Grenoble : la guerre de l'éclairage

L’octroi du marché public de l’éclairage de Grenoble au consortium Vinci-Bouygues, a déclenché la colère des salariés de la SEM Gaz et Électricité de Grenoble. Certains personnels ont coupé le courant, lundi, en plein conseil municipal. Le maire de la ville, Éric Piolle, a renvoyé à novembre l’examen de la délibération incriminée.
Plongé dans le noir, le conseil municipal de lundi a dû être reporté à la semaine suivante.

Les salariés de GEG (Gaz et Electricité de Grenoble) voient rouge. Détentrice du marché de l'éclairage public de la ville depuis plus de 100 ans, la société d'économie mixte GEG (dont la ville de Grenoble est actionnaire majoritaire à 51 %), s'est fait rattraper le 8 octobre dernier par le consortium Vinci-Bouygues, dont l'offre a été retenue à l'unanimité par la commission d'appel d'offres de la Ville. Un événement qui représente "une perte de 1,5 million d'euros de chiffres d'affaires et menace 25 emplois dédiés à l'éclairage public", estiment les représentants de l'intersyndicale de GEG.

"Nous ne comprenons pas pourquoi la ville, qui est notre actionnaire majoritaire et dont l'équipe en place avait pris des engagements concernant l'emploi local, cherche à nous enfoncer plutôt qu'à nous protéger", rapporte Sophie Cavagna, représentante de l'intersyndicale.

Selon elle, la ville de Grenoble n'a pas laissé le temps à GEG de se positionner avec une meilleure offre lors du dialogue compétitif. "A son arrivée, la nouvelle équipe savait que l'appel d'offres était en cours et n'a rien fait pour arrêter la démarche", reproche-t-elle.

Des méthodes discutées

Alors qu'une manifestation a réunit devant l'hôtel de ville près de 150 salariés (contre plus de 300 selon les sources syndicales), des manifestants ont empêché la tenue du vote du conseil en coupant le courant.

Interrogée sur les méthodes utilisées, Sophie Cavagna se défend : "Nous sommes face à des acteurs politiques qui oublient d'où ils viennent et qui demandaient la désobéissance civile. Maintenant qu'ils sont au pouvoir, ne la supportent plus, justifie-t-elle. Nous sommes satisfaits car notre objectif était de reporter cette délibération qui donnait la gestion au privé."

Le maire, Eric Piolle, dénonce quant à lui des méthodes syndicales "intimidatoires", sans pour autant envisager d'engager des poursuites.

"C'est la première fois que le conseil municipal a été arrêté suite à un envahissement. Un cercueil a été jeté sur le bureau, cassant des verres, tandis qu'un policier municipal a été blessé et mis en arrêt pour quatre jours", rappelle-t-il.

S'il comprend qu'une émotion forte ait pu être ressentie par les salariés de GEG concernant la perte de ce contrat, le maire rappelle que l'appel d'offres avait été lancé en 2012 pour se conformer aux règlementations en vigueur sur l'ouverture des marchés de l'énergie.

"Le préfet avait accordé deux ans à la municipalité pour réaliser cet appel d'offres. Nous sommes contraints par le calendrier puisque l'échéance est fixée au 31 décembre", explique-t-il. Pour reposer les bases du dialogue, la municipalité s'est engagée à rencontrer les différents acteurs du dossier mardi prochain à l'hôtel de ville. Mais la marge de manœuvre reste faible...

"Il n'est pas question d'abandonner une offre pertinente, la seule fenêtre de tir que nous avons est de voir si nous pouvons encore allonger le délai, alors que la Ville avait déjà tardé à se mettre en conformité."

Un appel d'offres à double tranchant

Rappelant la procédure d'appel d'offres constitue forcément "un risque" pour une entreprise, le maire assure qu'un premier dialogue compétitif a bien été engagé avec chaque candidat avant l'arrivée de la nouvelle équipe municipale, puis lors d'un second tour qui s'est déroulé au mois de juin. Si le détail des offres définitive n'est pas rendu public, "on peut dire que l'offre retenue réduit de 80 % la pollution lumineuse et de 50 % les coûts supportés par les Grenoblois. Elle créera aussi de l'emploi local et travaillera avec des entreprises locales", réaffirme Eric Piolle.

Face aux 25 licenciements annoncés par les syndicats, le maire s'étonne : "Il n'y aura pas de pertes d'emplois puisque la société GEG a déjà pris l'engagement de replacer en interne les 15 salariés qui travaillaient à l'éclairage de la ville de Grenoble." Une réponse qui ne suffit pas aux syndicats qui dénoncent la perte d'une activité historique ayant permis à GEG de décrocher des contrats dans les municipalités environnantes (Saint-Martin-Le-Vinoux, Pont-de-Claix...).

"Grenoble était notre vitrine. Sans compter que sans cette activité, maintenir les 25 emplois n'a pas de sens, car nous sommes dans un plan de performance qui prévoit déjà la suppression de 62 postes entre 2015 et 2017", annonce Sophie Cavagna.

Un avenir incertain

Si les esprits se sont échauffés, c'est qu'en bout de ligne, le passage en régie publique de GEG souhaité par la nouvelle équipe suscite également les crispations. "

Il y a des inquiétudes fortes sur l'avenir de l'entreprise, avec le passage en métropole et le prolongement du contrat de concession avec GDF-Suez. Mais il faut distinguer la question de l'actionnariat", a nuancé Eric Piolle.

Car le 1er janvier 2015, la concession et la distribution de gaz et d'électricité deviendront une compétence de la future métropole. "Nous allons voir si nous avons une fenêtre de tir pour que GEG, ce bijou de famille, puisse revenir dans le domaine public avec un débat autour du mode d'actionnariat." Début 2013, la municipalité Destot avait fait le choix de reconduire le contrat de concession de GDF-Suez pour les 30 prochaines années.

A cette époque dans l'opposition, l'équipe actuelle avait alors déposé trois recours au Tribunal Administratif, qui sont toujours en cours. "

Nous sommes très inquiets car ce contrat était un gage de pérennité pour nous, que ce soit avec GDF Suez ou quelqu'un d'autre. Aujourd'hui, on ne parle que de remunicipalisation, mais on attend de voir comment, car nous avons tout de même 395 emplois à assurer derrière, souligne Sophie Cavagna, ajoutant : "Il n'est pas question de poursuivre un objectif idéologique pour voir sauter des emplois."

Le directeur de GEG, Olivier Sala, quant à lui, est resté très discret sur le sujet et n'a pas retourné notre appel. Incorporé sous la forme d'une société mixte depuis 1986 (avec 42 % du capital détenu par GDF Suez), l'opérateur GEG est le sixième distributeur français d'électricité (avec 97 000 clients) et le quatrième distributeur de gaz (45 000 clients). La société, qui emploie 435 salariés, a enregistré un chiffre d'affaires consolidé de 131 millions d'euros en 2013.

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Commentaires 3
à écrit le 24/10/2014 à 10:36
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toujours ce principe européen de la concurrence libre et non faussée qui pourrit la vie du pays. toutefois cette affaire est aussi un révélateur de la rente de situation de certaines entreprises et certains syndicats qui par leur comportement égoîste...

le 24/10/2014 à 11:30
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Comme c'est facile de critiquer...On en reparlera quand ça sera à vous de faire des sacrifices.

à écrit le 24/10/2014 à 9:48
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Piolle est simplement une cible, il veut remettre un peu d'ordre dans la fourmilière grenobloise

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