, en juillet, et nous avons eu un premier tour d'horizon d'une heure, de façon cordiale. Il existe, de plus, un certain nombre de sujets sur lesquels on peut se rejoindre. Et puis, des différences d'appréciation sur d'autres. Mais j'ai senti quelqu'un qui était plutôt prêt à ce que l'on travaille ensemble".

A propos de services, votre prédécesseur David Kimelfeld avait réussi à restaurer un climat de coopération et un dialogue social opérationnel, entre lui et les services, qui s'était singulièrement étiolé sous la présidence de Gérard Collomb. Qu'avez-vous entrepris concrètement auprès de ces services ? Exerceront-ils pleinement leurs prérogatives par rapport à votre cabinet ?

"Je crois que mon cabinet actuel est à peu près de la même taille que celui qu'avait David Kimelfeld. Sur les services centraux, tout d'abord, j'ai changé un certain nombre de choses en nommant par exemple Anne Jestin comme DGS, tandis qu'au sein des DGA, j'ai aujourd'hui une équipe de huit personnes à la tête des services, dont quatre femmes et quatre hommes. En matière d'organisation, les choses vont changer car les services avaient été conditionnés, jusqu'à présent, pour que toutes les demandes remontent jusqu'au président et que celui-ci décide.

Or, cela fait quelques semaines que j'ai démontré ce n'est pas moi qui décide, c'est l'exécutif. Il s'agit d'une collégialité avec un vice-président qui va donner son avis, proposer, ainsi qu'un travail collectif, et éventuellement, à la fin, un président qui peut arbitrer. Mais en aucun cas, je ne déciderai selon l'humeur du matin, de ce que l'on va faire. Ce travail collégial nécessite la mise en place d'autre chose qui me paraît intéressant et j'espère que je pourrai dire, d'ici quelques années, qu'il marche bien".

Vous avez pris la présidence du Sytral et nommé votre oncle, François Thévenieau, à la présidence de l'office HLM Grand Lyon Habitat. D'aucuns y voient une double erreur, en opposition avec la rigueur éthique espérée d'EELV...

"Je n'ai jamais nommé personne ! C'est très simple, il a 150 élus à la métropole et ils ont été élus par les électeurs. Ce sont des signataires d'un appel, des adhérents, qui ont décidé qui ils mettaient comme candidats à chaque circonscription. Ce n'est pas moi qui ai décidé des 150 candidats : il y a 150 élus métropolitains et ils ont tous la même légitimité. Chacun d'entre eux siège dans un certain nombre d'instances, qui sont publiques.

Ça a été voté au mois de juillet, donc il n'y a pas de révélations à avoir, vous trouverez l'information sur le site de la métropole de Lyon. Chaque élu siège dans des conseils. Monsieur Thévenieau, puisque vous citez mon oncle, siège notamment au Grand Lyon Habitat, au Sytral et certainement à d'autres choses".

Mais il est à la présidence tout de même...

"Je ne sais pas car dans Lyon Habitat, d'abord, je ne suis pas sûr que le conseil -d'installation ndlr- ait eu lieu. Donc, je ne crois pas qu'il soit déjà président. En tout cas, je n'en suis pas membre donc, le jour où il se présentera, mais ce n'est pas moi qui voterai. Si les écologistes lui ont demandé de présider cet organisme, c'est que le groupe avait lui aussi des arguments.

Vous savez, des organismes, il y en a des dizaines et des dizaines sur lesquels on essaie, selon les caractéristiques de chacun des élus et leur expérience, de mettre les meilleures personnes au meilleur poste".

Pour quelles raisons avez-vous souhaité prendre vous-même la tête du Sytral ?

"Je rappelle que le Sytral est forcément présidé par un élu et que précédemment, il était présidé par Fouziya Bouzerda, qui était à la fois vice-présidente et adjointe au maire de Lyon : elle avait donc, à ce titre deux fois, plus de mandats que moi. Annie Guillemot était elle aussi sénatrice et maire de Bron et présidait également le Sytral. Donc, si vous voulez la vérité, on a rarement aussi peu cumulé que moi.

J'ai naturellement souhaité prendre la tête du Sytral parce que la lutte contre la pollution est notre priorité numéro Un et que les mobilités dépendent de cet organisme. Pour que cela avance vite, il fallait qu'il y ait un lien très fort entre le Sytral et la métropole. C'était la solution la plus simple. Et comme je travaille de façon très collégiale, au Sytral comme à la métropole, je pense que c'était le plus efficace pour avancer vite."

Il existe un sujet absolument majeur dans une agglomération, quelle qu'elle soit :  l'attractivité. Car aujourd'hui, toute ville ou agglomération se retrouve au sein d'une compétition mondiale. Et à la faveur du Covid-19, certaines cartes vont être redistribuées. Qu'allez-vous faire concrètement pour que cette agglomération conserve cette dynamique, voire l'accentue ?

"Mon objectif premier n'est pas l'attractivité, mais que les 1,4 millions d'habitants de la métropole de Lyon vivent mieux...

... Mais sans attractivité, une métropole ne peut disposer des leviers à même de "faire vivre mieux" les administrés ?

Cela peut passer peut-être par l'attractivité, mais ça ne peut pas être un objectif en soi. Aujourd'hui, l'attractivité internationale de la métropole est de toute façon plombée par le Covid-19, quoi qu'on en dise, qu'on le veuille ou non, pour une durée incertaine. On lance par exemple le 17 septembre les rencontres du tourisme avec les acteurs pour voir comment les accompagner.

On travaille sur ces sujets-là : mais pour être attractif, il faut que la ville soit agréable à vivre. Si l'on continue à avoir une ville de plus en plus chaude, avec des pics de canicule parce qu'on ne fait rien, on ne sera plus attractif longtemps. Garder une ville attractive, ce n'est pas toujours faire de la concurrence et du développement économique."

Votre message est de dire : l'enjeu de la cause écologique va servir tout le monde : les citoyens, mais va aussi servir la filière économique...

"Oui, ce n'est même pas qu'il va le servir, car c'est plutôt le seul chemin réaliste. Il n'y a pas d'autre chemin."

Prenons justement deux dossiers concrets : la Vallée de la chimie et la restructuration du quartier Part-Dieu, qui suscite encore beaucoup de débats. Quelle est votre vision précise ?

"On est quand même l'une des métropoles en France où il existe encore le plus d'emplois industriels. La vallée de la chimie a vocation à évoluer : on y fait déjà de la R&D, des expérimentations au sein de filières nouvelles comme l'hydrogène produit à partir d'énergies renouvelables. Cela fait partie des pistes intéressantes.

Naturellement, il n'y a pas de volonté d'empêcher les entreprises qui sont présentes de travailler. D'abord, on n'en a pas le pouvoir et puis, en plus, ça serait un peu idiot de dire aux entreprises implantées en France d'aller ailleurs. Cela voudrait dire qu'elles travailleraient très loin de chez nous, avec des normes environnementales et sociales beaucoup plus réduites.

Après, il existe des enjeux que je souhaite améliorer, comme de mieux former la population aux risques, mais aussi de travailler le sujet des mobilités, ainsi que les rejets d'air en termes de polluants, un sujet sur lequel j'aimerais que l'on puisse, avec les industriels, se donner des objectifs ambitieux".

Et sur les dossiers immobiliers en lien avec la restructuration de la Part-Dieu...

"A ce sujet, nous n'avons pas du tout la même vision que Gérard Collomb. Aujourd'hui, la Part-Dieu est un quartier d'affaires important, qui arrive aussi à saturation. Nous estimons que l'on a mis assez de bureaux sur le parvis de la Part-Dieu, et qu'il n'y a plus à construire une tour supplémentaire. Pour que le modèle économique puisse fonctionner, il y a quand même, quelque part, un coût direct ou indirect pour la collectivité.

Car en créant une tour, on fait concurrence à d'autres territoires pour qu'elle vienne s'installer chez nous, avec les problèmes de pollution, de déplacement, de logement et de service public que cela suppose. Tout ça n'a pas de sens. De façon plus générale, je souhaite que les activités tertiaires soient mieux réparties sur la ville de Lyon et sur l'ensemble de la métropole. Des terrains disponibles existent encore, avec parfois, des transports en commun ou des gares à proximité".

Sur ces questions, il existe un vrai débat, pas seulement chez les écologistes, entre ceux qui considèrent que, pour des raisons écologiques, la verticalisation est davantage profitable qu'une horizontalisation qui poursuit l'extension géographique. Quelle est votre position ?

"Je partage ce point de vue, car mettre des bureaux un peu partout n'est pas faire de l'étalement urbain. Si on met par exemple des zones de bureaux à Givors, on dispose ainsi de zones disponibles, d'habitat, de travailleurs, on n'est pas dans l'étalement urbain. Et il y a beaucoup d'endroits de l'agglomération dans ce cas. Il faut assumer de densifier, mais uniquement à certains endroits, là où il existe des lignes de transports en commun fortes. C'est à cela qu'on va réfléchir quand il va falloir déterminer quelles lignes de métro on doit développer.

Mais toute la logique est aussi de dire qu'il faut arrêter de grossir pour grossir. Qu'on traite notre manque de logements qui existe aujourd'hui, bien évidemment. Mais il ne faut pas non plus avoir comme objectif de rajouter 15 à 20.000 habitants par an.

On ne peut pas avoir d'un côté, une population qui diminue à Roanne et à Saint-Etienne, avec des écoles qui se vident, et de l'autre, toujours construire. Il faut rééquilibrer les territoires et marcher sur les deux pieds. C'est par des coopérations sur le long terme qu'on arrivera à un meilleur équilibre".

Alors que votre parti se prépare pour les régionales, que répondez-vous à ceux qui déplorent un déficit d'exercice du leadership au sein de EELV ?

"Je ne crois pas qu'un écologiste puisse gagner la présidentielle sur le modèle classique de la Ve République sur un nom, une personne, un héros, une star".

"C'est d'ailleurs ce qu'ont démontré ces élections municipales et métropolitaines où nous avons enregistré de nombreuses victoires sur des grosses villes que nous n'espérions pas à Lyon, Marseille, Strasbourg, etc. À chaque fois, on a gagné sur des projets. Ce n'était pas sur une tête de liste connue, mais parce qu'on avait un projet qui correspondait aux attentes des habitants, incarné ensuite par une tête de liste crédible".

Est-ce la même chose pour les présidentielles de 2022  ?

"On ne pourra pas non plus remporter la présidentielle si l'on se met dans l'idée qu'il faut faire comme d'habitude, et jouer la personnalisation à fond. Quel que soit le futur président, il faudrait vraiment que cela cesse parce qu'on voit très bien depuis quelques élections présidentielles, deux ou trois mois après, la côte de popularité s'effondre. Cela passe peut-être par la mise en place de la proportionnelle.

Je suis plus confiant que pour 2012 en 2017, mais on est encore très loin de 2022. Je pense qu'il faut qu'une politique écologiste soit menée au niveau national dans l'intérêt des habitants, mais nous ne sommes pas forcément prêts. Pour l'instant, nous avons une forte crédibilité sur certains domaines, mais nous ne sommes pas reconnus sur d'autres. Cela veut dire qu'il nous reste du travail pour changer les choses."

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Commentaires 17
à écrit le 04/10/2020 à 9:07
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L'UE (et non pas la France seule, comme elle sait si bien le faire pour son malheur) doit s'orienter vers une forme de protectionnisme contre des productions hors normes environnementales importées de pays ultras pollueurs comme la Chine, le Brésil o...

à écrit le 03/10/2020 à 23:41
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De quelle économie parle t on qui soit compatible avec l'écologie, Mr BB ? D'une économie de la décroissance ou d'une économie de la destruction créatrice, théorisée par Schumpeter ou d'une économie prudente et raisonnée qui prend son tps sans heurt...

à écrit le 03/10/2020 à 16:05
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"On n arrete pas l" Echo" sur France Inter, Christian Chavigneux, émiment économiste qui a toujours raison à postériori, à affirmé : " l' automobile est un moyen de transport du 19iéme siécle" si,si ré-écoutez. Et de se plaindre que le gouvernement n...

à écrit le 03/10/2020 à 14:45
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L'écologie c'est la décroissance et l'hypocrisie . On est obligé de délocaliser nos usines à causes des normes environnementales , et ensuite on importe médicaments et autres produits délocalisés pour notre confort !!!

à écrit le 03/10/2020 à 13:12
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ce n'est pas la bonne question la question 1 er est le pleine emploi et comment y intégrer plus de respect pour la planète et ne pas laisser a quelque Maginot la responsabilité de l'écologie qui eux sont paye par les contribuables

à écrit le 03/10/2020 à 11:14
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Le papier ne refuse pas l'encre. On peut tout affirmer. Il y a de plus en plus d'hommes sur terre, qui consomment de plus en plus, mais... la Terre ne grandit pas. Par besoin d'avoir fait Polytech pour comprendre se qui se passe (Google Earth peut fa...

à écrit le 02/10/2020 à 18:42
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Où comment deux systèmes dictatoriaux en concurrence et d'apparence antinomique se rejoignent et s'allient, pour notre bien évidemment 😂... Greta a montré le chemin

à écrit le 02/10/2020 à 18:25
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Tiens le président des menteurs s'exprime. Pardon je voulais dire le président d'un parti écologiste. Et que dit-Il? Ecologie et économie ne sont pas incompatible. C'est presque vrai. L'éconologie n'empéchera pas de préserver la rente qui sert de p...

à écrit le 02/10/2020 à 15:03
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Pas de problème de compatibilité entre écologie et économie: je n'en doute pas, mais je doute de certains élus qui n'ont même pas la fibre démocratique comme ceux qui veulent supprimer les sapins de Noêl sans concertation de leur population et pire c...

à écrit le 02/10/2020 à 14:44
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C'est une évidence que éco-nomie et éco-logie vont bien ensemble : l'étude et l'expression du projet (logos) précède le management, le faire et le gérer (nomos). Cela s'applique parfaitement à la maison commune ou environnement (ekos). L'hérésie vien...

à écrit le 02/10/2020 à 12:49
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Compatible à la condition que les interlocuteurs écolos soient moins sectaires et dogmatiques . Plus au fait des technologies et de leurs réelles incidences sur le climat comme le nucléaire qui n’émet pas de Co2 (voir la nouvelle génération qui règ...

à écrit le 02/10/2020 à 10:46
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Le problème c'est que les écologistes de la dernière vague élus aux municipales cachent, en fait derrière leur couleur verte, une vision de l'action politique plus proche de l'extrême gauche radicale, un zadistes et ont un sens de la démocratie à ...

à écrit le 02/10/2020 à 10:34
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Le protectionnisme serait un des outils principaux afin de réconcilier écologie et économie en pénalisant les produits les plus polluants pour récompenser les produits les plus vertueux écologiquement mais voilà en dictature financière la volonté far...

le 02/10/2020 à 12:33
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De tout coeur avec toi, mon bon Blase Plus on produit...Plus on pollue Une seule issue, la décroissance (et vite) à commencer la le contrôle des naissance (1 pour 10 ?)

le 02/10/2020 à 13:47
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Je ne sais pas dans quel monde vous vivez mais à l'heure actuelle, mettre en place des barrières protectionnistes ne servirait à rien. Vous pénalisez un produit polluant, exemple : une voiture électrique (batteries faites de terres rares venant d...

le 02/10/2020 à 14:17
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Résultat : Allemagne - France 3-0 : pourquoi? 30% d'emploi dans l'industrie . France 10% et grace aux verts cela se réduit . Ben on sera tous fonctionnaires verts et voila ! Bon qui va payer , ca ... 2600 Milliards de dettes on va bien finir par ponc...

le 02/10/2020 à 17:22
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" Les importateurs locaux se retrouvent au chômage ; les vendeurs également." Ben oui voyons vu que pour vous ils sont stupides ils ne s'adapteront pas c'est ça ? Bref vous avez ancré dans votre raisonnement des acteurs économiques totalement fig...

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