Comment la région Auvergne-Rhône-Alpes et la Suisse envisagent leur coopération économique

Proche géographiquement, la région Auvergne-Rhône-Alpes et l'arc lémanique suisse peuvent-ils envisager une coopération économique renforcée ? Si leur ADN sectoriel semble proche (numérique, biotech) et que des passerelles - - notamment dans la formation - existent déjà, ces deux territoires veulent également rayonner et être des places économiques attractives. Alors, faut-il parler de coopération, de concurrence ou de coopétition entre les deux rives du lac Léman ?
(Crédits : DR)

500 ans en arrière, le traité de Fribourg, plus connu sous le nom de "paix perpétuelle", scellait l'histoire conflictuelle qu'entretenaient jusqu'alors la France et la Suisse. Voilà qu'au XXIe, la guerre pourrait s'avérer économique, et que face à ces défis, la région Auvergne-Rhône-Alpes et le pays helvète envisagent des leviers de coopérations. Les premières rencontres franco-suisse, tenues lundi 15 janvier à l'Hôtel de région, à Lyon, ont permis de mettre en lumière des axes de partenariats.

Se faire rencontrer les grands esprits

A Lyon comme à Genève, sans oublier Lausanne et Grenoble, la qualité du réseau universitaire n'est plus à prouver d'un côté comme de l'autre de la frontière franco-suisse. C'est sur l'idée d'une coopération académique renforcée que s'est ouvert le dialogue lors des rencontres franco-suisses de l'économie et de l'innovation, et plus précisément sur le récent projet de l'Alliance Campus Rhodanien. Créé le 27 octobre 2017, ce réseau rassemble les universités de Genève, Lyon, Lausanne et Grenoble Alpes, ainsi que la Haute école spécialisée de Suisse occidentale, dans le but de renforcer les synergies entre ces 5 établissements. L'alliance a vocation à faire émerger des projets de collaboration scientifique en partageant des infrastructures et des compétences, mais aussi à créer un effet de levier pour attirer des programmes de financement européens.

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C'est un début, mais lundi dernier, les intervenants venus des deux côtés de la frontière ont manifesté leur volonté d'aller plus loin dans la mutualisation de la recherche. Ils ont également rappelé que cette dernière ne devrait pas se limiter aux sciences dures, mais au contraire s'élargir aux sciences humaines, qui leur sont indissociables.

"La véritable richesse de cette coopération serait de faire émerger des synergies entre les différentes disciplines, d'avoir des regards croisés entre médecine et sociologie par exemple", a déclaré François Bussy, vice-recteur recherche et relations internationales de l'Université de Lausanne.

Laurent Wauquiez a évoqué la somme d'un million d'euros versée par la Région et allouée à des programmes de coopération dans l'enseignement et la recherche. Les représentants suisses n'ont pas chiffré leur participation financière.

180 000 expatriés en Suisse, de quoi motiver l'apprentissage transfrontalier

Les échanges franco-suisses en matière d'apprentissage sont encore timides, pour ne pas dire inexistants. Et pourtant, selon les derniers chiffres de l'ambassade datant de fin 2016, la Suisse abrite la première communauté de Français à l'étranger avec près de 180 000 expatriés.

Sur ce point, la volonté d'une coopération est naturellement plus forte du côté de la Région, qui argue en faveur d'un réseau transfrontalier au service de l'emploi. Des parcours de formation en collaboration avec des PME suisses ont été évoqués, ainsi que des formations en apprentissage qui seraient diplômantes des deux côtés de la frontière. Sur ce point, Laurent Wauquiez en a profité pour tacler la réforme de l'apprentissage voulue par gouvernement, laissant entendre qu'écarter les conseils régionaux au profit des branches professionnelles serait "une erreur".

Un dynamisme économique partagé

A l'image de la coopération entre la société genevoise GeNeuro et son principal actionnaire bioMérieux, les possibilités de coopération économiques sont nombreuses dans le domaine des Biotechs et Medtechs. La région Auvergne-Rhône-Alpes et les cantons suisses frontaliers partagent un même dynamisme dans ces secteurs, toujours à la recherche d'innovation et de jeunes pépites à faire grandir. Sur ce point néanmoins, chacun sait l'importance d'être leader et de parvenir à faire rayonner son cluster à l'international. Aussi, la création d'un pôle de compétitivité commun aux startups de la région et à celles nées dans l'arc lémanique n'est pas si évidente.

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Reste que plusieurs initiatives sont à mentionner, à l'image du programme Interreg France-Suisse 2014-2020 qui soutient des projets transfrontaliers impliquant a minima un partenaire français et un partenaire suisse. Depuis sa création, 56 projets transfrontaliers ont été financés via le Feder, qui a apporté 27 millions d'euros, et via des fonds fédéraux suisses à hauteur de 15 millions de francs suisses.

Par ailleurs, la French Tech a exporté son label en suisse en septembre 2017, avec à la clé un fort potentiel de développement. Le hub French Tech Suisse se répartit par petites cellules entre Lausanne, Genève, Bâle et Zurich, avec pour mission de connecter les entrepreneurs français et l'écosystème helvétique. Ses promoteurs estiment qu'il a le potentiel pour devenir le plus grand réseau du label.

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Sans pouvoir parler de Silicon Vallée européenne, il faut reconnaître que le territoire lémanique dispose d'un réel potentiel de coopération économique, néanmoins  faiblement exploité jusqu'ici.

"Au CES, les startups de la Région ne pèsent pas grand-chose face à la Californie ou à Shanghai. Mais en s'alliant à la Suisse, en unissant nos fonds et nos écoles, nous serions un pays à nous seuls. Un pays influant", affirme Laurent Wauquiez.

Beaucoup reste à faire

Les similitudes entre la région Auvergne-Rhône-Alpes et l'arc lémanique ne manquent pas. Plus qu'une langue commune, les deux territoires partagent un même dynamisme économique et une même envie de briller sur la scène internationale. L'ambition, rappelée par le président de la Région, est de construire une collaboration "souple et informelle", qui éviterait surtout "l'usine à gaz administrative". Nul besoin de nouveaux traités internationaux selon lui, la première étape étant "d'apprendre à se connaitre".

Reste désormais à savoir à quelle hauteur les deux territoires sont prêts à mettre la main à la poche pour faire grandir cette coopération. Plus encore, reste à savoir si les similitudes censées rapprocher Aura et la Suisse ne risquent pas de générer au contraire une forme de concurrence économique exacerbée.

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