Verkor : le projet de gigafactory passera par une "maison de la batterie" à Grenoble

C’est une « jeune pousse » comme aucune autre, ou presque. Fondée par six associés et soutenue par de grands groupes (Schneider Electric, EIT InnoEnergy, groupe Idec et désormais Cap Gemini), le projet Verkor veut bâtir de toutes pièces une gigafactory à l’échelle européenne. Avec, comme première étape, la création d'un centre d'innovation d'ici la fin de l'année sur le bassin isérois, avant d'envisager la création d'une gigafactory, pour laquelle une short-list de 7 sites sont encore à l'étude.
L'objectif du projet Verkor ? Se focaliser sur le maillon manquant de l’industrialisation à grande échelle, en s’associant avec un à plusieurs concepteurs de batteries existants, pour bâtir une gigafactory de 150 hectares.
L'objectif du projet Verkor ? Se focaliser sur le maillon manquant de l’industrialisation à grande échelle, en s’associant avec un à plusieurs concepteurs de batteries existants, pour bâtir une gigafactory de 150 hectares. (Crédits : DR/Verkor)

C'est un pari de taille, mais qui surfe sur l'essor du marché du véhicule électrique. A horizon 2023, Verkor se voit déjà à la tête d'une gigafactory de 150 hectares, avec à la clé, près de 2.000 emplois à terme. Et pourtant, ce n'est pas elle qui développe aujourd'hui les batteries. Sa plus-value se veut dans la phase qui s'avère aujourd'hui critique pour un certain nombre de projets : à savoir l'industrialisation de la chaîne de production, destinée à alimenter le marché de masse de l'automobile.

« Le marché des batteries est en pleine explosion et les besoins sont colossaux, avec des centaines de milliards d'euros investis dans une centaine de projets de gigafactory », explique Olivier Dufour, l'un des cofondateurs du projet.

L'alliance européenne des batteries (EBA), lancée par la Commission européenne et plusieurs états membres en 2017, avait elle-même constaté que beaucoup de projets se montaient dans le nord et l'est de l'Europe, « mais très peu dans le sud et l'ouest, où se situent pourtant d'importantes usines de constructeurs en Italie et en Espagne ».

Et malgré le nombre de projets dans les tuyaux actuellement, celui-ci estime qu'il existe encore un écart entre la demande projetée d'ici 2025 à 2030 et les capacités disponibles. « Dès 2022, certains experts dont Elon Musk avaient rappelé que nous allions rencontrer une situation de sous-capacité mondiale en matière de production par rapport à la demande, qui est en train d'exploser. Il est donc nécessaire de s'inscrire dans une logique de renforcement de la chaîne de valeur à l'échelle européenne », soulignait Benoit Lemaignan, Ceo et co-fondateur Verkor.

Soutenue à l'origine par EIT Inno Energy -déjà partenaire du projet suédois Northvolt- qui œuvre comme l'un des bras armés de l'Europe en matière de financement technologique, ainsi que par Schneider Electric, le groupe Idec, et désormais Capgemini, le projet Verkor turbine depuis quelques mois, le dépôt de ses statuts ayant eu lieu en juillet 2020, en pleine crise sanitaire.

Depuis, il a levé, en toute discrétion, près de 10 millions d'euros (montant non confirmé « officiellement » à ce stade) et se prépare déjà à un second round au cours des semaines à venir.

« La première levée de fonds nous a permis de financer les études de faisabilité de la gigafactory, et de nous renforcer sur la digitalisation opérationnelle qui se calque sur le modèle de ce que propose aujourd'hui l'industrie microélectronique », explique Olivier Dufour, qui affirme regarder également avec attention le contenu du plan de relance français, qui pourrait lui aussi lui ouvrir des financements additionnels.

Un centre d'innovation dès fin 2021 sur le bassin grenoblois

Car si l'équipe de fondateurs ne communique pas aujourd'hui sur les étapes intermédiaires de financement, elle sait déjà que la création de son usine nécessitera une enveloppe de plus d'un milliard d'euros à horizon 2022-2023.

Et d'ici là, elle compte également mettre « plusieurs dizaines de millions d'euros » dans un centre d'essai et d'innovation, qu'elle souhaite conserver au plus près de l'écosystsème qui l'a vue naître. C'est-à-dire, proche du bassin grenoblois.

Pour cela, elle aurait bientôt besoin, d'ici la fin de l'année, d'un site de 4.000 m2 et d'équipements de pointe, tels qu'une salle anhydre, où la température ainsi que l'hydrométrie seront contrôlées et qui pourrait héberger, à terme, une centaine de personnes également.

Et si des incertitudes demeurent la localisation de sa future gigafactory -voir plus bas-, celle de son centre d'innovation devrait revenir tout droit au bassin grenoblois. « Notre coeur technologique restera à Grenoble car il existe ici un écosystème attractif du fait des compétences disponibles, ainsi que de la présence de notre partenaire Schneider mais aussi d'autres acteurs », confirme Olivier Dufour.

En l'espace de quelques mois, son site de la Presqu'île scientifique a d'ailleurs déjà triplé, passant ainsi de 7 à 25 collaborateurs, le tout, à quelques pas du CEA Grenoble, alors que l'ambition affichée est déjà d'atteindre les 70 salariés d'ici la fin 2021.

« Nous sommes allés chercher des experts internationaux venu de Corée, du Japon, de Chine, d'Inde, des États-Unis, ou encore de Nouvelle-Zélande, pour la plupart spécialistes de la batterie et des cellules de design ». P

our financer l'installation de ce nouveau centre d'essai, qui hébergera également une première ligne de production de cellules de batteries, Verkor est en train de mener une seconde levée de fonds (montant NC) qui lui servira entre autres à mener des études complémentaires et à engager les travaux. Une enveloppe de 25 millions d'euros aurait été avancée pour cette étape. « Notre objectif est d'en faire une maison de la batterie en Europe visant à tester toutes les techniques de digitalisation avant la mise en place de la gigafactory à taille réelle », annonce Olivier Dufour.

Gigafactory : de nouveaux modes de production à inventer

L'objectif de Verkor n'est cependant pas de développer une énième innovation technologique de rupture dans le domaine des batteries, mais d'arriver parmis les premiers dans le champs de la massification des batteries :

« Notre idée est de bâtir un projet technologique sur le long terme, en utilisant des technologies d'aujourd'hui déjà qualifiées par les constructeurs automobiles, et de venir les optimiser de manière à assurer leur compétitivité », dévoile Olivier Dufour.

Avec un objectif : parvenir à baisser encore les prix de l'ordre de 30% d'ici 2025, et de 30% supplémentaires d'ici 2030, nous glissait il y a quelques semaines encore son Ceo.

Plus qu'un habit « digital », tout l'enjeu de Verkor sera donc de transformer les modes de production, en travaillant sur un concept qui développe une optimisation des cycles la plus poussée possible.

« Nous allons travailler sur différents éléments comprenant à la fois des contrats d'achats à des tarifs compétitifs sur les matières premières, une optimisation des procédés afin de diminuer le taux de pertes et de recycler les matériaux défectueux, d'optimiser les paramètres de production des machines, ou encore de ne plus utiliser certains types de solvants, etc », précise Benoît Lemaignan.

Récemment, l'entrée de Capgemini a d'ailleurs permis de confirmer les ambitions de cette future usine : « L'intérêt de Capgemini est de participer à la digitalisation des grandes usines de batteries, jusqu'à présent lancées sur mode de fabrication assez traditionnel, avec des machines indépendantes les unes des autres et qui fonctionnaient de manière séparée », explique Olivier Dufour.

Avec comme prochaine étape, et non des moindres, le choix du site appelé à accueillir cette gigafactory de 150 hectares et 1.000 à 2.000 employés... « Notre cible est d'établir une gigafactory de 16 Gw/H qui permettrait de fournir des batteries pour près de 300.000 voitures, mais également pour réaliser du stockage stationnaire », ajoute-t-il.

Soit un investissement de 1,2 milliards d'euros, avec un site qui pourrait néanmoins monter en puissance en plusieurs tranches pour atteindre à terme jusqu'à 50Gw/h d'ici 2030. Et ce, toujours sur le même bassin, en vue de réaliser des économies d'échelle.

Un short-list de sept sites à l'étude

Sa localisation sera d'ailleurs regardée de près, comme un élément qui pourrait permettre de donner un coup de boost, voire un élément de revitalisation très attendu, au sein de certains territoires. Depuis quelques jours, c'est notamment le dossier de l'usine Bosch, de Rodez, qui fait parler de lui à ce sujet, où près de 1.200 emplois seraient menacés. Mais si l'équipe de Verkor confirme à demi-mots que ce projet fait partie des projets étudiés, il n'était pas le seul et serait même à présent sorti de la liste.

« Nous avions détaillé une quarantaine de sites possibles en Europe, et notamment en France, Espagne et Italie, et nous nous recentrons désormais sur une short-list de 7 sites en France », glisse Olivier Dufour.

Ce dernier ne souhaite pas en dire plus pour le moment car des négociations serait encore en cours avec plusieurs partenaires technologiques. Car l'un des objectifs de la future pépite sera de s'allier à un concepteur de batteries, qui pourrait conditionner en partie son installation.

« Nous recherchons un terrain, à l'image d'une friche industrielle, qui offre un potentiel de croissance et de volume dans la durée, et nous regarderons à la fois les sujets logistiques, la desserte énergétique, ainsi que les bassins de compétence tout en regardant comment s'intégrer dans la stratégie de nos clients, et en particulier les constructeurs automobiles», affirmait pour sa part Benoît Lemaignan.

C'est pourquoi les cofondateurs se sont fixé l'objectif de « consolider leur futur emplacement d'ici juin 2021 », avant de lancer la construction en 2022 pour qu'elle soit opérationnelle fin 2023-début 2024 ».

A ce sujet, ce sera d'ailleurs son actionnaire, le groupe Idec, un acteur spécialisé dans la construction de grands sites industriels et logistiques, qui sera en charge de la recherche du terrain.

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Commentaires 3
à écrit le 17/02/2021 à 14:59
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C'est vrai, faudrait pas donner du travail ici, C'est mieux ailleurs...

à écrit le 17/02/2021 à 9:05
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"Partout où quelque chose ne va pas, quelque chose est trop gros" Kohr Ils n'ont certainement pas réfléchi à tout, ces réflexes de toujours vouloir faire plus gros plus vite pour gagner toujours plus devient lassants.

à écrit le 17/02/2021 à 6:27
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Houla les bobos -écolos vont sortir les banderolles !

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