Recherche : coup de froid sur la coopération

En matière de recherche et d'enseignement supérieur, les relations entre Lyon et Grenoble ont été chamboulées il y a quelques années avec l'apparition des appels à projets lancés par le Ministère, notamment dans le cadre du programme Investissements d'avenir.

Initiatives d'excellence, Instituts de recherche technologique (IRT), SATT (Sociétés d'accélération de transfert de technologie), Instituts hospitalo-universitaires… Dans le cadre de cette « compétition », il a été demandé à chaque site de déterminer son domaine d'excellence, sur un périmètre géographique volontairement circonscrit. Même si officiellement le ministère ne suit pas une politique des quotas conduisant à donner quitus à un nombre préétabli de projets par région, les sites grenoblois et lyonnais, éreintés par ce qui s'apparente à une véritable course d'obstacles, régie par un calendrier extrêmement serré, ont été contraints à se renforcer et presque à s'armer. Ils se sont retrouvés opposés, comparés depuis quelques mois. « L'obsession du site a cassé le mouvement de coopération patiemment construit par le gouvernement et les Régions, diagnostique Thierry Philip, conseiller spécial à la Recherche et à l'Enseignement supérieur à la Région Rhône-Alpes. Dès le lancement des appels à projets, les mentalités se sont totalement transformées : on refusait de fournir une lettre de soutien à un projet adverse, de peur que cela desserve son propre intérêt ». L'élu se dit optimiste quant à la reprise de la coopération une fois les sites consolidés et les résultats des appels d'offre connus. « Mais on met parfois du temps à réparer les fils cassés », déplore-t-il. Une analyse partagée par René Favier, professeur au sein du laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA), unité mixte de recherche créée en 2003 impliquant Grenoble et Lyon. « A Grenoble, l'idée existe toujours que l'on va se faire « bouffer » si l'on travaille avec les Lyonnais. Qui plus est, ces dernières années, la crainte qu'il n'y ait pas deux plans Campus en Rhône-Alpes s'est fait sentir. Certains chercheurs grenoblois n'ont d'ailleurs pas voulu intégrer notre laboratoire pour cette raison », témoigne l'universitaire qui, persuadé que Lyon ne nourrit pas de « velléité  d'hégémonie », a toujours incité les chercheurs à opter pour des configurations régionales, afin de disposer d'une visibilité et d'une masse critique  suffisantes.

Susciter des jalousies

Pour l'heure, Lyon et Grenoble ont obtenu équitablement  des équipements d'excellence (Equipex), des laboratoires d'excellence (Labex), et des Instituts de Recherche Technologique (IRT) - celui de Grenoble dans la nanoélectronique et celui de Lyon dans l'infectiologie. Ce dernier s'ouvrirait d'ailleurs à certains acteurs grenoblois, comme le CEA, qui pourrait détacher des salariés sur le site de Gerland. Reste la décision finale concernant les Idex (Initiatives d'excellence), qui doit tomber cet été. Mais les présidents des deux PRES entendent intensifier leur coopération quel que soit son contenu (lire encadré). Les deux sites assurent pouvoir compter sur une réelle complémentarité, rendant possible un travail partenarial. « Les Grenoblois n'ont plus de complexe d'infériorité et les Lyonnais de complexe de supériorité », résume Thierry Philip. Toutefois, si un certain nombre d'initiatives concrètes de coopération sont mises en place, elles font l'objet d'une certaine réserve. Le CEA Grenoble, premier centre de recherche technologique français avec 4500 salariés et un budget de 500 millions d'euros par an, a ainsi inauguré en janvier 2010, une plateforme nanochimie de 600m2 à l'école de Chimie physique électronique (CPE) de Lyon. Une équipe d'une dizaine de salariés a été détachée à Lyon. Cependant, expliquer aux chimistes grenoblois que le CEA finance davantage de recherche à Lyon n'est pas toujours bien compris : « Notre arrivée peut susciter les jalousies, et faire redouter une position hégémonique », reconnaît Pascal Sire, responsable du développement régional au CEA.

Structure bicéphale

Symbole de l'imbrication entre les deux villes, le centre de recherche de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) Grenoble - Rhône-Alpes, est bicéphale, deux tiers de ses chercheurs se trouvant à Grenoble, un tiers à Lyon. « Les chefs de projet des deux villes, qui se retrouvent une fois par mois dans l'une ou l'autre, ont le sentiment d'appartenir à la même structure », assure Alain Viari, délégué scientifique du centre, qui a récemment installé une antenne sur le campus de La Doua. Autre exemple de forte coopération, le Cancéropôle Lyon Auvergne Rhône-Alpes (CLARA), réseau d'équipes de recherche, d'institutions et d'entreprises. « Tous les projets ont une assise Lyon-Grenoble, certains avec un leadership lyonnais, d'autres grenoblois », décrit Thierry Philip. La Ville de Grenoble finance d'ailleurs depuis 2009 le CLARA à hauteur de 10 000€ par an, et certains projets de recherche impliquant au moins un acteur du territoire grenoblois (jusqu'à 130 000€ par an). La naissance d'autres structures de coopération Lyon-Grenoble se profile, comme celle du Pôle toxicologique et écotoxicologique de Rovaltain, ou encore du Centre Etoile, qui devrait ouvrir ses portes dès 2016. Implanté à Lyon, l'établissement sera le premier centre de recherche français en hadronthérapie.

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