Le couple Lyon-Grenoble vit en union libre

Les deux édiles Gérard Collomb et Michel Destot peuvent soutenir le contraire, mais quinze ans après la création du Réseau des villes, « anoraks grenoblois » et « quenelles lyonnaises » ont perdu de leur enthousiasme à coopérer.
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Une « complémentarité » socle de véritables liens de coopération, « au service de la Région » : à écouter plusieurs acteurs économiques et politiques rhônalpins, c'est ainsi qu'on peut décrire les relations nouées entre Grenoble et Lyon. Sur le papier, les arguments plaidant pour une proximité des deux villes sont nombreux, à commencer par la couleur politique des deux maires, tous deux encartés au PS. Les édiles évoquent leur appartenance à une « même génération » et parlent de leur « conception commune de la vie politique ». L'un (Michel Destot) est président de l'Association des maires des grandes villes et l'autre (Gérard Collomb) de l'Association des communes urbaines de France. Tous deux étaient également appelés à soutenir Dominique Strauss-Kahn dans la perspective des Présidentielles - « l'affaire DSK » bouleverse la donne au sein du PS, et particulièrement l'avenir de Gérard Collomb désormais potentiellement candidat aux primaires -. Pourtant, sur le plan politique, d'importantes forces centripètes menacent le rapprochement de Lyon et Grenoble. Dans le sillage de la réforme territoriale votée en 2010, les deux agglomérations se sont engagées dans un processus de métropolisation vécu à la fois comme vital et irréversible. Deux pôles sont ainsi en train de se constituer : le premier est formé du Grand Lyon, de Saint-Etienne métropole, de la Capi (Communauté d'agglomération porte de l'isère) et du Pays viennois. Un ensemble qui regroupe, sur 1600 km2, 139 communes, soit près de deux millions d'habitants - 33% de la population de Rhône-Alpes. Un syndicat mixte consacrant cette alliance devrait d'ailleurs voir le jour l'hiver prochain, et une Conférence économique métropolitaine pourrait être installée. Une quinzaine de « projets métropolitains » à mettre en œuvre dans des domaines divers (économie, culture, déplacements, aménagement) a déjà été listée en février 2010. Dans le même temps, face à cette recomposition de la région lyonnaise, on satisfait aussi à la montée en puissance du fait métropolitain plus à l'Est. La mise en place du Sillon alpin, comprenant Grenoble, la Métro, Valence, Chambéry, Annecy et Annemasse, est dans tous les esprits. « La première réunion s'est tenue il y a deux mois, indique Michel Destot. Une prochaine rencontre est prévue à l'automne pour définir les compétences de ce pôle, avec l'idée d'une cohérence territoriale ».
Pourtant, les deux villes n'en sont pas au même stade dans leur processus de métropolisation. L'intercommunalité se révèle plus compliquée sur le pôle grenoblois, parti plus tardivement, alors que Lyon bénéficie de l'autorité de la Région urbaine de Lyon (RUL). Par conséquent, les contours de la zone métropolitaine grenobloise demandent encore à être précisés. Certains redoutent toutefois cette métropolisation « à marche forcée », qu'ils jugent quelque peu rapide : « Le problème spécifique à Grenoble est celui d'une ville relativement petite (160 000 habitants sur une agglomération de 450 000) qui veut se mesurer aux grandes et notamment à l'étalon lyonnais » tranche Olivier Bertrand, conseiller général et conseiller municipal de Grenoble (Europe Ecologie les Verts). A Lyon, la métropolisation est facilitée par la « double casquette » de Gérard Collomb, à la fois maire de Lyon et président du Grand Lyon, alors que Michel Destot n'est « que » le maire de Grenoble.

Enlisement du Lyon-Turin

L'un des risques est bien que ces deux ensembles métropolitains se regardent en chiens de faïence. « Il peut y avoir la tentation d'un repli chacun sur soi », confirme Jean-Louis Gagnaire, qui considère toutefois que son devoir de vice-président à la Région chargé du Développement économique de « faire en sorte que ces pôles fonctionnent ensemble, les sorts des deux agglomérations étant intimement liés ». Pourtant, si cette coopération est effective lorsqu'elle relève de l'informel et émane du terrain, notamment dans le domaine de la recherche et du développement économique (lire plus loin), elle patine encore et toujours au niveau institutionnel. Ainsi Grenoble ne participe pas au GIP Mipra (Mission ingénierie et prospective Rhône-Alpes), qui se revendique pourtant comme le premier Groupement d'intérêt public d'aménagement du territoire en France. Par ailleurs, les liens tissés entre les agences de développement économique - au nombre d'une cinquantaine dans la région - manquent encore de densité. Même si Erai (Région Rhône-Alpes), l'Aderly (agglomération lyonnaise) et l'Aepi (Isère) ont signé certains accords en vue d'une stratégie commune. Le développement des pôles métropolitains peut exacerber la rivalité entre ces agences dans la course aux projets d'investissement. La Région, via Erai, doit-elle se poser en arbitre ? La question reste ouverte. Un temps mis en avant, le Réseau des villes créé en 1997 par les maires des huit « villes-centre » des grandes agglomérations de Rhône-Alpes, est aujourd'hui complètement absent du débat. Même si la vocation de cette structure a toujours été le partage et l'échange de bonnes pratiques, et non l'opérationnel, la dynamique commune s'est essoufflée. « Nous nous voyons régulièrement, assure le maire de Lyon Gérard Collomb. Ce réseau sert à peser sur des dossiers communs, comme le Lyon-Turin par exemple ». Bel exemple de projet aujourd'hui caractérisé par son enlisement.
L'émergence en Rhône-Alpes de pôles métropolitains pose de nombreuses questions, dont celle de la légitimité et de la représentativité démocratiques de ces organes de gouvernance. Saint-Etienne n'est plus là aujourd'hui pour jouer le tiers dans le couple Lyon-Grenoble. L'agglomération stéphanoise succombe en pleine connaissance de cause à l'attraction lyonnaise, du moins pour ce qui concerne l'enseignement supérieur et la recherche. Une « nouvelle rencontre » entre Lyon et Grenoble est-elle possible ?

 

 

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