Pouvoir, argent, intérêts : l'univers impitoyable de la montagne

L’intérêt grandissant des instances de contrôle et de la justice envers la gestion des stations de ski, où plusieurs dysfonctionnements, irrégularités et parfois atteintes à la probité ont été signalés, alimente le mythe d’un territoire montagneux dénaturé par l’or blanc et ses millions. Mais si la montagne ne fait ni exception ni cas particulier à la "tradition" des risques de conflits d’intérêts en France, elle y est confrontée à sa "manière", dans différents interstices. Derrière ce que d’aucuns assurent être un fantasme, se révèlent des questions plus précises. Et interrogent in fine sur le rapport de la France centralisée avec ses territoires périphériques et ses édiles, souvent isolés, confrontés parfois à des intérêts et des enjeux qui les dépassent. Des maires ou des élus qui peuvent dans certains cas franchir la ligne blanche.
(Crédits : Kanellos Kob)

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Mi-février 2018. Dans la froideur de l'hiver isérois, le tribunal de grande instance de Grenoble condamne l'ancien maire de Saint-Pierre-de Chartreuse, le bouillonnant Yves Guerpillon - déjà sanctionné définitivement pour diffamation en 2016 -, à quatre mois de prison avec sursis pour délit de favoritisme. Ce jour-là, dans la même affaire, la Cour condamne l'entrepreneur Jean-Michel Mellet à deux mois avec sursis pour prise illégale d'intérêts. Ce patron d'une société de BTP spécialisée dans les travaux de montagne occupe fin 2011, via la SARL La Prairie, la direction d'exploitation de la station, par une délégation accordée par le Sivu, le syndicat qui chapeaute les remontées mécaniques de la commune.

En 2012, une convention est passée entre Jean-Michel Mellet et le Sivu, présidé alors par le maire, lui proposant un contrat en mi-temps annualisé, qu'il cumule avec le poste de directeur général de sa société de travaux. Cette proximité se matérialise par des commandes accordées par le syndicat à l'entreprise de Jean-Michel Mellet. Dans son jugement, relaté par Le Dauphiné Libéré du 15 février, le tribunal relève pas moins de 191 079 euros de factures passées entre 2013 et 2014 qui n'ont pas fait l'objet d'une mise en concurrence, pourtant obligatoire au regard des montants.

"Manquement à la déontologie"

La juridiction relève, toujours selon le quotidien régional, que le tandem a accordé à cette même société le marché du démontage et remontage du télésiège de Fraisse, pour une somme cumulée de 746 660 euros. En laissant seulement une vingtaine de jours ouverts au dépôt des candidatures des prestataires, l'appel d'offres du remontage avait été jugé trop "restreint" par la chambre régionale des comptes (CRC) Auvergne-Rhône-Alpes.

Les magistrats avaient alors signalé au procureur général de Grenoble des irrégularités qui pouvaient relever du pénal. Le cas de ce village-station, d'à peine 1 000 habitants, n'est pas sans rappeler une autre affaire qui avait défrayé la chronique en 2016. Morzine-Avoriaz, commune de 3 000 âmes, avait alors été critiquée par la chambre régionale des comptes pour de "nombreux cas de conflits d'intérêts ou des manquements à la déontologie".

Un nouveau signalement avait été effectué par l'instance de contrôle auprès de la juridiction de l'ordre judiciaire. Selon nos informations, une instruction est actuellement menée par le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie), sous la responsabilité du procureur, Philippe Toccanier.

Fantasmes

Saint-Pierre de Chartreuse, Morzine, Tignes, Val-d'Isère, autant d'exemples retentissants qui pourraient, vus de l'extérieur, laisser croire que la montagne et son or blanc - qui génère sept milliards d'euros de chiffre d'affaires global en 2017 et 95 000 emplois induits pour la seule région Auvergne-Rhône-Alpes - serait un espace propice aux irrégularités. Ce mythe autour des territoires de massifs, silencieux, enclavés, où les liens sociaux, politiques et économiques s'entremêleraient, ce « vase clos » où les affaires se règleraient en famille, est-il justifié ? Relève-t-il, au contraire, du fantasme ?

"Ces situations, qui peuvent à la marge sortir du cadre légal, ne concernent pas uniquement la montagne, et se retrouvent dans d'autres villages et villes françaises, ainsi que dans des zones touristiques à l'instar du bord de mer. Globalement, comparés à ce que j'ai pu connaître en Corse ou à Marseille, ces territoires sont sains. Les élus sont, dans la grande majorité, respectueux des lois", tempère le procureur général de la Cour d'appel de Grenoble, Jacques Dallest.

"Nos investigations judiciaires ne relèvent pas l'existence d'un système établi de corruption. Mais comme dans toute zone où l'argent afflue, des barrières éthiques et morales peuvent tomber", poursuit le représentant du ministère public.

"Nos travaux de contrôle ne révèlent pas plus de faits d'atteinte à la probité dans les communes-stations que dans les autres collectivités, mais nous constatons davantage d'irrégularités de gestion. Notons qu'un défaut de compétences techniques n'entraîne pas automatiquement - loin de là même - un comportement délictueux.

Ce sont des choses totalement distinctes. Le manque de probité relève davantage d'un itinéraire individuel que de défaillances techniques. Il existe tout de même des risques objectifs en termes de gestion dans ces territoires », analyse Denis Larribau, procureur financier dirigeant à la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes.

C'est notamment grâce aux travaux des chambres territoriales que ces cas d'irrégularités, ou dans une moindre mesure d'atteinte à la probité, sortent de l'ombre. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, cette mise en lumière est particulièrement liée à la politique de l'institution, qui de façon collégiale et sous l'impulsion de son ex-présidente Catherine de Kersauson, avait ciblé ses contrôles sur les organismes et collectivités des stations de ski et ceux du spectacle vivant.

Pas seulement des communes de sports d'hiver

Parallèlement à ces "spécialisations", les juridictions financières ont arrêté en 2012 quatre axes prioritaires, dont la lutte contre les atteintes à la probité. Conséquence de l'actionnement de ces deux leviers, les signalements aux instances judiciaires se sont multipliés sur l'ensemble du territoire national. Depuis 2014, sur le territoire Auvergne-Rhône-Alpes, 25 ont été menés par la CRC. Le rythme est proche, désormais, d'une dizaine par an, contre deux à cinq jusqu'en 2012, mais tous ne concernent pas les communes de sports d'hiver.

"Ces résultats s'expliquent par l'amélioration de notre méthodologie, et par le fait que nous prêtons davantage attention à ces questions liées à la probité, ainsi nous trouvons plus de dysfonctionnements à ce niveau", commente Denis Larribau.

Une orientation aussi à mettre en miroir avec le vent d'exaspération exprimé par l'opinion publique face aux défauts de probité de certains édiles, des comportements certes minoritaires.

"Ce qui était probablement justifié à une époque ne l'est plus forcément aujourd'hui, analyse Stéphane Sacquépée, président d'Anticor Rhône. Il est toujours bien de remettre un système à plat pour le corriger."

"Sociétés montagnardes"

Quelle est donc la particularité de ces "sociétés montagnardes", comme les nomme le sociologue Denis Laforgue ? Quels sont ces fameux facteurs risques évoqués par le procureur financier Denis Larribau, ou encore ces "zones de liberté, mais non de non-droit", avancées par le maire des Deux Alpes, Pierre Balme ?

Si en in le discours se veut non alarmant, certains hauts fonctionnaires et chercheurs font état, lorsque le micro se coupe, d'une certaine "originalité" savoyarde. Si la montagne ne fait ni exception ni cas particulier à la « tradition » des conflits d'intérêts en France, elle participe, à sa "manière", dans différents interstices - en lien avec son particularisme social, économique, historique - à placer la France en 23e position sur 180 du classement 2018 de Transparency International.

"Toute situation actuelle s'explique par sa trajectoire, encore plus dans les stations de montagne. Il faut donc juger chacune d'entre elles à l'aune de son contexte propre", met toutefois en garde Boris Bourgel, doctorant à l'Université Savoie-Mont-Blanc (IREGE), auteur d'une thèse à soutenir sur "De la performance globale à son management par les parties prenantes : le cas des stations de montagne".

L'une des raisons qui peut expliquer certaines irrégularités est liée à la concentration des intérêts économiques et politiques au sein d'espaces territoriaux, administratifs, et de vie restreints.

"Les stations sont plus que des entreprises. Ce sont des territoires politiques, économiques, sociaux, etc. Toutes ces sphères, et les gens qui les composent, s'entremêlent", poursuit Boris Bourgel.

Lire aussi : Jean-Noël Hours, l'exemple de la concentration d'intérêts

De plus, les responsabilités, les charges et les enjeux peuvent être importants alors que les moyens - humains et organisationnels - sont souvent limités, "même si cela n'entraîne pas forcément un risque de probité, mais davantage en termes de gestion", rappelle un magistrat.

En effet, certains villages-stations gèrent des budgets élevés tout en assurant un éventail large de compétences administratives (immobilier, promotion touristique, etc.). Par exemple, le budget consolidé 2017 de Val-d'Isère était de 56,9 millions d'euros pour... 1 583 habitants (recensement Insee 2015).

"Ces montants et ces enjeux devraient supposer un niveau de structuration relativement important. Lorsqu'un organisme est petit, il ne peut pas présenter autant de garantie de contrôle. Cette garantie repose alors sur des compétences individuelles qui peuvent varier considérablement d'un individu à l'autre", analyse un expert souhaitant rester anonyme.

Dans un contexte de mutation industrielle, ces communes doivent composer - en plus de leur gestion publique - avec des partenaires privés, ultra-compétents et au fait des réalités économiques, notamment dans le cadre des concessions de remontées mécaniques. Un décalage qui peut entraîner des situations de déséquilibres commerciaux. Mais, également, l'édile fait face à d'autres corporations, à l'instar du puissant réseau de l'École de ski français (ESF), chapeauté par le tout aussi puissant Syndicat national des moniteurs de ski français (SNMSF) et son omnipotent président, Gilles Chabert (voir n° 134 d'Acteurs de l'économie-La Tribune).

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"L'élu peut être dans une position de faiblesse structurelle, et face à de nombreux intérêts et compétences qui le dépassent, peut faire preuve, en plus, de faiblesse personnelle", illustre Nicolas Kada, codirecteur du Centre de recherches juridiques et professeur en droit public à l'Université Grenoble-Alpes.

"Posture schizophrénique"

Au cœur de ces concentrations de pouvoir - et des risques - se trouverait donc la figure du maire.

"Dans les stations que nous avons étudiées, il est apparu que le premier élu est légitime pour être le pivot, l'acteur central des communes-stations : il a légalement des compétences larges pour agir ; il a aussi, et de facto, une légitimité démocratique", précise Boris Bourgel.

En outre, le maire peut être un acteur économique à part entière. "De base, il est un entrepreneur. Il doit créer, imaginer, et promouvoir les atouts de sa commune", explique Jean-Pierre Rougeaux, maire de Valloire élu depuis 2014, artisan-traiteur dans la station depuis « 22 ans ». Si la réalité économique - et le pragmatisme - peuvent expliquer une multiplication des casquettes chez le premier édile, des risques sont possibles.

"Dans de nombreuses stations, la position du maire est schizophrénique. Il veut et doit porter l'intérêt général, tout en étant soumis à des pressions et des intérêts parfois divergents et des besoins en compétence grandissants", résume Emmanuelle George, directrice de l'unité Laboratoire écosystèmes et sociétés en montagne à l'IRSTEA.

Retour à Morzine. L'étude de cas de cette commune relève d'un « itinéraire singulier », isolé, mais éclaire cette position « schizophrénique » de l'édile qui peut être potentiellement à risque. À la tête de la commune depuis 2010, et réélu en 2014 avec 100 % des voix, le maire Gérard Berger (DVD) est également entrepreneur. Il était, lors du contrôle de la chambre territoriale, administrateur (depuis 2003) et actionnaire de la société anonyme Téléphérique du Pléney. Celle-ci exploite les remontées mécaniques du domaine de Morzine-Avoriaz à travers une délégation de service public accordée par la municipalité. La chambre notait dans son rapport d'observation définitif de 2016 :

"Le maire siège à son conseil d'administration (de la SA, NDLR) à titre personnel, et donc a priori pour y défendre des intérêts individuels, la commune ne pouvant être ni représentée dans une société anonyme, ni actionnaire."

Si la situation du maire, actionnaire de son entreprise, à laquelle il confie des contrats municipaux de la commune qu'il dirige, peut apparaître a minima maladroite, la chambre dénonce dans un deuxième temps le caractère "intéressé du maire". En d'autres termes, il aurait joué de ses positions de décideur public pour assurer ce contrat à son entreprise. "Il ressort par ailleurs des délibérations du conseil municipal que le maire actuel est intervenu de manière déterminante dans les négociations qui ont eu lieu entre la commune et la SA Téléphérique du Pléney." La justice s'est saisie de ce cas de figure et une instruction est en cours.

Garde-fous

"Ceux qui cumulent les casquettes de maire et d'agent économique peuvent être confrontés à des complications. Les citoyens identifient ce personnage sous ses deux statuts. Mais dans un environnement de prise de décision aussi complexe qu'une station de ski, la logique voudrait que les rôles soient clairement séparés. Que se passe-t-il lorsque la légitimité d'un maire multi-casquette n'est plus assurée ?", s'interroge un chercheur, faisant référence à un cas particulier, mais qui a souhaité rester anonyme.

À Valloire, le premier magistrat de la commune a décidé de mettre en place des "garde-fous".

"C'est effectivement tentant de cumuler des fonctions décisionnelles politiques et économiques. Nous pouvons avoir l'impression que cela fonctionnera mieux. Mais c'est un travers », tranche le maire.

"Par exemple, je suis le premier maire à avoir refusé de présider, et même de siéger, au sein de la société d'économie mixte (SEM) qui gère les remontées mécaniques du domaine skiable", affirme Jean-Pierre Rougeaux. Contactée, la SEM, qui appartient à 62 % à la commune et qui affiche un chiffre d'affaires de 12,8 millions d'euros pour 2016, confirme qu'il n'occupe aucune fonction au sein de la structure.

Si le caractère "intéressé" des édiles est tout de même un fait rare épinglé par les organismes de contrôle, le franchissement potentiel de la ligne blanche peut, semble-t-il, être parfois insidieux, voire involontaire.

Dans son jugement concernant le maire de Saint-Pierre-de-Chartreuse, le juge met en avant le caractère de la "bonne foi" des condamnés, qui avaient notamment plaidé la "méconnaissance" de certains rouages administratifs. "J'ai fait ça pour aider et je m'en mords les doigts", assurait l'entrepreneur condamné, Jean-Michel Mellet, au Dauphiné Libéré. L'avocat du maire ajoutait au sujet du chef d'entreprise : "Il l'a fait pour la station et pour le tissu économique. "

"À la montagne, les lois citadines ne font pas racines"

Cette déclaration symbolise le risque de défaillance de certains élus montagnards (mais aussi de celle d'autres élus partout en France) dans la perception de l'intérêt public ; et le cas échéant, les moyens pour le mettre en œuvre.

"Dans l'immense majorité des cas, les élus veulent agir pour le bien commun et ne sont pas là pour s'enrichir personnellement. Certaines décisions politiques et économiques sont prises avec l'idée de dynamiser le tissu économique, dans une logique de pragmatisme et d'efficience économique, en pensant au bienfait que cela peut engendrer pour la station. Après, est-ce que cela est toujours fait dans le cadre strict de la légalité ? Disons que les Savoyards ne lisent pas forcément le Journal officiel", ironise un responsable judiciaire.

"Il a y toujours un entre-deux, entre la loi et le pragmatisme. Où est la frontière ? Quoi qu'il en soit, il faut respecter la règle", assure la députée de l'Isère Marie-Noëlle Battistel, également présidente de l'Association nationale des élus de montagne (ANEM). Car entre les lignes, se pose aussi et d'une façon générale la question de l'adaptabilité du cadre législatif à la spécificité de la montagne.

La prise en compte du particularisme des zones montagneuses est énoncée dans la loi montagne 1985, et dans sa révision du 28 décembre 2016 (loi Montagne 2). Dans son rapport d'information sur la mise en application de la loi Montagne 2, la représentante de la 4e circonscription de l'Isère souligne que "dans les faits, ce principe d'adaptation normative n'a jamais été mis en œuvre, par manque de volonté politique et par absence de définition des modalités réglementaires pertinentes". Avant de poursuivre : "Ces adaptations normatives sont essentielles au maintien d'une population pérenne dans les zones de montagne, au maintien d'activités économiques et touristiques, bref à l'attractivité de ces territoires où les contraintes naturelles sont plus importantes qu'ailleurs."

Le maire de Valloire résume ce récit administratif avec son sens remarqué de la formule : "Quand les lois sont d'origine citadine, à la montagne, elles ne font pas racines."

"Chambéry, capitale"

En filigrane apparaissent, aussi, les rapports entre l'État et les territoires savoyards, notamment.

"Les "montagnards" ont historiquement un ressenti de mise à l'écart par rapport à l'État. Cela s'explique évidemment par un facteur géographique, mais également par une perception historique", souligne Philippe Bourdeau, professeur à l'Institut de géographie alpine de l'Université Grenoble-Alpes.

Rappelons que les départements de la Savoie et de la Haute-Savoie sont issus du découpage du duché de Savoie, donné à la France en 1860 par le roi de Sardaigne Victor-Emmanuel II, prince de la maison de Savoie et futur roi d'Italie, en échange de l'aide de Napoléon III afin d'accomplir l'unité italienne. Des événements qui n'ont jamais enterré l'identité savoyarde.

"La logique de "pays" est encore très forte. Regardez, on parle encore souvent de "Pays de Savoie". Cela s'incarne par un fort sentiment d'appartenance avec l'idée que Chambéry serait la capitale", image, pour sa part, un connaisseur du territoire. "N'oublions pas, aussi, que dans certaines stations, des familles sont là depuis plusieurs générations parfois six ou sept. Un sentiment d'"on fait ce que l'on veut" peut donc s'installer", poursuit Philippe Bourdeau.

Un sentiment qui serait nourri par leur rôle de défricheurs. Certaines de ces familles - initialement travaillant la terre - ont façonné de leur main l'activité dans ces territoires à l'origine économiquement hostiles, bien avant le grand plan neige décidé par le gouvernement en 1964. "Les pionniers ont pris des risques, en lançant leur commerce, en utilisant leur terrain pour héberger les premières remontées mécaniques. Leurs visions et leurs perceptions ont contribué grandement à construire ces stations", rappelle le maire des Deux Alpes, Pierre Balme. "Leur implication aujourd'hui est à la hauteur de leur prise de risques politiques et économiques initiale", poursuit Emmanuelle George.

L'État a semble-t-il conscience de cette situation :

"Nous devons jouer un rôle de médiation auprès de ces acteurs, afin de faire bouger les mœurs et supprimer les risques d'irrégularités. Le préfet et les sous-préfets aident et conseillent lorsqu'ils sont sollicités. Nous sommes, à mon sens, dans une période de transition", assure un magistrat déjà cité.

Si tous ces processus - rapport de la chambre des comptes, action judiciaire, médiation étatique - doivent permettre de relever et/ou d'éviter les risques d'irrégularités, des zones d'ombre persistent, notamment sur la question des terrains et de l'immobilier. "L'urbanisme est l'une des extrêmes limites de contrôle des chambres régionales des comptes", explique un membre de l'institution. Le procureur général de Grenoble, alors en poste à Chambéry, avait notamment tenté de travailler sur les biens immobiliers acquis avec des fonds étrangers afin de remonter la piste de potentielles opérations de blanchiment d'argent, sans résultat probant.

Processus électoral

Si des faits pénaux graves ou de corruption n'existent pas (ou du moins s'ils ne sont pas révélés), cela serait, également, le résultat d'un contrôle social fort au sein de ces territoires.

"Sur la base de mes expériences en immersion en Haute-Romanche, je constate une vitalité démocratique importante. La taille des communes permet une interconnaissance, et donc une vigilance bienveillante entre citoyen et élu. Celle-ci n'empêche pas le conflit, bien au contraire. Mais c'est de celui-ci que peut naître un accord fructueux pour la démocratie locale. À travers cette porosité sociale et politique, les gens se sentent concernés, et cela peut limiter les comportements déviants", décrypte le sociologue de terrain Denis Laforgue.

Rien ne remplacerait, cependant, le processus électoral. "L'alternance politique est souvent un processus positif. Elle permet de réinterroger les pratiques et de les faire évoluer. Plus qu'à la justice, c'est aux électeurs de faire le ménage en cas de besoin. C'est le jeu démocratique", appuie le procureur général de Grenoble. Un jeu démocratique qui doit s'exercer en montagne comme partout dans l'Hexagone. Sauf qu'à Morzine, Gérard Berger, en dépit de son inéligibilité en 2014, occupe toujours le strapontin de maire.

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