Grand stade de l'OL, les doutes de Décines

Sur le papier, « le grand stade doit bénéficier à tous ». Mais les questions en suspens portant particulièrement sur les retombées économiques pour la ville hôte, Décines-Charpieu sont nombreuses. L’infrastructure doit, en effet, jouer un rôle de moteur sur cette commune de 26 000 habitants mais va-t-elle, réellement pouvoir en bénéficier ? Des incertitudes demeurent. Acteurs de l'économie-La Tribune revient cette semaine sur les enjeux de ce projet unique en France qui suscite crispations, inquiétudes et doutes.
A 20 kilomètres de Lyon, le futur grand stade de l'OL se dressera sur la commune de Décines-Charpieu.

Choisie après que différents sites d'accueil ont été étudiés, notamment ceux proches du Carré de Soie à Vaulx-en-Velin et du Puizot à Vénissieux - finalement écartés pour différentes raisons bien qu'il semblerait que les surfaces (moins de 20 hectares contre 51 pour le site retenu) aient été jugées trop petites pour bâtir un tel projet, et ce, malgré les dessertes routières et les lignes de transports en commun existantes - le Grand Lyon à l'époque fera donc la proposition (ou se serait vu imposer en vue d'une opération immobilière plus importante ?) du terrain du Montout, sur la commune de Décines-Charpieu, à l'Olympique Lyonnais, qui accepte.

Un choix que le groupe sportif justifie par plusieurs arguments :

« Maîtrise foncière publique importante, site inscrit depuis 1992 au Schéma directeur de l'agglomération lyonnaise (SDAL), superficie suffisante pour accueillir l'ensemble du programme souhaité, présence d'une ligne de transports en commun, etc. »

N'oubliant pas de mentionner qu'il s'agit d'un territoire « stratégique pour le futur développement de l'Est lyonnais ». Pierre Crédoz, maire PS de Décines de 1991 à 2012 et signataire du permis de construire, se souvient de cette opportunité bienvenue pour sa ville:

« Gérard Collomb puis Jean-Michel Aulas n'ont pas eu besoin de nous convaincre longtemps puisque nous avons très rapidement, mes adjoints et moi-même, tiré les conclusions positives d'un tel équipement. »

Mais derrière ces mots qu'en est-il réellement pour la commune de 26 000 habitants ?

« Je ne suis pas madame Irma »

Impossible pour l'heure d'avoir des chiffres précis sur ce qui rentrera dans les caisses de Décines - et des autres - tant que le stade n'est pas en service et que certaines décisions locales et nationales ne sont pas prises.

La Métropole de Lyon estime que l'infrastructure générera un produit fiscal total de 69 millions d'euros sur 20 ans pour les collectivités locales concernées, ainsi qu'un accroissement du PIB supérieur à 50 millions d'euros par an pour l'agglomération.

grand stade

Longtemps opposante au projet, la maire UMP, Laurence Fautra, élue en mars 2014, reste tout de même dubitative sur l'impact économique du grand stade sur son territoire :

« Je ne suis pas madame Irma pour savoir ce que nous allons récupérer. L'ancienne municipalité a fait croire à nos administrés qu'avec ce projet, ils seront riches. Pour l'heure, je vois uniquement les investissements que nous devons réaliser et ce que l'on nous impose, plus que les recettes générées. »

Et d'annoncer huit millions d'euros investis pour l'éclairage, la voirie, les espaces verts, etc., ainsi que des frais de fonctionnement annuels évalués à 1,2 million d'euros lors de l'exploitation du stade.

Montant revu à la baisse

Si la commune comptait récupérer 2,2 millions d'euros par an grâce à la taxe sur les spectacles, ce montant pourrait être sensiblement revu à la baisse depuis l'application, au 1er janvier 2015, de la TVA à 5,5 % sur la billetterie d'événements sportifs, souhaitée par Bruxelles.

« Comment supporter financièrement ce manque à gagner ? », prévient alors la maire, plaidant pour que l'État compense le solde. Un régime transitoire permettrait cependant à certaines collectivités, dont Décines, de profiter des revenus générés par l'Euro 2016, puisqu'elles pourraient continuer d'appliquer la taxe sur les spectacles jusqu'à la fin 2016.

De son côté, l'Olympique Lyonnais a répercuté, depuis le début de l'année, cette TVA sur le prix des billets d'entrée non sans une pointe d'amertume.

« S'il s'agit d'un manque à gagner pour Décines, pour le club, c'est aussi une majoration de charge supplémentaire qui n'existait pas auparavant », estime Jean-Michel Aulas.

Le président jugeant néanmoins « logique » que l'État intervienne auprès de la ville décinoise.

Quelle part du gâteau ?

La commune de l'Est lyonnais dont l'ancien joueur international Youri Djorkaeff est président du club de football s'inquiète également de son sort quant à l'enveloppe allouée par l'UEFA aux sites d'accueil de l'Euro 2016, d'un montant estimé à 100 millions d'euros pour la candidature lyonnaise, finalement ramené à... deux millions. Décines veut « logiquement » sa part du gâteau.

« Nous sommes la ville partenaire de Lyon puisque le stade est sur notre commune, il est donc normal que nous soyons pris en compte. »

Aucune décision n'a encore été actée, elle le sera en juin 2015, lors du vote du plan pluriannuel d'investissement (PPI) de la nouvelle métropole. Au quotidien Le Monde, Georges Képénékian, premier adjoint au maire de Lyon et vice-président du club des sites de l'Euro 2016, tenait à rassurer que « personne ne cherche à appauvrir Décines. Tout est sur la table. On va discuter, voir ce que cela coûte à chacun [...] ».

Chantier Grand Stade

Enfin quid de la répartition des 20 millions d'euros d'aides promises de l'État pour soutenir le projet lyonnais ? Ce dont la commune est certaine en revanche, c'est sur le montant récolté annuellement par la taxe foncière généré par le grand stade : environ 800 000 euros.

« Si nous avions construit un parc d'activités, la somme aurait été équivalente, il n'y a donc rien d'exceptionnel », contredit Laurence Fautra qui « ne lâche rien » sur ce dossier.

« Trois à quatre millions d'euros »

L'équipe municipale de Pierre Crédoz avait chiffré (prenant en compte à l'époque la taxe sur les spectacles) entre « trois et quatre millions d'euros » par an de revenus revenant à la ville soit, à l'époque, « notre recette d'investissement annuel », se rappelle-t-il. Là encore, la nouvelle élue doute :

« Nous ne connaissons pas les retombées, mais je ne suis pas certaine que ceux qui viendront au grand stade iront acheter leur baguette de pain dans une boulangerie du centre-ville, ni que des familles viendront s'installer à Décines parce qu'il y a le grand stade. Quant aux entreprises, elles iront directement dans le parc de l'OL. »

Dans son rapport de 2011, la commission d'enquête confirmait déjà les inquiétudes de Laurence Fautra :

« La commission reste sceptique sur l'importance des retombées économiques directes sur le commerce local. Elle ne nie pas qu'ici et là des activités commerciales puissent se développer, mais l'essentiel [...] c'est bien OL-Groupe qui devrait bénéficier en premier, et en majorité, des retombées économiques et financières des investissements consentis. »

Sur le volet de l'emploi, une convention partenariale a été signée le 30 juin 2011 entre la Foncière du Montout, le Grand Lyon, l'association UNI-EST et la mairie de Décines pour que l'emploi local et l'insertion professionnelle soient au cœur du projet pendant les travaux et durant la phase d'exploitation du stade.

« Aujourd'hui, nous entretenons de bonnes relations avec l'OL et nous sommes au-delà des clivages politiques », rassure tout de même l'élue.

Chantier Grand Stade

Autour, les communes espèrent majoritairement des répercussions, mais hors Métropole, l'avis semble plus mesuré. La communauté de communes de l'Est lyonnais - regroupant huit villes dont Colombier-Saugnieu qui abrite l'aéroport Lyon-Saint Exupéry -, proche du site, y voit « indéniablement un moteur, mais qui représentera simplement un petit plus puisque nous ne comptons pas dessus pour dynamiser un territoire qui l'est génétiquement grâce à l'aéroport, la future ligne Lyon-Turin ou encore la gare TGV », indique-t-on.

Doper le tourisme sur la Métropole

À la Métropole de Lyon, en revanche, pas de signes d'inquiétudes. Le stade des lumières représente le chantier de la décennie pour la collectivité présidée par Gérard Collomb.

« Projet majeur, le grand stade, ses équipements et ses activités connexes constituent un maillon essentiel de l'affirmation lyonnaise comme une métropole européenne de référence, dynamique et ouverte sur le monde », lit-on dans une plaquette de la collectivité.

Les retombées économiques sont pour l'heure liées directement et indirectement à la construction du stade avec un produit fiscal généré, au 19 décembre 2014, de 136 millions d'euros soit « 90 millions d'euros pour la TVA encaissée par l'État au titre des travaux réalisés ; 46 millions d'euros de charges patronales et salariales encaissées par l'Urssaf », souligne une note de la Métropole.

Les retombées directes du stade, en période d'exploitation, demeurent difficiles à estimer. Une étude de l'école EMLyon, de janvier 2007, et publiée dans le dossier du Projet OL Land, de la même année, permet cependant d'obtenir quelques données intéressantes de ce que pouvait rapporter Gerland, à sa grande époque, et donne une photographie basse de ce que pourrait générer le grand stade.

« Pour une fréquentation, à Gerland, de près d'un million de spectateurs pendant la saison 2005/2006, 30 millions d'euros ont été produits dont près de 10 millions de retombées directes soit quatre millions d'euros provenant des bars et restaurants, un million de l'hôtellerie et cinq millions de dépenses de transport. »

L'équipement devrait offrir au territoire une vitrine au rayonnement international, véritable outil touristique qui « pourrait attirer entre 370  000 et 475 000 visiteurs de plus sur le territoire chaque année », souligne-t-on à la Métropole de Lyon. Transformée en revenus, la collectivité évalue entre 37 et 47,5 millions d'euros de retombées annuelles pour la collectivité (100 euros de dépense en moyenne par jour et par touriste). Et voit dans la compétition de l'Euro, une manne supplémentaire.

>> A lire mercredi 4 mars : "Comment et par quels moyens, l'Olympique Lyonnais compte-t-il rentabiliser son grand stade ?"

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Commentaire 1
à écrit le 03/03/2015 à 21:50
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10 km pas 30

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