Lyon-Turin : malgré le discours rassurant de Macron, des doutes subsistent

Lors du sommet franco-italien de mercredi soir, Emmanuel Macron a voulu rassurer l'Europe et l'Italie ainsi que les partisans du Lyon-Turin sur les engagements français concernant cette infrastructure. Si la participation française sur la partie transfrontalière semble être désormais difficilement remis en cause, certaines déclarations du Président concernant les accès français maintiennent, pour leur part, le doute autour de ce projet pharaonique de liaison ferroviaire. La question des financements est, elle aussi, loin d'être réglée.
(Crédits : Elysée)

A côté du dossier brûlant de la reprise des chantiers navals STX, un autre cas, non moins épineux, était également au menu du sommet franco-italien, ce mercredi, dans la capitale rhodanienne : celui du Lyon-Turin. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la position de la France, au sortir de cette rencontre, n'est pas aussi explicite qu'elle y paraît.

Emmanuel Macron a certes réaffirmé l'engagement de la France dans la réalisation de la ligne ferroviaire de transports de marchandise et de passagers Lyon-Turin. Il a notamment assuré que "nous sommes l'un et l'autre pleinement engagés", tandis que le président du conseil italien Paolo Gentiloni s'est pour sa part félicité que le Lyon-Turin "sorte renforcé" de ce 34e sommet.

Après avoir annoncé à l'été une "pause" des grands projets d'infrastructures - dont le Lyon-Turin - la France a semble-t-il voulu rassurer ses partenaires européens et italiens, alors que des financements européens ont déjà été engagés. Elle paraît désormais apte à réétudier et relancer certains de ces grands projets, comme cette liaison ferroviaire, l'un des projets européens les plus massifs actuellement en élaboration.

Revoir la copie

Cependant, sur certains points, la copie doit encore être revue. Des doutes subsistent plus particulièrement sur les accès français de ce chantier pharaonique, dont le coût global est estimé à 26 milliards d'euros minimum.

"Ce projet, on ne peut pas le faire réussir avec les idées d'il y a 20 ans, quand il a été imaginé", a expliqué Emmanuel Macron.

Une position qui se retrouve dans le texte final de la rencontre franco-italienne. S'il ne mentionne plus cette pause, la France rappelle la "réflexion" en cours sur "les grands projets d'infrastructure" (alors que les assises de la mobilité se déroulent jusqu'au mois de décembre), annonçant même des décisions pour le 1er trimestre 2018. Celles-ci pourraient notamment concerner les modalités de financement français du tunnel international, alors que le flou demeure sur ce sujet. Un sujet sensible alors que la Cour des comptes a estimé, dans un rapport d'août 2016, que l'infrastructure était hors de portée budgétairement.

Pour rappel, le futur tunnel transfrontalier, long de 57,5 km - estimé à environ 8,5 milliards d'euros-, doit être financé à 40 % par l'Union européenne, mais aussi à 35 % par l'Italie et 25 % par la France, soit environ 2,2 milliards d'euros. Si des pistes de financement avaient été avancées, comme la collecte de deniers via l'Eurovignette, à ce jour, aucune décision n'a été actée.

Quid des accès français ?

Au-delà du financement français, le questionnement désormais au cœur du projet, du moins du côté français, est celui des accès nationaux. Le projet doit "s'adapter aux modes de mobilité contemporains", des mobilités "plus écologiques, plus intelligentes", a précisé mercredi soir M. Macron. "Il faudra développer sur le plan stratégique cet axe au-delà du tunnel de base", a-t-il ajouté.

Le Président a ainsi annoncé la création d'un groupe de réflexion sur les interconnexions à la ligne internationale. Côté italien, le chantier est bien avancé, comme l'a confirmé le président du conseil italien. Côté français, le travail reste important, notamment pour la question du financement, même si les accès ont fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique en 2013.

"Cette nouvelle annonce, ou du moins cet éclaircissement, traduit le fait que les accès tels que prévus dans la déclaration d'utilité publique pourraient être remise en cause. Le tunnel international est, selon les partisans, la finalité pour assurer le transport de 40 millions de tonnes de marchandise par an. Mais les accès français nécessitent environ 11 milliards d'euros d'investissements, et à ce jour, aucun éclaircissement sur ce montage n'est donné", explique Jean-Charles Kohlhaas, porte-parole élus Citoyen Écologiste et Solidaire à la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Cet opposant au projet du Lyon-Turin rappelle au passage que l'objectif de transite de 40 millions de tonnes par an, brandi par les partisans de l'infrastructure, est aujourd'hui loin du compte. Selon lui, environ 12 millions de tonnes transitent annuellement sur cette route commerciale. A ce titre, investir sur la ligne existante pour la rénover serait suffisant pour répondre aux enjeux commerciaux et environnementaux.

Lire aussi : Lyon-Turin, le trafic des marchandises justifie-t-il vraiment le projet?

Le chantier avance

Quoi qu'il en soit, les travaux de reconnaissance progressent. Côté français, le percement de la galerie de reconnaissance de 9 km à Saint-Martin-la-Porte (Savoie) s'est poursuivi et "1,4 km a été excavé", a précisé mercredi à l'AFP un porte-parole de TELT, la société franco-italienne en charge de l'infrastructure. Le tunnelier, qui perce dans l'axe et au diamètre du tube Sud du futur tunnel, avance à la cadence de "dix mètres par jour", a-t-on précisé. Des difficultés géologiques avaient été rencontrées il y a quelques mois. Côté italien, la galerie de reconnaissance de La Maddalena à Chiomonte, longue de 7 km, qui servira notamment d'accès au chantier du tunnel de base, est terminée.

Le futur tunnel transfrontalier entre dans sa phase de construction, avait indiqué en juin Hubert du Mesnil, président de TELT, assurant que le calendrier de la mise en service de la ligne, à l'horizon 2030, serait tenu. Le tunnel de base sera constitué de deux tubes à voie unique. Il reliera les gares internationales de Saint-Jean-de-Maurienne et de Suse, avec des interconnexions au réseau existant, en France et en Italie.

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