Comment Roanne a fait du numérique une filière d'excellence

Inexistante il y a 20 ans, la filière numérique roannaise fait désormais jeu égal avec les secteurs traditionnellement pourvoyeurs d'emplois du territoire. Analyse.
Le Numériparc de Roanne
Le Numériparc de Roanne (Crédits : DR)

En 1997, Le Grand Roanne (aujourd'hui Roannais Agglomération) et la Chambre de Commerce et d'Industrie Roanne Loire Nord (devenue la CCI Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne) initiaient une filière numérique.

Vingt-et-un ans plus tard, ce secteur en pleine croissance (140 entreprises, 1 500 salariés) est devenu un acteur majeur du développement économique du territoire, complémentaire de filières plus traditionnelles que sont, selon les données URSSAF 2016, l'agroculinaire (157 entreprises, 1 683 salariés), le textile (78 établissements, 1 428 salariés) et la mécanique, armement et automobile inclus (158 établissements, 4 153 salariés).

Un Numériparc précurseur

Dès 2000, la collectivité inaugurait son Numériparc, bâtiment de 5 800 m2 à la fois pépinière et espace d'entreprises dédié à l'accueil et à l'accompagnement de néoentrepreneurs et de startups innovantes. Un acte emblématique de cette percée dans le numérique.

Offre locative attrayante, salles de réunion partagées, connexion internet très haut débit via fibre optique rare pour l'époque, cet espace de travail et d'échanges a trouvé son public - toutes les zones d'activité de l'arrondissement roannais ont accès à l'Internet très haut débit depuis 2016 et l'intégralité des foyers sera raccordée fin 2018.

Une soixantaine d'entreprises se sont succédé au sein du Numériparc depuis sa création. Vingt-quatre d'entre elles, bien que maturent, y sont toujours installées comme Altus Focus, concepteur d'un boîtier photo autonome exploité par les collectivités et les industriels, et dédié au suivi de chantiers en time laps, des prises de vues effectuées à intervalles définis permettant la réalisation de vidéos en accéléré.

"J'ai rencontré les quatre associés avec qui j'ai fondé Altus Focus au sein du Numériparc. Nous avons aussi bénéficié de conseils et de subventions après avoir répondu à des appels à projets identifiés grâce aux acteurs de la filière numérique présents sur le site", détaille Guillaume Pivot, cofondateur d'Altus Focus.

Initiateur d'une plate-forme multicanal permettant aux entreprises de mener en autonomie leurs campagnes de marketing direct (envoie d'e-mails, sms, mms, messages vocaux et courriers postaux), Spot Hit est également né dans le Numériparc roannais avant de lui préférer un loft qu'elle quittera fin 2018 pour des locaux en cours de construction (500 m2 avec extensions possibles sur 5 000 m2 de terrain).

En forte croissance (3 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2016, 4,6 millions d'euros en 2017, 7,5 millions d'euros de chiffre d'affaires prévisionnel en 2018), l'entreprise de 15 salariés a été fondée en 2010 par Pierre Poignot et Arnaud Hartmann alors âgés de 21 et 18 ans. Originaires de Grenoble et Rennes, ils ont été séduits par le roannais.

"Nous cherchions un compromis géographique qui nous convienne à tous les deux. Avec des prestations assez rares lors de notre lancement, comme la fibre optique, et des tarifs abordables, le Numériparc de Roanne a attiré notre attention. C'était aussi l'occasion d'évoluer au sein d'un pôle d'entreprises tournées, comme nous, vers le numérique. Le coût de l'immobilier local a été un atout au moment de nous loger. Une vie abordable, pas de bouchons, de bons restaurants, le confort de vie roannais est aussi un avantage", précise Pierre Poignot, cofondateur de Spot Hit

Support client et nouveaux entrants

Parmi les moteurs de cet élan numérique, figure également le groupe Eolen (450 salariés en France), spécialiste en conseil en ingénierie. Présente depuis 2013 à Roanne grâce à 68 salariés en délégation de personnel placés chez un client, l'entreprise va accentuer sa présence en inaugurant cet été un centre dédié à la cyber sécurité. 70 emplois vont être créés.

Lire aussi : Eolen ouvre un centre dédié à la cyber-sécurité à Roanne

C'est également le besoin d'un client, le leader européen de la transformation numérique Sopra-Steria, qui a motivé l'arrivée de Quantic Support sur le territoire. Depuis décembre 2017, ce spécialiste de la maîtrise des systèmes informatiques basé en région parisienne dispose d'une antenne roannaise (50 employés sur les 290 que compte l'entreprise). Elle collabore étroitement avec l'entité locale du groupe Sopra-Steria, inaugurée en 2006 et qui totalise désormais 300 salariés.

"Sopra-Steria Roanne a identifié des besoins auxquels nous pouvions répondre. Lors de notre prospection en vue de notre installation, nous avons bénéficié d'un accompagnement de la part de l'Agglomération dans la recherche de nos locaux. Les choix pertinents qu'ils nous ont soumis nous ont fait gagner un temps précieux. Et je constate que le bassin économique est plus vivant que ce à quoi nous nous attendions. Nous venons d'ailleurs de signer notre premier contrat avec une PME locale", détaille Roger Idiart, directeur associé de Quantic Support

Ses collaborateurs sont installés au sein d'un tout nouveau village d'entreprises. Ce site a vu le jour en décembre 2017 à l'initiative d'une autre entreprise numérique roannaise, l'éditeur de logiciels Avantage business.

Pour encourager ces implantations, l'Agglomération a mis en place une politique d'accompagnement des entreprises. Les projets créateurs de plus de 30 emplois nécessitant un investissement immobilier peuvent prétendre à une subvention de 1000 € par emploi créé.

En complément, des appels à projets lancés de manière ponctuelle favorisent les éco-investissements et l'accompagnement de start-up et d'entreprises en lien avec la transition numérique et la robotique (subventions complétées par un accompagnement gratuit de 18 mois par la CCI).

Roanne

Atouts et derniers obstacles

"Nous étions en retard sur les services et ce retard, nous sommes en train de le combler sans pour autant négliger l'industrie. D'ici 2020, grâce en partie au numérique, 1 800 emplois nets vont se créer sur notre territoire", affirme Yves Nicolin, maire de Roanne.

Pour lui, le développement du numérique s'inscrit dans un schéma global illustrant l'attractivité du territoire. L'édile cite comme atouts générateurs d'un regain d'intérêt pour le roannais l'autoroute A89 qui mettra l'entrée de Lyon à une heure de Roanne dès qu'elle sera totalement opérationnelle en juin 2018, la disponibilité de foncier à tarif encore attractif par rapport aux périphéries des grandes villes et la disposition géographique de l'agglomération au centre de la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes qui "ouvre de nouvelles perspectives de développement notamment dans le secteur de la logistique".

L'attrait du site auprès d'acteurs importants du secteur numérique est un encouragement pour Darcy Boungou-Tsoumou, fondateur en 2015 de DI-Analyse Signal. Le jeune homme de 35 ans originaire du Gabon est arrivé en France, à Roanne, en 2001. Il est aujourd'hui docteur en ingénierie mécanique. Via sa start-up (effectif actuel : 5 personnes), cet expert en surveillance des systèmes industriels a développé une plate-forme de maintenance prédictive sur-mesure pour l'industrie 4.0. Elle s'articule autour d'une intelligence artificielle qui estime l'espérance de vie restante des machines industrielles et qui prévient les pannes avant qu'elles ne surviennent. Cette technologie innovante labellisée Novacité - programme d'accélérateur des start-up à haut potentiel - a déjà séduit une dizaine de clients, PME, ETI et Grands Groupes, les noms de ces derniers étant contractuellement confidentiels.

"Nous travaillons au développement de l'entreprise et je tiens à ce que cela se produise à Roanne car la qualité de vie y est agréable pour ma famille. D'autant plus que nous évoluons dans un secteur ou le travail à distance est possible pour certains postes. Ma seule inquiétude est que nous allons être amenés à recruter des collaborateurs avec des compétences très pointues dans le domaine de l'intelligence artificielle. Nous serons en concurrence avec des entreprises installées dans de grandes villes. Il va falloir se montrer convaincant pour les attirer", analyse Darcy Boungou-Tsoumou.

Faire venir la "matière grise" est encore une des difficultés du territoire.

"Il faut un environnement favorable qui fait levier pour convaincre un cadre, son conjoint, sa famille de venir s'installer. L'effort entrepris dans l'accueil des entreprises doit donc être complété avec une offre en matière d'écoles, de commerces, de loisirs, d'animations culturelles...", détaille Yves Nicolin.

Le territoire dispose déjà d'atouts mis en avant à travers la marque assurant sa promotion au niveau national, Roanne Tout et Simplement. Il profite aussi d'un réseau d'Ambassadeurs lancé en 2015 qui rassemble près de 700 personnes (70% de chefs d'entreprises et de cadres) installées en France et à l'étranger. En parallèle, l'Agglomération veut postuler au plan national "Action cœur de ville" qui pourrait lui apporter 20 à 30 millions d'euros sur cinq ans pour, entre autres, revitaliser son centre-ville.

Lire aussi : Commerce : comment Roanne va métamorphoser son centre-ville

Reste qu'avec un taux de chômage de 9,3%, proche de la moyenne nationale, beaucoup de familles sont encore confrontées à des difficultés d'employabilité.

"Beaucoup de gens hésitent à se former à de nouveaux métiers mais je pense que l'on peut faire évoluer les mentalités d'ici cinq ans", précise le maire de Roanne.

Des entreprises comme Eolen et Quantic Support recrutent d'ailleurs leurs futurs collaborateurs roannais localement. Ils seront formés en interne. Ce message, les deux entreprises l'ont véhiculé à l'occasion du salon L'instant Numérique (1300 participants, 76 exposants, 18 ateliers et conférences...) dont la 4e édition se tenait le 1er février dernier.

Son but : aider les entreprises à trouver des réponses à leurs besoins de transition numérique tout en éclairant les habitants du territoire sur les nouvelles opportunités professionnelles offertes par le secteur. L'implantation prochaine à Roanne de Simplon, réseau de fabriques numériques et inclusives en France et à l'étranger, a d'ailleurs été annoncée lors de cet événement. L'antenne locale de cette école devrait offrir une trentaine de places.

De quoi aider l'Agglomération à poursuivre l'objectif de croissance de 2% par an fixé pour sa filière numérique.

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