Un antagonisme séculaire

René Favier, professeur d'histoire moderne au sein de laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA) et vice-président chargé de la recherche à l'Université Pierre Mendès France (Grenoble II).

Quelles relations les deux villes ont-elles entretenu par le passé ?

Dès la fin du Moyen-Âge, Lyon s'est imposée comme une ville de première importance, sur le plan religieux puis en tant que capitale démographique, économique et financière. Grenoble n'était que la capitale administrative du Dauphiné et restait économiquement très dépendante de Lyon. Au XVIIème siècle, le capital lyonnais a fait pression sur l'économie dauphinoise en investissant dans la draperie, la métallurgie… A Grenoble, outre une production toilière importante, la seule activité artisanale de rayonnement international était la ganterie. La plupart des 20 000 habitants vivait de l'activité administrative et militaire de cette ville de garnison.

 

Quand l'antagonisme entre les deux villes est-il né ?

 

Cet antagonisme existait déjà au début du XVIIème siècle, lorsque Lyon, en plein essor grâce à l'industrie de la soie, se diversifiait et connaissait un fort rayonnement. Cette tutelle, qui alimentait le complexe de la petite ville par rapport à la grande, s'exprimait par le contrôle commercial et financier de nombreuses entreprises dauphinoises. En outre, Lyon était une grande place internationale, surnommée l'Amsterdam de la France. Quand un marchand grenoblois voulait transférer de l'argent à l'étranger, il devait passer sous les fourches caudines des banquiers lyonnais. En même temps, cette proximité était une chance pour les entrepreneurs et négociants grenoblois.

 

Comment Grenoble a-t-elle pu s'autonomiser ?

 

Il a fallu attendre la seconde moitié du XIXème siècle pour que se développe un pôle industriel grenoblois autour de la cimenterie, de l'hydroélectricité et de la papeterie, avec la création d'écoles d'ingénieurs devenues par la suite l'Ecole polytechnique de Grenoble. Au début du XXème siècle, est promue l'idée d'une région Alpes centrée sur l'hydroélectricité, allant de Genève à Nice, avec Grenoble comme capitale. La guerre a ensuite favorisé le développement de l'armement et de l'industrie alimentaire, loin du front. A partir de là, Grenoble a pu se constituer comme une capitale industrielle, avec un puissant capitalisme local. Le pôle scientifique a, quant à lui, émergé dans les années 50. Aujourd'hui, les relations entre les deux villes sont normalisées, même si certains Grenoblois se méfient toujours un peu de leurs homologues lyonnais.

 

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