Montagne : Comment la SATA a remporté la gestion des Deux Alpes au détriment de la Compagnie des Alpes

Elle assurait déjà la gestion de la station de l’Alpe d’Huez et du téléphérique de la Grave. A compter du 1er décembre 2020, la Société d’aménagement touristique de l’Alpe d’Huez (SATA) deviendra le nouveau gestionnaire du domaine des Deux Alpes, jusqu’ici aux mains d'une filiale de la Compagnie des Alpes. Un nouveau contrat qui permet à la société anonyme d’économie mixte (SAEM) de se positionner comme un acteur majeur en Oisans, et d’annoncer un vaste plan d’investissements de 290 millions d’euros sur les 30 prochaines années.
(Crédits : Lionel Royet/L’Alpe d’Huez Tourisme)

Avec près de 400 salariés, la Société d'aménagement touristique de l'Alpe d'Huez (SATA) se prépare à doubler de taille. Grâce à l'arrivée des équipes de la station des Deux Alpes, la SATA devrait ainsi doubler d'ici la fin d'année, pour atteindre les 850 salariés et près de 80 millions d'euros de chiffre d'affaires (contre 42 millions d'euros jusqu'ici).

Car trois ans avant le terme de son contrat avec Deux Alpes Loisirs, la filiale de la Compagnie des Alpes (CDA), les communes des Deux Alpes avaient décidé de changer de délégataire en cours de route, pour passer aux mains de la SATA à compter de décembre prochain.

Bien que Christophe Monier, directeur général de la SATA, ne souhaite pas commenter les raisons de ce choix, il confirme qu'un appel à candidatures avait été lancé début 2019 par les communes des Deux-Alpes et de Saint Christophe en Oisans, "en vue de mettre en concurrence différents acteurs sur ce dossier", et "d'affirmer de nouvelles ambitions pour le domaine skiable", qui enregistre près de 1 200 000 journées skieurs à travers ses 95 pistes et 43 remontées mécaniques.

"Le domaine des Deux-Alpes a la chance de présenter un fort dénivelé ainsi qu'une partie très haute à près de 3600 m d'attitude, mais également une offre variée pour la saison estivale, avec une activité de VTT très développée, même s'il existait aussi, de manière globale, un besoin de modernisation des installations existantes", confie-t-il.

Un besoin de modernité que l'on retrouve parmi les quatre thématiques mises en avant par la municipalité dans son appel d'offres, avec la "rationalisation des outils de production du domaine skiable", visant à tendre vers le tourisme trois saisons, mais également à "mener une réflexion sur la qualité de l'accueil des services proposés". Une offre d'activités élargie, été comme hiver, était également souhaitée, ainsi qu'un développement de la station dans le respect des préoccupations environnementales.

Résultat ? Sur les deux candidatures présentées (dont l'ex-délégataire Deux Alpes Loisirs), c'est la SATA qui a décroché cet appel d'offres. Avec, au programme, pas moins de 290 millions d'euros d'investissements à venir sur les 30 prochaines années.

"Nous avons réussi à prendre en compte les demandes des collectivités et même à proposer une réponse volontariste, avec des investissements complémentaires prévus sur l'ensemble de la période", souligne Christophe Monier.

290 millions d'euros pour développer le tout saison

Cette enveloppe devrait donc à la fois comprendre une modernisation des remontées mécaniques, qui demeure le poste d'investissement le plus important, ainsi que de nouveaux équipements dédiés à la neige (entretien des pistes, sécurisation du domaine, etc), et de nouvelles activités toutes saisons (sentiers piétons, parcours VTT, tyrolienne, luge sur rail, etc).

Si le renforcement des enneigeurs fait également partie du programme, afin de "sécuriser et accompagner une partie de l'activité" - sans pour autant en préciser la proportion -, l'un des projets phares devrait être le remplacement d'une télécabine à deux câbles (double monocâble), actuellement installée en plein cœur de la station, par une installation hybride entre un téléphérique et une télécabine en vue d'améliorer le franchissement ainsi que débit de l'appareil. Et ce, dès l'horizon 2022, pour un budget estimé à 60 millions d'euros.

Alors que la totalité des investissements seront lissés sur une période de 30 ans, les efforts les plus importants devraient néanmoins intervenir d'ici 2030, en vue de donner un coup d'accélérateur à la modernisation des équipements.

"L'un des premiers projets que nous allons réaliser est l'installation d'un télésiège fixe afin de desservir l'un des quartiers de la station", glisse Christophe Monier.

L'enveloppe globale sera financée à la fois sur fonds propres et sur un recours à l'emprunt, tandis qu'une augmentation de capital de 20 millions d'euros est également prévue, d'ici avril, auprès des actionnaires historiques de la société anonyme d'économie mixte (SAEM).

Vers l'essor de l'une des 10 plus grandes stations du monde ?

Née dans les années 1950, avec la volonté de regrouper des acteurs privés installant des téléskis sur le domaine de l'Alpe d'Huez, le capital de la SATA s'était ouvert aux collectivités de l'Oisans, qui détiennent désormais 60% des parts (avec, comme actionnaire majoritaire, la station d'Huez), ainsi qu'à six établissements bancaires (Caisses des dépôts et Consignations, Caisse d'Epargne, Crédit Agricole, CIC, Banque Rhône-Alpes, Banque Populaire des Alpes), qui détiennent 18% des parts, contre 21,61 % pour les acteurs privés demeurés au capital.

La SATA assure désormais six contrats de délégation de service public, dont cinq sur le massif des Grandes Rousses (38) (Alpe d'Huez, Auris-en-Oisans, Oz-en-Oisans, Vaujany, Villard Reculas), ainsi qu'un contrat d'exploitation pour le téléphérique de La Grave (05).

"Nous avions souhaité nous positionner dans une logique territoriale, avec un cœur de cible qui demeurait sur le massif de l'Oisans de manière générale", confirme Christophe Monier.

Avec une volonté : "Conserver l'identité de chaque site", tout en profitant de leur rassemblement sous un même gestionnaire pour "mieux porter la destination de l'Oisans au sens large".

Une feuille de route qui pourrait même aller jusqu'à réunir les stations des Deux-Alpes et de l'Alpe-d'Huez, à travers un projet de construction d'un téléphérique, déjà évoqué depuis plusieurs années ? La question reste pour l'instant entière.

Contacté par nos confrères de France Bleu Isère, le maire adjoint des Deux-Alpes et maire délégué de Venosc, confirmait qu'un tel projet est bien "porté par la communauté de communes de l'Oisans", mais qu'il "ne fait pas pour autant partie de la Délégation de Service Public des Deux-Alpes, ni de celle de l'Alpe d'Huez".

Si des plans sont déjà dessinés, la communauté de communes de l'Oisans attendrait les élections municipales, prévues en mars prochain, pour que les nouvelles équipes prennent la décision de relancer ou non le projet. Une chose est certaine : l'enjeu est de taille puisque la réunion des deux domaines leur permettrait de s'imposer parmi les 10 plus grandes stations du monde, à l'égard de la longueur de leurs pistes. Le passage à un opérateur unique est en tous les cas amorcé !

L'immobilier, comme complément des remontées mécaniques

De l'autre côté, les missions de la SAEM sont elles aussi encore appelées à évoluer. A l'origine exploitant de remontées mécaniques, la SATA s'est aussi positionnée, depuis deux ans, sur le terrain de l'immobilier, avec l'objectif de maintenir ou de remettre sur le marché des lits touristiques, que ce soit à travers la création de nouveaux projets ou la rénovation de l'existant.

"L'idée étant en avoir un parc en propre, afin garantir la pérennité commerciale de ces lits, de s'intéresser à d'éventuels projets en fin de vie et de proposer également des services complémentaires au propriétaires privés, grâce à la création de l'une de nos filiales", explique Christophe Monier.

Alors que l'opérateur travaille déjà sur une première opération de promotion immobilière cette année, il estime que ce segment fera partie, à l'avenir, des éléments incontournables en vue de garantir le schéma économique des stations.

"Il s'agit d'un nouveau métier, qui consiste à considérer la destination dans son ensemble. Nous n'avons pas vocation à nous occuper de tout, ni à remplacer les acteurs présents, mais à nous intéresser aux projets les plus complexes à mener", glisse-t-il.

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Commentaire 1
à écrit le 27/02/2020 à 18:52
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Dans cette fusion "sans acquisition" (donc sans paiement de goodwill, faut-il l'espérer?) on peut se demander quelles synergies permettront de financer le remboursement des emprunts (sur 30 ans?) contractés pour les investissements promis aux 2 Alpes...

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