Lyon-Turin  : 2015, année décisive

À travers un dossier spécial, Acteurs de l'économie/La Tribune éclaire le débat sur le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin. L'année 2015 sera déterminante dans l'évolution d'un dossier de plus en plus contesté, dans la lignée de Notre-Dame-des-Landes ou Sivens. Tour d'horizon des enjeux à venir.

La bataille est vraiment lancée. Ce lundi, Europe-Ecologie les Verts a organisé une conférence de presse à Paris, dans les locaux de l'Assemblée nationale, pour expliquer son opposition à la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Projet contesté localement depuis plusieurs années, le souhait des écologistes est de politiser et de médiatiser les débats. En effet, l'année 2015 apparaît décisive pour cette infrastructure, alors que de nombreuses interrogations persistent.

L'engagement financier de la France et de l'Europe

D'abord, le financement du projet prend un tour primordial en cette année 2015. Il engagera définitivement la participation de la France. Le 26 février au plus tard, les deux pays présenteront conjointement à la Commission européenne un dossier pour le financement de la section transfrontalière, le coeur du projet. Sa réalisation, un tunnel de base de 57 kilomètres sous les Alpes est estimé à 8,5 milliards d'euros. L'Europe se dit prête à financer à hauteur de 40 % (3,4 milliards d'euros) la construction internationale, un montant essentiel à la réalisation de ce tunnel. L'Italie doit s'engager à financer 35 % (2,9 milliards d'euros) et la France 25 % (2,2 milliards d'euros). Le montant général, avec les accès français et italiens de cette ligne ferroviaire fret/voyageur, s'élève quant à lui à environ 26 milliards d'euros.

Du côté français, le montage financier n'est pas encore acté. La Cour des comptes, dans un référé de 2012, pointait du doigt, parmi sept autres axes à éclaircir, la capacité de financement d'une telle infrastructure. Des doutes subsistent toujours sur l'engagement de l'Etat. En septembre dernier, le président de la Région Rhône-Alpes, Jean-Jacques Queyranne, partisan du projet, pressait le gouvernement à fournir des garanties, ainsi que le président de Lyon-Turin Ferroviaire, Hubert du Mesnil, même si celui-ci "croit en la parole de la France" (voir notre grande Interview).

D'ailleurs, le Premier ministre a confirmé, le 17 octobre que "la France sera au rendez-vous. Le gouvernement est pleinement investi pour la réalisation du dossier, par ses moyens techniques et financiers". Michel Destot, député PS de l'Isère et Michel Bouvard, sénateur UMP de la Savoie, réfléchissent actuellement à différentes hypothèses de financements.

Un nouveau promoteur

La création d'un nouveau promoteur, début 2015, marque une accélération du processus. Une étape qui initie le basculement de la phase de reconnaissance et d'étude à la réalisation concrète de cette ligne mixte de frets et de voyageurs. Jusqu'alors, la construction de la section transfrontalière, le cœur de l'infrastructure avec le creusement d'un tunnel de base, était pilotée par Lyon-Turin Ferroviaire (LTF) et présidé par Hubert du Mesnil, une entité appartenant à 50-50 à RFF et à son homologue italien.

Depuis le 23 décembre et une publication dans le Journal officiel, RFF a cédé sa participation à l'État pour 433 590 euros. Côté italien, la part de RFI dans LTF doit être acquise par FS holding, la compagnie nationale des chemins de fer. La composition précise de ce nouveau promoteur sera connu dans les prochaines semaines.

Nouvelle étape pour les travaux

Les travaux se poursuivent également. Environ 1 milliard d'euros ont déjà été investis. Du côté italien, 2 000 sur les 7 500 mètres de la galerie de reconnaissance de la Maddalena ont été construits. Après la signature du marché en octobre dernier, les travaux du chantier de la galerie de reconnaissance de Saint-Martin-La-Porte, en Savoie,  qui débuteront en 2015, marquent une nouvelle étape.

Lyon-Turin tunnel de base

Cette galerie française sera excavée en direction de l'Italie, dans l'axe et au diamètre d'un des tubes du futur tunnel transfrontalier de 57 kilomètres de la nouvelle liaison Lyon-Turin. Les écologistes ainsi que les collectifs d'opposants dénoncent un commencement effectif des travaux du tunnel et non pas une simple étape de reconnaissance. "Cette nouvelle galerie marque le début de la construction du tunnel, avec des financements qui ne sont pas destinés à cela, et sans concertation publique, alors que de nombreuses questions persistent sur l'utilité même du projet", estime Jean-Charles Kohlhaas, conseiller régional EELV Rhône-Alpes.

Du reste, des acteurs politiques, initialement favorables au projet affirment désormais leur opposition ou leur réticence. C'est notamment le cas de Dominique Dord, député-maire (UMP) d'Aix-les-Bains, qui dénonce un projet "technocratique dépassé" (voir notre interview à paraître). Le maire de Chamonix, Eric Fournier (DVD), longtemps partisan du Lyon-Turin, se questionne désormais sur la pertinence du chantier.

Des oppositions

Alors que de nombreuses étapes clefs doivent être franchies dans les mois qui viennent, de nombreuses oppositions s'élèvent donc. Nicolas Hulot, pivot pour François Hollande du sommet mondial sur le climat qui se tiendra à Paris à la fin de l'année, a discrètement mis en garde Ségolène Royal, ministre de l'Écologie, sur les points d'ombre du Lyon-Turin. Des députés européens, en écho aux révélations de la presse (Arte, Le Canard enchaîné, etc.), dénoncent d'éventuels conflits d'intérêt  et des soupçons de corruption. Ils ont saisi l'Office européenne antifraude (OLAF).

La médiatisation des projets de l'aéroport de Notre-Dame-des Landes, du barrage de Sivens ou du Center Park de Roybon créé une dynamique favorable à la contestation citoyenne ; et renforce la demande de débat public autour du Lyon-Turin. Les collectifs d'opposition, notamment le NoTav en France en gagne en visibilité, alors qu'il est très actif en Italie depuis une décennie. De fait, la présence de Daniel Ibanez, expert et coordinateur des opposants français, lors de la conférence de presse des Verts, allait éventuellement dans ce sens.

Deux arguments phares sous étude

Ainsi, à travers un dossier spécial, Acteurs de l'économie vous propose d'éclairer le débat, via des interviews, documents interactifs et articles d'analyse, en se focalisant sur les deux arguments phares qui permettent et cristallisent la justification ou la critique de ce projet d'envergure européen : l'augmentation des flux de marchandises et la politique française du report modal.

>> Visualiser. Le Lyon-Turin, un projet vieux de 25 ans (frise chronologique)

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Commentaires 5
à écrit le 22/01/2015 à 13:52
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Il y a de nombreuses dessertes ferroviaires à améliorer qui impacteront beaucoup plus la vie quotidienne des français et qui manquent de financement (RER en IDF, lignes TER qui desservent les métropoles régionales, ...). Il y aurait de quoi faire ave...

à écrit le 22/01/2015 à 4:14
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Il manque peut être une chose dans cet article: les opposants au Lyon Turin demandent l'utilisation de la ligne existante Dijon Ambérieu Culoz Chambéry St Jean de Maurienne Modane Italie qui est utilisée à 17% de sa capacité reconnue. Pendant ce temp...

à écrit le 21/01/2015 à 23:47
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Lyon ne peut pas être qu'une étape de Lille-Paris-Lyon-Marseille, colonne vertébrale de la centralisation.

le 22/01/2015 à 4:33
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en 1990 au lancement du projet la France avait 397 milliards de dettes publiques elle en a maintenant 2.000 milliards. On nous dit de faire confiance aux 4 présidents de la République qui ont promu ce projet. Personnellement je doute. Si les promo...

à écrit le 21/01/2015 à 17:02
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A 3 mois du rendu du dossier de financement devant la commission européenne, déja reporté, les élus DESTOT & BOUVARD ont été missionnés pour "réfléchir" à différentes hypothèses de financements. La France ne sait pas comment trouver 2,2 Md€ pour paye...

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