"La montagne est bloquée par un phénomène d’éblouissement"

Changement climatique, marché mûr incarné par la stagnation des journées-skieurs, clientèle volatile... Depuis plusieurs années, économistes, chercheurs et instances de contrôle s'alarment des risques qu'encourt le modèle industriel français des stations de ski, fondé sur le produit unique de la neige.
(Crédits : SavoieMontBlanc-Chabance)

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Le rapport annuel 2018 de la Cour des comptes vient confirmer cette tendance, et pointe, notamment, la faible mise en œuvre de ses recommandations émises lors d'observations précédentes. Si les stations de haute montagne devraient avoir la capacité d'investir et de s'adapter aux aléas climatiques, et ainsi gagner en attractivité, la donne est différente pour les équipements de basse et moyenne montagne.

"Certaines stations devront faire des choix allant jusqu'à la reconversion", avisent les magistrats.

Comment expliquer une prise en compte tardive par les responsables politiques ? Pour Frédi Meignan, président de Mountain Wilderness France (association de protection de la montagne et de l'environnement) et lui-même gardien de refuge en haute montagne, le développement de la montagne française est bloqué par un phénomène d'éblouissement. Depuis des décennies, la promotion de la montagne s'est focalisée sur les stations de ski.

"Quand on voit les campagnes de publicité faites à Paris, on ne voit que les stations, illustre-t-il. Cette focalisation nous a tous éblouis comme un phare en pleine nuit, laissant dans l'ombre tout ce qu'est la montagne en dehors des stations... soit 97 % du territoire montagnard français."

La stagnation voire la baisse de fréquentation des stations de ski s'expliquerait ainsi par le fait que les attentes de la clientèle ne sont plus celles d'avant l'an 2000. Celle-ci cherche de plus en plus à se reconnecter avec la nature, alors que les stations lui proposent un univers artificialisé. Pour le président de l'association, cela explique même le désintérêt de la jeunesse des vallées alpines, davantage attirée par le hors-piste que par des pistes sans âme.

Regroupements

Frédi Meignan l'affirme, d'autres formes de tourisme sont à développer, voire à inventer. "Mais la montagne doit marcher sur ses deux jambes, celle des stations et celle de la reconnexion avec la nature", assure-t-il.

Face à ces différentes contraintes, la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes préconise "le regroupement à bonne échelle des autorités organisatrices". Or, les tentatives successives pour pousser les communes de montagne à travailler de concert se sont longtemps heurtées à une logique de concurrence. "Les communes ont toujours eu des difficultés à travailler ensemble, explique Lionel Laslaz, maître de conférences en géographie et directeur du département de géographie et d'aménagement du territoire à l'Université Savoie-Mont-Blanc. Les intercommunalités ont été lentes à se dessiner."

 Pourtant, certaines ont réussi à mettre en œuvre des mutualisations pertinentes, qui ont ensuite engendré la fusion de communes. C'est le cas à Val Cenis. Il y a quelques années, les communes de Lanslebourg-Mont-Cenis, Lanslevillard et Termignon-la-Vanoise ont décidé de mettre en commun leurs efforts au sein d'une société d'économie mixte pluricommunale.

En 2017, c'était au tour de La Perrière et de Saint-Bon-Tarentaise de fusionner pour créer la commune nouvelle de Courchevel, mettant en commun leurs stations respectives. Une démarche saluée par la chambre territoriale dans son rapport 2018, mais qui pointait cependant qu'il "restait (à cette nouvelle structure, NDLR) à définir les moyens de répondre aux enjeux d'adaptation et de repositionnement en matière d'économie de la neige et de développement touristique".

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Commentaire 1
à écrit le 27/04/2018 à 11:22
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Fusionner les communes ne changera rien tant que l'objectif sera d'accueillir plus de touristes. Avec 50% de lits froids et le fantasme de l'arrivée massive de clients chinois, les acteurs de la montagne rêvent encore à une économie croissante en vol...

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