Lyon-Turin : l’indépendance de l'enquêteur public Philippe Gamen remise en question

Alors que le gouvernement français a mis sur pause le chantier du Lyon-Turin, la liaison ferroviaire sera une nouvelle fois au cœur du sommet franco-italien cette semaine à Lyon. Et si les questions économiques et environnementales seront abordées, elles ne pourront pas masquer l’actualité judiciaire du dossier, ni les questionnements qui sèment le doute sur les conclusions de l’enquête publique réalisée en 2012. Premier volet de notre enquête consacrée à deux figures savoyardes de ce projet controversé.

Le 3 octobre, le tribunal administratif de Lyon se penchera sur une requête de deux opposants au Lyon-Turin, Noël Communod et Daniel Ibanez. Ils remettent en cause l'indépendance d'au moins deux des commissaires enquêteurs savoyards, qui ont travaillé sur l'enquête publique de la liaison ferroviaire entre Grenay et St-Jean-de-Maurienne, en vue de la réalisation du Lyon-Turin.

Les conclusions de cette enquête publique étaient préalables à la Déclaration d'utilité publique (DUP), autorisant le démarrage du chantier. Or, ces deux commissaires enquêteurs se seraient placés en situation de conflit d'intérêts ou de prise illégale d'intérêts.

Focalisons-nous d'abord sur Philippe Gamen, actuel président du parc naturel régional des Bauges. Il était l'un un des commissaires enquêteurs nommés par le tribunal administratif de Grenoble pour étudier la traversée de la Savoie par le Lyon-Turin. Et comme tout commissaire enquêteur, il était tenu à l'indépendance et à l'impartialité.

Or, à l'époque de l'enquête publique, Philippe Gamen était le président du Conservatoire du patrimoine naturel de la Savoie (CPNS), une association créée par l'État pour sauvegarder les milieux naturels. Cet organisme compte parmi ses partenaires la Société Française du Tunnel Routier du Fréjus (SFTRF), qui exploite le tunnel alpin. À l'époque, le président de la SFTRF, Patrice Raulin, est aussi le président de Lyon-Turin Ferroviaire (LTF), la société chargée de réaliser les études et travaux de reconnaissance de la section transfrontalière du Lyon-Turin.

Partisan affiché

Quelques mois avant le début de l'enquête publique, M.Gamen affirmait dans l'éditorial du bulletin du CPMNS que le Lyon-Turin était compatible avec le corridor biologique Chartreuse-Belledonne. Il se positionnait ainsi clairement vis-à-vis d'un chantier pour lequel il sera nommé commissaire enquêteur peu après.

Quelques jours avant sa nomination comme commissaire enquêteur, en novembre 2011, Philippe Gamen était invité à Bruxelles par le député européen Michel Dantin - devenu ensuite maire de Chambéry. L'hebdomadaire local La Tribune Républicaine relate la visite de M.Gamen à M.Dantin et à Michel Barnier, deux ardents défenseurs du Lyon-Turin : « La problématique du Lyon Turin a été largement évoquée, celui-ci étant considérée comme un axe futur important de circulation du site territoire européen. »

C'est que Philippe Gamen connaît bien le dossier. Probablement parce que des membres de sa famille habitent à Chapareillan, commune où sortira le tunnel sous le massif de la Chartreuse, et aux Marches, le village voisin. M.Gamen connaît aussi le dossier du Lyon-Turin comme maire de la commune du Noyer, dans le massif des Bauges en Savoie. Représentant de sa commune à Métropole Savoie, le syndicat chargé de la gestion du Schéma de cohérence territoriale (SCoT), M.Gamen participe au vote d'une délibération sur les accès au tunnel principal du Lyon-Turin, dans les mois précédant sa charge de commissaire enquêteur du même dossier.

Et c'est avec cette connaissance du dossier, empreinte de prise de position, que Philippe Gamen du Lyon-Turin est désigné commissaire enquêteur. Et les surprises ne sont pas finies concernant ce gérant de cabinet d'études oeuvrant pour les collectivités locales en matière d'aménagement du territoire...

Il recommande son association

La commission d'enquête émettra, parmi ses conclusions, la recommandation suivante : « un rapprochement devra être engagé avec les conservatoires d'espaces naturels (...) (le CPNS pour la Savoie) pour définir les travaux de création et de réhabilitation des zones humides et les conventions de gestion à long terme. » M.Gamen, président du CPNS, se retrouve ainsi à recommander sa propre association.

Le 18 avril 2012, cela fait un mois que l'enquête publique sur le Lyon-Turin est close... et le CPMNS présidé par Philippe Gamen décide d'accepter de la société Vicat la cession pour un euro symbolique de terrains limitrophes au tracé du Lyon-Turin. Ce don sert de mesure compensatoire à l'extension de la carrière Vicat à Laissaud, une commune de l'Isère voisine de Chapareillan. Cette carrière de gravières trouvera un débouché naturel dans le chantier du Lyon-Turin le jour où celui-ci viendra poser ses rails à quelques encablures de Laissaud. Lors de l'enquête publique sur l'extension de la carrière, des opposants avaient d'ailleurs établi un lien entre les deux projets... ce que Vicat avait nié.

Philippe Gamen n'a pas rappelé Acteurs de l'économie.

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Commentaire 1
à écrit le 25/09/2017 à 19:50
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Extraordinaire, c'est Daniel Ibanez qu'on n'a jamais vu dans une réunion autre que le Lyon-Turin depuis que le projet en 2012 passe à coté de sa propriété, qui a été le représentant d'une alternative bidon au Lyon-Turin, les wagons motorisés R-SHIFT-...

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