Hospices civils de Lyon : la paix sociale au prix de l’immobilier

Alors que le premier schéma directeur de l’immobilier touche à sa fin, aux Hospices civils de Lyon, le patrimoine immobilier – quelque 1 000 lots d’habitation et 150 lots de commerces et bureaux, estimés à environ 500 millions d’euros – est désormais une variable d’ajustement mise à profit pour réduire tant bien que mal les déficits. Il reste aussi un élément capital de la politique sociale sous l’œil vigilant des partenaires sociaux, à l’aube d’un nouveau schéma directeur, qui devrait être signé cette année.
Un immeuble des HCL, au 17 place Bellecour à Lyon.

En 2012, la Cour des comptes épinglait les Hôpitaux de Lyon, mais aussi ceux de Paris et de Marseille sur la gestion de leur patrimoine immobilier. Un enjeu considérable puisque ces structures sont à la tête de millions de mètres carrés dans des villes où l'immobilier s'échange aux plus hauts prix.

À Lyon, les HCL sont ainsi propriétaires d'un patrimoine immobilier estimé à quelque 500 millions d'euros. Des siècles durant - et aujourd'hui encore - l'Hôtel-Dieu et l'hôpital de la charité ont en effet bénéficié des largesses de Lyonnais fortunés qui leur ont légué bijoux, argent et terrains. Les HCL ont notamment hérité de 82 hectares en 1638, 42 en 1684 et 140 en 1725. Des tènements majoritairement situés sur la rive gauche du Rhône. À l'heure où les déficits affichés par ces établissements de soins se creusent, le patrimoine immobilier fait donc figure de variable d'ajustement aisée à mettre en œuvre, pour faire entrer un peu d'argent dans les caisses.

Aux HCL, le sujet n'est plus tabou. Un schéma directeur de l'immobilier a même vu le jour en 2010 à la demande du ministère afin de donner plus de transparence au sujet immobilier et de voir si la vente de quelques pierres pourrait partiellement combler les déficits.

Un élément de politique sociale

Depuis, à Lyon, les arbitrages s'organisent, mais avec parcimonie. Ainsi, alors qu'en tête des récriminations portées à l'encontre des HCL figurait la gestion des centaines de logements loués aux personnels hospitaliers, force est de constater que, depuis près de cinq ans, la situation n'a guère évolué. Et, pour une fois, elle fait consensus au sein de la direction et des organisations syndicales. Lorsque ce point est soulevé, la direction des HCL brandit immédiatement la bannière sociale.

« Nous louons les logements de notre patrimoine à nos agents qui bénéficient depuis 1988 d'un abattement de 20 %. C'est un élément fort de notre politique sociale. Nous proposons ces logements aux agents dont les revenus sont les plus modestes. Nous les proposons également aux personnels qui arrivent de l'étranger », explique Luc Fabrès.

Le directeur des affaires domaniales des Hospices civils de Lyon assure que les HCL auraient eu bien du mal, ces dernières années, à recruter des kinésithérapeutes et des infirmières venus notamment d'Espagne sans avoir de logement à leur proposer. De fait, sur les 1 000 appartements propriété des HCL, plus de 80 % sont loués au personnel. Quant aux 20 % restants, certains sont occupés par les conjoints des agents décédés à qui le bail est transféré de droit, d'autres issus de legs prévoyant des clauses qui imposent de maintenir l'occupant. De fait, rares seraient les appartements loués à des personnes totalement étrangères à la sphère des HCL.

Opacité des attributions

Pour autant, à ce jour et en dépit des mises en garde de la Cour des comptes, relevant l'absence de commission d'attribution de ces logements, la liste des occupants et l'attribution des biens reste la chasse gardée de la direction des affaires domaniales.

« Effectivement, même si les annonces de location sont régulièrement portées à la connaissance des agents, nous ne savons pas précisément qui occupe ces logements. Nous sommes bien évidemment favorables à la mise en place d'une commission d'attribution au sein de laquelle nous pourrions siéger », avance Olivier Brun, délégué syndical CFDT des HCL.

Brahim Gacem, son homologue de Force ouvrière le rejoint, poussant le raisonnement plus loin.

« Certains appartements situés dans des rues très cotées ne sont probablement pas occupés par des agents des HCL. Une fois que nous avons dit cela, il faut se demander si de tels appartements, souvent très grands, sont accessibles à nos agents même avec une décote de loyer de 20 %. Donc, s'ils ne peuvent pas payer des loyers aussi élevés, il faut conserver ces logements, mais les louer au prix fort à des locataires qui n'ont pas de lien avec les HCL », préconise-t-il, en appelant lui aussi à davantage de transparence dans les attributions.

Le parc de logements demeure également géré en interne, au sein du service des affaires domaniales. L'externalisation pourrait-elle permettre de réaliser des économies ? « Selon les formules de gestion, les frais de gestion représentent de 5 % à 8 % du montant des loyers », commente Pascal Pancrazio, administrateur à la chambre FNAIM du Rhône et gestionnaire de parcs immobiliers.

Un montant à évaluer en regard avec les coûts de gestion internes, bien difficiles à chiffrer. Sans oublier le service rendu.

« La gestion interne donne satisfaction. Le montage des dossiers est simplifié et les agents obtiennent en général un logement très rapidement, ce qui est loin d'être le cas dans le privé. Il faut conserver ce système parce qu'il est très utile », assène Brahim Gacem.

Un agent en poste à l'hôpital de la Croix-Rousse témoigne ainsi avoir pu s'installer « dans un T2 de 60 m², dans le même quartier, contre un loyer mensuel de 570 euros, en moins d'une semaine entre le dépôt de la demande et l'emménagement, et ce, sans avoir à déposer de garantie ».

Luc Fabres HCL

Luc Fabrès, directeur des affaires domaniales des HCL, avec dans les mains le plan de distribution des terrains des Brotteaux à vendre. (Crédits : Laurent Cerino / ADE)

Augmentation des loyers

Reste le montant des loyers, un autre point soulevé par le gendarme des comptes publics.

« Ces dernières années, nous avons procédé à des réajustements de loyers qui étaient sous-évalués, aussi bien pour les biens d'habitation que pour les locaux commerciaux ou les bureaux. Mais, compte tenu des lois régissant la hausse des loyers, notre action en la matière est très encadrée. Il faudra donc plusieurs années pour revenir aux prix du marché », estime Luc Fabrès.

Impossible toutefois de savoir quelle est l'ampleur de cette progression. « Le montant des loyers que nous avons encaissé est resté le même depuis 2010, alors que nous avons vendu plus de 500 lots », se borne à indiquer le directeur des affaires domaniales. Cette hausse des loyers est aussi de mise sur les baux. « Chaque fois qu'un bail arrive à échéance, nous remettons à niveau le montant du loyer », souligne Luc Fabrès. Par ailleurs, alors que les baux HCL étaient au départ signés en moyenne sur 72 ans, les HCL s'engagent désormais sur 30 à 40 ans au plus, estimant que ces délais correspondent mieux au cycle de vie des immeubles.

Cession d'immeubles

À moins qu'en diminuant la durée des baux, il soit plus aisé en fin de bail de vendre un terrain ? « Nous pensons que les terrains que nous possédons ont un fort potentiel, donc nous n'entendons pas les céder », claque le directeur des affaires domaniales. Les 550 baux HCL, des contrats de louage régis uniquement par les dispositions du Code civil, ne feront donc l'objet d'aucun arbitrage à court terme. En revanche, sur les autres biens, les cessions s'organisent, sous l'œil vigilant des partenaires sociaux.

« Si la vente de biens autres que des logements occupés par le personnel permet de dégager des marges pour améliorer la situation financière des HCL et spécialement les conditions de travail, nous y sommes favorables. En revanche, s'il s'agit de vendre les appartements du personnel, nous ne sommes pas d'accord », fait valoir Olivier Brun qui jusque là a été entendu.

« Depuis 2010, nous avons vendu pour 135 millions d'euros de biens immobiliers. Il s'agit essentiellement d'immeubles nécessitant d'importants travaux et de locaux commerciaux, ainsi que quelques lots de copropriété qui se libèrent », inventorie Luc Fabrès. En la matière, la transparence est de mise.

À celles de gré à gré, les HCL privilégient les ventes notariales interactives, des enchères en ligne. « C'est un choix de transparence et de traçabilité », affirme le directeur des affaires domaniales. En marge des logements, le reste du patrimoine fait également objet d'arbitrages, mais seulement « si les fenêtres de tirs sont idéales ». Ainsi, il y a trois ans, huit hectares de forêts situées dans l'Ain ont été vendus « très significativement au-dessus de leur valeur, car l'acheteur avait besoin de notre parcelle pour relier deux des siennes », explique Luc Fabrès.

A Lyon, les HCL sont propriétaires d'un patrimoine immobilier estimé à 500 millions d'euros. (Crédits : Laurent Cerino / ADE)

Valorisation du patrimoine hospitalier

Restent les murs des hôpitaux. Là encore l'idée de valorisation n'est plus un tabou.

« Nous travaillons sur la densification des sites hospitaliers. Ces actions nous ont notamment permis de transférer les activités de l'Hôtel-Dieu vers différents sites des HCL pour signer un bail avec Eiffage, dont le montant des loyers va progressivement augmenter. Nous avons également cédé le site de l'Antiquaille pour 7,1 millions d'euros et nous engageons une réflexion avec les collectivités sur la reconversion du site de l'hôpital Charial, qui sera fermé et dont la date de fermeture reste à programmer. De même, la vente du terrain sur lequel était implantée l'ancienne blanchisserie dans le 6e arrondissement est en cours. Par ailleurs, si nous estimons qu'une partie du foncier hospitalier peut être valorisée, nous ne nous l'interdisons pas. Il y a quelques années, nous avons vendu une villa située sur le terrain de l'hôpital Dugoujon, à Caluire. Enfin, nous signons régulièrement des conventions d'occupation du domaine public hospitalier avec des organismes tels que l'Inserm, BioMérieux ou les universités », égraine le représentant de la direction des HCL.

Hiérarchie des urgences

À l'aube du prochain schéma directeur de l'immobilier, qui devrait être signé en 2016, les HCL multiplient les signes de bonne gestion immobilière. « En 2014, le patrimoine privé a rapporté six millions d'euros en gestion et 14 millions en cessions », calcule Luc Fabrès. La loi Santé adoptée par le parlement devrait par ailleurs sanctuariser la pratique du logement au personnel. Elle autoriserait les centres hospitaliers de Paris, Lyon et Marseille à récupérer des logements de leur parc privé, occupés actuellement par des personnes extérieures à leur établissement, pour les attribuer à leurs agents.

Restent les conditions d'attribution et le montant des loyers toujours opaque, et toujours en deçà des prix du marché, assurément plus une variable d'ajustement pour maintenir un climat social déjà bien malade au sein d'un univers hospitalier tourmenté.

« Il y a tellement d'incendies à éteindre aux HCL qu'il faut reconnaître que nous n'avons pas ouvert le dossier immobilier qui n'arrive pas en tête dans la hiérarchie des urgences », conclut Brahim Gacem, en assurant néanmoins que si la direction prenait idée de supprimer « ce dernier avantage » (les logements à loyers décotés), la guerre serait inévitablement déclarée.

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