Métropole grenobloise : un nouveau scrutin très attendu, à valeur de test

À Grenoble, le feuilleton de l’élection à la présidence de la métropole se poursuit. A l’issue de la réélection houleuse du président sortant, Christophe Ferrari, marquée par l'opposition du camp du maire EELV de la ville-centre Eric Piolle, une nouvelle séance du conseil communautaire est prévue à l’agenda le 18 septembre prochain. Avec, à la clé, l’élection des vice-présidents qui n’ont pas encore pu être désignés, et qui pourrait bien se traduire comme une nouvelle étape dans la scission au sein de la majorité de gauche. Une situation inédite pour une intercommunalité de cette taille.
Cette nouvelle élection, visant à désigner les nouveaux vice-présidents entourant Christophe Ferrari, pourrait dessiner de nouveaux rapports de forces politiques.

Dans la capitale des Alpes, la métropole n'a pas encore de vice-présidents. Car à l'issue d'un premier conseil communautaire haut en couleurs, qui a vu s'affronter le camp de l'ex-président sortant, Christophe Ferrari (ancien élu PS), au camp du maire écologiste Eric Piolle, les onze heures de débats n'avaient pas suffi à réparer la scission du bloc majoritaire de gauche. Ni à élire ses vice-présidents, comme le prévoit le Code des collectivités territoriales. Résultat ? Le président, réélu de justesse à l'issue de trois tours d'un scrutin sous haute tension, avait fait le choix de nommer provisoirement, quelques jours par plus tard et sur décret, huit "conseillers délégués", dont le rôle devait être d'assurer les affaires courantes durant la période estivale.

"Ces candidats étaient membres des deux groupes qui ont porté ma candidature, à savoir la composante Actes, apparentée de centre gauche, et le groupe NMC, qui regroupe les petites communes. Le but étant de nous permettre d'avoir des élus qui puissent établir des liens avec les maires et les acteurs du territoire et répondre à leurs questions au cours de la période estivale, tout en ayant une légitimité politique pour le faire", souligne le président réélu.

Avec, à l'intérieur de cette liste, des "anciens" tel que le vice-président aux finances du précédent mandat, Raphaël Guerrero, le conseiller métropolitain sortant délégué au dialogue social, Ludovic Bustos, ou encore le VP sortant à l'économie et au commerce, Guy Julien. Cet exécutif temporaire compte également de nouvelles têtes, à l'image de l'adjointe à la mairie de Varces, Corine Lemariey, ou encore Mélina Herenger, première adjointe à la mairie de Meylan.

Cette rentrée pourrait être à hauts risques pour la collectivité, avec, en ligne de mire, la prochaine séance du conseil communautaire de Grenoble Alpes Métropole, qui doit se tenir le 18 septembre prochain. Alors qu'Eric Piolle et ses élus avaient quitté immédiatement la séance du 17 juillet dernier à l'issue de l'élection de Christophe Ferrari, indiquant qu'ils ne participeraient pas à cette nouvelle majorité, le doute persiste quant à la teneur de cette rentrée. Et l'avenir de cette métropole, qui réunit 450 000 habitants à travers 49 communes.

Alors que le président réélu avait appelé au rassemblement dès l'annonce des résultats, en se tournant vers le camp d'Eric Piolle, il nous précisait, il y a quelques jours, qu'aucun contact n'avait été établi entre les deux hommes depuis cet été.

Des recours déposés, le préfet de l'Isère en première ligne

Et ce, alors qu'au moins deux recours ont été déposés auprès du tribunal administratif de Grenoble, en vue de faire annuler les résultats de l'élection ont été déposés. "Aucun des moyens évoqués ne l'ont emporté, mon élection est confirmée", affirme Christophe Ferrari. Dans les faits, la situation serait néanmoins plus complexe qu'il n'y parait : car si deux recours, qui attaquaient la légitimité de l'élection de Christophe Ferrari ont bien été déposés et déboutés, la prise de position du Préfet de l'Isère, qui a remis en cause la légalité de la nomination des conseillers délégués, peut quant à elle étonner.

Après avoir mis en demeure le président de la métropole de proroger les nominations effectuées par décret, le Préfet de l'Isère, Lionel Beffre, a saisi à son tour le Tribunal administratif de Grenoble en vue de demander l'annulation de ces arrêtés, dont il conteste toujours la légalité selon ces motifs : "Il ressort des articles L5211- 1 et L5211-9 du Code Général des Collectivités territoriales (CGCT) qu'un président d'établissement public de coopération intercommunale doit accorder des délégations en priorité aux vice-présidents, membres du bureau, et ne peut donner délégation aux conseillers que si tous les vice-présidents ont reçu délégation".

Une disposition confirmée par le cabinet du préfet, qui justifie à demi-mots la décision d'établir une requête à caractère d'urgence, sans toutefois souhaiter la commenter. "Nous attendons désormais le retour du tribunal".

La nouvelle n'émeut toutefois pas Christophe Ferrari, qui "prend acte de la décision du préfet, qui demeure dans son rôle dans le contrôle de légalités" et évoque "un cadre de lecture différent" : "Si le préfet estime que pour élire des conseillers délégués, il faut avoir des vice-présidents, je ne remets pas en question son interprétation".

Bien que la situation semble donc plus tendue que jamais dans l'histoire de la métropole grenobloise, le président réélu ne semble pas particulièrement inquiet pour la suite. "Il est en effet fort probable que le recours préfectoral ne soit pas tranché avant le 18 septembre, date de la prochaine élection où les vice-présidents devraient être élus, selon le mode de scrutin prévu par le code général des collectivités territoriales", traduit Romain Rambaud, professeur spécialisé en droit électoral à l'Université Grenoble Alpes.

Un cas d'école à suivre

Selon Romain Rambaud, nul doute d'ailleurs que cette séquence sera suivie de près par les spécialistes de son domaine, puisqu'il existe également peu de précédents à ce sujet pour permettre une lecture précise. "Il semble qu'il s'agisse d'une situation très spécifique du point de vue des exécutifs locaux, où l'on n'a pas encore constaté de fracture de cette nature. D'autant plus qu'habituellement, les vice-présidents sont élus dans la foulée de l'élection du président".

Un épisode attribuable selon lui "à la configuration politique extrêmement particulière de la métropole grenobloise et de ses rapports de force". La possibilité d'un blocage, partiel ou systématique de la part d'une partie des élus du bloc de gauche, n'est pas complètement écartée : "Le scrutin de vice-présidents des EPCI à fiscalité propre n'est pas un scrutin de liste, comme on le voit dans les communes, départements ou régions, mais un scrutin uninominal majoritaire à trois tours, à la majorité. Ce qui veut dire que politiquement, il pourrait y avoir le 18 septembre prochain une forme de guerre des tranchées, avec jusqu'à trois tours sur chacune des 18 élections nécessaires à l'élection de chaque vice-président", traduit le professeur en droit électoral.

Une situation que souhaite bien entendu éviter Christophe Ferrari, qui appelle une nouvelle fois en cette rentrée à l'apaisement et au rassemblement. "Je souhaite que la majorité, constituée -jusqu'ici- de quatre groupes, puisse continuer. Aujourd'hui, il demeure un projet de territoire à construire collectivement il faut que tout le monde puisse être pleinement impliqué. Il ne peut pas y avoir de communes dans l'opposition", ajoute l'élu, en référence à la position du maire EELV, Eric Piolle.

D'autant plus qu'en vertu de l'ordre du jour de cette séance, les élus de la métropole seront appelés à renouveler également l'exécutif de plusieurs instances métropolitaines, tel que le bailleur social Actis, la Société métropolitaine d'aménagement SPL Sages, ou encore le Syndicat des mobilités de l'ère grenobloise (SMMAG), dont la présidence est aujourd'hui occupée par son rival, Yann Mongaburu. "Je n'imagine pas un organisme comme Actis, bailleur social dont Eric Piolle est actuellement président, puisse ne pas avoir de représentation", tranche Christophe Ferrari.

De nouveaux rapports de forces politiques pourraient ainsi se dessiner au fil de la séance du 18 septembre prochain, avec, en ligne de mire, la question de savoir si les deux blocs, issus de l'éclatement de la majorité de gauche, parviendront ou non à s'accorder sur des noms.

"Pour autant, une ville centre ne peut pas quitter une métropole, ni en destituer l'exécutif une fois qu'il est élu. D'autant plus qu'il n'existe pas de mécanisme de responsabilité des exécutifs locaux en France, sauf pour des statuts particuliers de collectivités comme la Corse", rappelle Romain Rambaud. Les règles applicables à la constitution de ces exécutifs locaux sont les mêmes que celles des contentieux électoraux et doivent être saisies dans un délai de 5 jours.

Christophe Ferrari, qui souhaite balayer les querelles politiques, lance à nouveau un appel à la responsabilité et au rassemblement des forces de gauche. "Je ne peux pas comprendre l'idée d'un blocage alors que nous sommes en pleine crise sanitaire, économique et sociale. Nous avons besoin de prendre des mesures, rajouter une crise institutionnelle ne serait pas sérieux". Contacté, le cabinet d'Eric Piolle n'a, à ce stade, pas répondu à notre demande d'interview.

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