Lyon - Grenoble : des intérêts communs

Interview croisée des deux maires sur les échanges entre les deux villes.

Gérard Collomb, maire de Lyon

« Une même préoccupation »

Quel bilan dressez-vous des relations entre Lyon et Grenoble ?

 

Que ce soit dans les domaines économiques, universitaires ou de recherche, les coopérations sont réelles, et se renforcent actuellement. Avec d'une part l'infectiologie, les sciences du vivant, la cancérologie et les échotechnologies à Lyon, et d'autre part les nanotechnologies à Grenoble, les deux agglomérations présentent une complémentarité qui leur permet de ne pas s'opposer. Elles ont toutes deux engagé des démarches de métropolisation, via la Région urbaine de Lyon (RUL) et le Sillon alpin, qui correspondent à une volonté et une nécessité de structurer le territoire. Cependant, ces deux ensembles pourront et devront coopérer, une fois qu'ils auront acquis davantage d'importance. Que partagez-vous avec Michel Destot ? Nous appartenons au même parti, nous sommes porteurs de la même sensibilité. De plus nous avons tous les deux une appétence commune pour les thèmes économiques. Nous partageons une vive préoccupation : celle de penser la Ville du XXIème siècle, en travaillant sur l'aménagement de l'espace urbain et sur le développement économique.

 

 

La multiplication des appels à projet dans l'enseignement supérieur engendre-t-elle une concurrence de fait ?

 

 

Non, puisque chaque pôle a son propre champ de compétences. Concernant la problématique de la valorisation, je suis favorable à la création d'une SATT à un niveau régional davantage qu'à un échelon d'agglomération. Concernant les PRES, ils n'ont pas suivi les mêmes modèles de développement. Le PRES grenoblois est davantage concentré, alors que le PRES lyonnais se distingue par son aspect diversifié. Ce dernier est essentiellement tourné aujourd'hui vers son processus d'organisation interne - et il y a déjà beaucoup à faire dans ce domaine. La création de liens avec d'autres universités viendra dans un second temps. Ce qui ne veut pas dire que la coopération est inexistante : ainsi le projet Lyon Tech doit-il être réalisé en partenariat avec le CEA.

 

 

Michel Destot, maire de Grenoble

« La hache de guerre a été enterrée en 1995 »

Quel bilan dressez-vous des relations entre Lyon et Grenoble ?

 

 

Un bilan positif, ce qui n'a pas toujours été le cas. D'un point de vue historique, Lyon a été une grande ville à puissance administrative et financière. Etant enclavée au cœur des montagnes, Grenoble a été davantage marquée par le goût d'entreprendre. Chacun jalousait un peu l'autre. Il y avait un peu de prétention intellectuelle du côté de Grenoble et une certaine volonté de puissance du côté de Lyon. Nous avons enterré la hache de guerre entre nos deux cités en 1995, lors de ma première rencontre avec Raymond Barre, alors maire de Lyon, à qui j'avais demandé audience, au lendemain de mon élection.

 

 

Cette entrevue a été extraordinaire. Quelles coopérations avaient ainsi pu naître ?

 

 

Nous avions décidé de mettre en commun nos pôles technologiques. Nous avions notamment imaginé une agence du développement numérique à Grenoble et une agence de développement des sciences du vivant à Lyon, avec des échanges permettant de profiter de cette fertilisation croisée. Nous avions convenu que Lyon-Satlos devant être le troisième aéroport international de France, il devait être baptisé Saint-Exupéry, afin de montrer que c'était l'aéroport de toute la région. Nous avons ainsi aujourd'hui deux aéroports complémentaires : celui de Saint-Exupéry, devenu troisième pour les liaisons internationales, interconnecté aux réseaux ferroviaires et autoroutiers, et Grenoble Saint-Geoirs, en plein développement dans le low cost, qui, lui, vient en renfort pour le tourisme. Enfin nous souhaitions profiter du Lyon-Turin pour réaliser une étoile ferroviaire de fret et de lignes à grande vitesse assurant les liaisons entre Lyon, Grenoble, Chambéry, Annecy et l'Italie. C'est ainsi qu'est né le réseau des huit grandes villes de Rhône-Alpes.

 

La concurrence a-t-elle vraiment laissé place à la coopération entre les deux villes depuis ?

 

 

Lyon et Grenoble ont appris à s'entendre sur l'essentiel et notamment sur un intérêt supérieur. On s'aperçoit d'ailleurs que Rhône-Alpes est en tête de très loin dans les réponses aux premiers appels à projet lancés dans le cadre des Investissements d'avenir : les laboratoires et instituts de recherche lyonnais et grenoblois ont obtenu d'excellents résultats, pour partie dans les projets où ils se sont associés.

 

Par ailleurs, les rapports entre les maires, mais aussi entre les responsables d'universités et d'entreprises sont allés dans le bon sens. Dans quels domaines aspirez-vous à une intensification des liens ?

 

D'abord dans les transports : au-delà de la carte Oùra, lancée par la Région, il faut absolument augmenter les liaisons ferroviaires, les réseaux locaux étant saturés. Les projets de nœud ferroviaire lyonnais et de contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise pour le fret, le Lyon-Turin, la ligne Paris-Orléans-Clermont-Lyon et les programmes de lignes à grande vitesse contribueraient à la desserte du bassin grenoblois. D'où notre combat pour le TGV entre Lyon et Grenoble. Quant au Lyon-Turin, il n'avance malheureusement pas assez vite. Les financements n'arrivent pas, ni aux plans nationaux, en France et en Italie, ni au plan européen. De même, la réalisation de l'étoile ferroviaire grenobloise participera à la décongestion des voies ferrées sur le bassin lyonnais. On doit aussi pouvoir augmenter le nombre d'actions communes sur le plan culturel, comme les retransmissions de l'opéra de Lyon sur grands écrans à Grenoble, durant l'été. Dans le lyrique, qui coûte très cher, il faut davantage de coopération entre la maison de la culture de Grenoble, l'opéra de Lyon et peut-être le Grand théâtre de Genève. Nous pourrions même envisager des échanges d'expériences sur le plan social, en particulier dans le cadre de la politique de la ville, mais aussi dans les domaines du logement et de l'accueil des étrangers, notamment des sans-papiers.

 

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