Les multiples facettes de Stéphane Bouillon, le nouveau préfet d'Auvergne-Rhône-Alpes

Homme réputé discret et efficace – malgré quelques taches indélébiles - le nouveau préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes semble faire l’unanimité dans les réseaux économiques, notamment en Paca où il était en poste. Une qualité précieuse que Stéphane Bouillon pourra exercer dans la seconde région économique française. Une nomination qui paraît difficilement envisageable sans l’approbation de Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur et ancien maire de Lyon, toujours omniprésent dans son territoire d'origine.

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"Tel le roseau, le préfet Stéphane Bouillon plie, mais ne rompt pas." Cette tentative de métaphore est l'oeuvre d'un haut dirigeant économique marseillais pour qualifier le nouveau représentant de l'Etat en Auvergne-Rhône-Alpes, nommé ce mercredi en Conseil des ministres, en provenance de la région Paca. Installé en juin 2015 à Marseille, ce haut fonctionnaire de 60 ans, au CV bien fourni, remplace Henri-Michel Comet, limogé par Gérard Collomb et le gouvernement mardi soir.

Le départ de Stéphane Bouillon laisse un vide dans la sphère économique marseillaise. "Nous perdons un super préfet", réagit, dans les colonnes d'Acteurs de l'économie - La Tribune, Jean-Luc Chauvin, président de la chambre de commerce et d'industrie Provence-Alpes Côte d'Azur.

"Il comprend les problématiques des entreprises"

Auprès du monde économique sudiste, ce natif du Nord laisse l'image d'un préfet au fait du monde des affaires et des grands enjeux du territoire. "Stéphane Bouillon comprend les problématiques des entreprises, il est loin d'être hors-sol", détaille Jean-Luc Chauvin. Une expérience qu'il a pu notamment acquérir lors de son passage comme chef de cabinet du ministre (PS) de l'Industrie et de l'Aménagement du territoire, Roger Fauroux (1988), et au sein du cabinet de Lionel Jospin à Matignon comme chargé de l'environnement et de l'aménagement du territoire, puis parallèlement de la décentralisation (1998-2001).

"Stéphane Bouillon a un regard intéressé sur tous les sujets économiques, et particulièrement sur les nouvelles technologies et le numérique", relève de son côté Jean-Luc Monteil, président du Medef Paca. "Il a une bonne appréhension, aussi bien sur les opportunités que sur les menaces que représentent ces nouveaux secteurs", poursuit le représentant du syndicat patronal. S'il est volontiers qualifié de proactif par les dirigeants économiques, il n'aura cependant pas mené de grands projets économiques sur le territoire.

"Préfet préfigurateur"

Homme de terrain - du moins celui économique -, le nouvel homme fort de la région Auvergne-Rhône-Alpes est également caractérisé de fonctionnaire "visionnaire", capable de "comprendre les enjeux et intérêts économiques d'un territoire".  Une impression partagée par un acteur économique et politique ligérien, que le nouveau préfet d'Aura a fréquenté lors de son passage dans la Loire (2006-2008). "Stéphane Bouillon a été un excellent préfet, moderne dans son approche de la fonction, qui ne s'embattait pas dans les protocoles, se souvient Jean-Louis Gagnaire, ancien député PS de la Loire et ex vice-président de la région Rhône-Alpes en charge de l'économie. Il a compris rapidement les enjeux économiques du département ligérien."

Son expertise lui permettra, lorsqu'il était en poste en Alsace, d'être l'un des sept préfets "préfigurateur", chargés de préparer l'adaptation de l'organisation territoriale de l'État à la nouvelle carte des régions, dans le cadre de la loi NOTRe.

Personnalité discrète

Qualifié de personnage "discret", "sobre", "efficace" et qui sait "resté à sa place", ce diplômé de Sciences Po Paris et l'ENA (promotion Louise Michel 1984, celle du commissaire européen Pierre Moscovici et de l'actuel patron de la SNCF Guillaume Pépy), semble faire l'unanimité autour de sa personnalité. "Il est dans le dialogue, et tient compte des remarques pour ensuite trancher", rappelle le patron de la CCI. "Sa silhouette droite et longiligne reflète son professionnalisme et sa personnalité. Il incarne l'Etat pur et juste", lance Jean-Luc Monteil, président du Paca.

Pourtant, des taches indélébiles apparaissent sur son CV. Le nouveau préfet de la région a été condamné dans plusieurs affaires. Le 15 mai 2015, Stéphane Bouillon est reconnu coupable de diffamation contre Ali Belhadad et condamné à 7 000 euros en dommages et intérêts et 800 euros d'amende avec sursis. Deux mois après l'affaires Mehrah, Stéphane Bouillon, alors directeur de cabinet de Claude Guéant, demande l'expulsion de cinq personnes en liant avec des menaces terroristes, dont Ali Belhadad, présenté à tort comme terroriste.

En avril 2017, U Levante, une association de défense de l'écosystème corse, a fait condamner pour faute celui qui était alors préfet de Corse du Sud, pour des permis de construire illégaux accordés dans la commune de Coti-Chiavari, sur la côte très prisée entre Porticcio et Propriano.

"Ces affaires, il ne les a pas menés sciemment. S'il s'est retrouvé impliqué dans certaines choses, c'est que ça venait d'en haut. Vous savez, le corps préfectoral est parfois utilisé à son insu pour diverses raisons", tente d'expliquer un responsable économique marseillais.

Quel poids politique ?

"Ce grand serviteur de l'Etat", qualifié également d'"intello", a travaillé étroitement avec des responsables politiques de tous bords. "Il était réputé préfet de gauche avant son arrivée dans la Loire", notamment après sa collaboration avec Jospin, se rappelle Jean-Louis Gagnaire. Il a par la suite travaillé à Matignon avec François Fillon, avant d'être nommé au poste très exposé de préfet de Corse en septembre 2008. Il occupera cette fonction durant trente mois avant de rejoindre le cabinet de Claude Guéant. "Il avait un poids sous l'ancien gouvernement, ce qui a notamment permis de faire avancer le projet de LGV Paca", explique M. Chauvin. Et avec le nouveau pouvoir en place ? La proximité semble réelle.

Cet été, Stéphane Bouillon a accueilli le couple présidentiel pendant plusieurs jours. Il serait également proche du porte-parole du gouvernement Christophe Castaner. Autre signe de confiance, la nomination dans la grande région Auvergne-Rhône-Alpes, l'une des plus puissantes de France, apparaît comme "une promotion". D'autant plus qu'il est difficile d'imaginer une telle nomination - dans ce berceau de la Macronie - sans l'approbation de Gérard Collomb.

Sur les terres d'origine du ministre de l'Intérieur - toujours omniprésent sur le territoire lyonnais - la liberté d'action permettra d'affirmer ou d'infirmer l'image du "roseau qui ne cède pas".

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