Quand le bâtiment se prépare au "BIM-bang"

La montée en puissance du Building information modeling (BIM), une nouvelle organisation des chantiers basée sur la généralisation de la technologie 3D, venue des pays anglo-saxons, oblige les acteurs du bâtiment à adopter de nouvelles façons de faire. La promesse ? Des gains de temps et d’argent, in fine de compétitivité. De quoi fragiliser les petites entreprises dans les appels d’offres, au profit des grands groupes qui ont les moyens d’entamer cette transition ?

Imaginez une maquette en 3D permettant de modéliser n'importe quel bâtiment dans ses moindres recoins et de réaliser autant de simulations que d'interrogations liées à la construction d'un édifice du plus petit au plus grand. Convaincus qu'un tel outil faciliterait la communication entre les différents corps de métier et permettrait d'anticiper les problèmes qui surviennent au fil de l'avancée des travaux, les acteurs du bâtiment, bien aidés par les nouvelles technologies, ont donné naissance à la technologie BIM (Building information modeling).

Outre Atlantique et dans les pays anglo-saxons, le BIM est désormais la règle, mais en France, il tarde à s'imposer. Pourtant, l'issue ne fait plus de doute, le BIM devient peu à peu le modèle selon lequel seront conçus et gérés tous les bâtiments.

Pas d'hostilité, mais du temps

Si ce point a pu faire débat, il est désormais acté dans les rangs des acteurs du BTP. Mais la prise de conscience a été longue et la mise en pratique menace de l'être plus encore.

"Chez les majors du secteur, le processus est lancé. Dans les ETI on commence à avoir une bonne appréhension de ce modèle, mais dans les PME le processus n'en est qu'à ses débuts et dans les TPE, on en est encore loin", expose Gilles Couteix, président de la fédération du BTP du Rhône.

L'organisation patronale demande donc du temps.

"La mise en place du BIM nécessite beaucoup de formation, une nouvelle organisation du travail et des investissements. Notre volonté est d'amener le plus grand nombre d'entreprises à cette pratique donc il faut que chacun puisse y aller à son rythme", plaide Gilles Courteix.

Se hâter lentement...

Le message est entendu, puisque si un temps, il avait été envisagé de généraliser cette pratique dès le 1er janvier 2017, désormais, plus personne, y compris au gouvernement et à la Commission européenne, ne fixe d'échéance. Cette dernière recommande toutefois de pousser le BIM dans les marchés publics dès l'an prochain, mais les collectivités sont encore hésitantes.

Cette lenteur n'est pas pour déplaire à la Fédération du BTP.

"En allant vite, les maîtres d'ouvrage prennent le risque de devoir se priver de compétences, à tout le moins d'avoir moins de choix car toutes les entreprises ne pourront pas utiliser le BIM du jour au lendemain", prévient Gilles Courteix.

Difficile d'avoir une vision précise, mais les appels d'offres publics obligeant à utiliser le BIM peinent à s'imposer. En Auvergne Rhône-Alpes, le Conseil régional fait figure de pionnier. En effet, tous les appels d'offres concernant la rénovation des lycées sont au diapason du BIM depuis 2015.

A la métropole de Lyon, le cheminement vers le BIM est en cours :

"Pour les bâtiments sur lesquels nous sommes maître d'ouvrage comme le futur immeuble du centre international de recherche contre le cancer qui sera implanté à Gerland, nous imposons le BIM dans nos appels d'offres. En revanche, lors des consultations de promoteurs, ce n'est pas une exigence que nous posons pour l'instant puisque c'est le promoteur qui contractualise avec l'agence d'architecte", explique Michel Le Faou, VP en charge de l'urbanisme, de l'habitat et du cadre de vie à la Métropole de Lyon.

Evolution, mais pas révolution

Même si les échéances s'éloignent, le BIM s'imposera. Les acteurs du BTP sont donc à pied d'œuvre. Les actions de sensibilisation et de formation se multiplient. "Il faut  aussi dédramatiser le BIM qui intrigue. Jusque là, nous travaillions avec des plans, demain, nous aurons des maquettes en 3D. Ce n'est pas une révolution", assène le président du BTP Rhône-Alpes. Une analyse confirmée par Clément Mabire, directeur de la plateforme d'innovation collaborative Astus.

"Le véritable changement se situe sur le champ de la communication. Le BIM impose de créer une base de données regroupant toutes les informations techniques d'un bâtiment. C'est donc une pratique collaborative qui s'appuie sur des outils numériques. Or jusque-là, le dialogue entre maîtrise d'œuvre et maîtrise d'ouvrage a toujours été limité, voire compliqué", confesse-t-il.

Il va donc falloir commencer par mettre autour d'une même base de données tous les acteurs d'un projet immobilier : de l'architecte au peintre en passant par les bureaux d'études techniques. Outre la communication verbale, le langage des bases de données pourrait aussi poser problème. Pas en théorie,  puisque les acteurs du bâtiment préconisent l'utilisation d'un format de fichiers ouvert permettant à chacun d'adopter un langage commun pour entrer ses données et donc les partager aisément. Mais le BIM étant promis à une expansion rapide, les éditeurs de logiciels rivalisent d'offres qui parfois n'utilisent pas ce langage commun.

C'est pourquoi  les organisations professionnelles et d'autres acteurs de la formation spécialistes du BTP proposent des sessions de formation visant à former les entreprises au BIM, mais aussi d'abord à informer et prévenir d'éventuelles déconvenues.

Valeur ajoutée

Une fois les craintes levées, le BIM semble faire ses preuves. "Ce type d'organisation permet de faire gagner du temps", assure Clément Mabire, convaincu que le BIM est un vecteur puissant d'innovation technique et architecturale. "Le BIM permet de simuler la construction et le comportement d'un bâtiment. Et lorsque l'on anticipe les risques, on peut être plus audacieux, puisque l'on peut tester ses idées sans être dangereux et à moindre coût sous forme virtuelle, en amont de la construction. On peut aussi simuler des scénarii technico-économiques", ajoute-t-il.

Plus prudents les professionnels entrevoient néanmoins des avantages.

"On nous parle d'une économie de 8 à 10% sur les coûts de construction. Pourquoi pas car on devrait pouvoir mieux évaluer les quantités de matériaux nécessaires", avance Gilles Courteix.

Par ailleurs, certaines pratiques encore de mise dans l'univers du bâtiment devraient définitivement passer aux oubliettes, parce que les simulations permettront en amont de la construction de trouver la solution optimale. Sans compter les gains en maintenance puisque les équipements installés auront, là encore, été préalablement virtuellement testés, comme les comportements thermique, phonique et autres de l'immeuble ou de la maison.

Le schéma serait presque idyllique, mais si le BIM permet de réaliser des gains, il a aussi un coût. Les entreprises, des architectes aux constructeurs et artisans, vont devoir d'une part s'équiper de logiciels, mais aussi pour beaucoup, de compétences capables en amont de produire les plans BIM. Egalement d'assister aux réunions de coordination entre tous les corps de métier et de suivre les réalisations. Ces "BIM manager", profils rares et de plus en plus convoités ont semble-t-il de beaux jours devant eux. A tel point que de plus en plus d'organismes de formation proposent désormais cette spécialisation.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.