Comment la filière événementielle s'organise en AuRA pour résister à la crise

En l'espace de quelques semaines, plusieurs associations de professionnels de l'événementiel ont émergé sur le territoire d'Auvergne Rhône-Alpes. Signe que la filière, à bout de souffle, a besoin de se serrer les coudes pour se faire entendre. Pour aider la secteur à résister à la crise, la CCI Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne a de son côté émis une série de propositions à l'Etat, et demande un engagement sur une date d'ouverture au 31 mars prochain.
Plusieurs regroupements de professionnels de la filière événementiel sont nés au cours des dernières semaines en Auvergne Rhône-Alpes, alors que sur les deux villes de Lyon et Saint-Etienne, la filière compte plus de 18.000 entreprises.
Plusieurs regroupements de professionnels de la filière événementiel sont nés au cours des dernières semaines en Auvergne Rhône-Alpes, alors que sur les deux villes de Lyon et Saint-Etienne, la filière compte plus de 18.000 entreprises. (Crédits : DR)

L'événementiel en Auvergne-Rhône-Alpes, ce n'est pas que GL Events. Derrière le mastodonte lyonnais au 1,1 milliard d'euros de chiffre d'affaires facturé en 2019, très fragilisé par la crise actuelle, se cache en réalité une filière extrêmement dense. Rien que sur le territoire de Lyon/Saint-Etienne, ce sont plus de 18.000 entreprises employant 300.000 salariés qui travaillent pour tout ou partie de leur activité dans l'événementiel.

Une filière qui pèse donc lourd dans l'économie régionale mais qui, étrangement, n'avait pas encore réussi à faire entendre ses revendications propres.

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Alors que le désespoir des commerces dits "non essentiels", celui des restaurateurs ou encore des libraires, avait clairement trouvé sa place dans le débat public et les négociations avec les collectivités locales, le désarroi des acteurs régionaux de l'événementiel n'avait pas jusqu'ici vraiment rencontré d'écho.

Et pourtant, la filière va mal. Très mal même. D'après un sondage réalisé par la CCI Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne fin 2020, 50% des entreprises de ce secteur pourraient mettre la clé sous la porte dans les six prochains mois, si elles ne peuvent pas reprendre leurs activités.

La raison de ce silence assourdissant ? Très probablement, le manque de structuration locale de cette branche aux acteurs si divers, allant du wedding planner freelance au géant piloté par Olivier Ginon, en passant par les agences spécialisées dans l'organisation d'événements d'entreprises ou sportifs. Ces acteurs ne pouvaient jusqu'ici s'appuyer que sur les grandes fédérations nationales (Unimev par exemple ou Synpase). Depuis quelques semaines, conscients de cette faiblesse, les acteurs économiques régionaux ont décidé de renverser la vapeur.

Émergence de plusieurs associations

Deux associations ont ainsi été créées tout récemment. A Lyon, c'est Event Again qui a pris les choses en main. Lancée début novembre et emmenée par neuf professionnels du secteur dont Olivier Stambul son président (agence Ivanhoe), Yves Rioton-Lafarge (Séminaires Business Events), Fabien Duranel (Mondial Events), Anne Prost (Anne Prost Organisation) ou encore Renaud Gairard (Meetings), elle compte déjà 100 adhérents.

"Notre première rencontre date de début novembre, ensuite tout est allé très vite. Il était évident que nous avions besoin d'être plus lisibles pour être plus visibles afin que nos métiers ne soient pas oubliés ", raconte Olivier Stambul.

"Nous fédérons de GL aux touts petits. L'objectif est d'accompagner les professionnels du secteur avec des visio-conférences animées par des experts (psychologue, président du Tribunal de commerce, ndlr), mais aussi, évidemment, de faire du lobbying ".

Et de sourire : "Notre tour de force est rassembler des personnes qui, d'habitude, s'affrontent dans une concurrence féroce et absolue. Notre métier est basé sur la concurrence, tout le temps".

Event Again vient ainsi compléter l'action d'une autre association lyonnaise née quelques semaines plus tôt, l'UPSE (Union des Professionnels solidaires de l'événementiel), plutôt tournée vers les professionnels du mariage.

Un métier lui aussi ravagé par la crise. Alors que 220.000 mariages s'étaient tenus en 2019, seuls 148 000 ont eu lieu en 2020 (chiffres Insee), et pour beaucoup en comités restreints. Pilotée notamment par le DJ Lyonnais Brice Etienne et l'officiante en cérémonie laïque Melissa Humbert Ferrand, elle rassemble plus de 450 adhérents en Auvergne-Rhône-Alpes, 1.500 en France.

Car si elle est née à Lyon, ses ambitions sont bien nationales : "Il n'y avait pas de structure représentant les TPE et PME du métier", justifie Brice Etienne, vice-président de l'UPSE.

Dans les Savoie aussi, les rangs se resserrent

De l'autre côté de la région, à Annecy, c'est l'association 2 Savoievents qui a émergé, elle aussi fin 2020. Et elle aussi, comme Event Again, a d'ores et déjà allègrement franchi la barre des 100 adhérents, preuve du besoin de structuration et de représentation de la filière.

"Nous sommes déjà nombreux, juste avec les entreprises des vallées, nous n'avons pas encore touché les agences de stations. Le potentiel est de plus du triple", glisse Michaël Nussbaumer, président de 2 Savoievents. Et après avoir commencé à parler de son idée de se regrouper lors du premier confinement, sans toutefois réussir à convaincre, lorsqu'il est revenu à la charge au deuxième confinement, le succès a été immédiat.

"Nous sommes tous à bout. Moi, par exemple, j'avais 4 salariés dans mon agence événementielle Cosmik Jump, j'ai dû en licencier trois... La situation est devenue insupportable pour tout le monde", explique Michaël Nussbaumer, président de 2 Savoievents.

Il ajoute : "Nous discutons régulièrement avec Event Again et l'UPSE pour aligner nos demandes et avancer ensemble".

Prise de position de la CCI de Lyon

Grâce à cette structuration, les acteurs régionaux de l'événementiel espèrent être mieux entendus des pouvoirs publics, plus fort dans la crise. Ensemble, ils ont par exemple fait valoir leurs difficultés auprès du président de la Région, qui leur avait spécifiquement demandé de se fédérer pour structurer leurs revendications.

"Laurent Wauquiez a évoqué des aides concrètes,mais rien n'a bougé depuis", regrette Michaël Nussbaumer. Le président de la région Auvergne Rhône-Alpes expliquait à son tour avoir remis un dossier aux services du premier ministre concernant l'impact de la crise, à l'occasion de la visite de Jean Castex à Lyon : "il faut à tout prix mettre en place un plan d'urgence dédié à ce secteur qui est en train de mourir. Nous allons travailler en ce sens, même si l'échelle, ainsi que les montants en jeu, sont importants et nécessitent une prise de décision au niveau national".

Les professionnels de l'événementiel ont par ailleurs reçu le soutien de la CCI Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne. A l'occasion d'une autre visite à Lyon, celle d'Olivier Dussopt (ministre délégué des comptes publics), Philippe Valentin a ainsi défendu leur cause.

Le président de la chambre consulaire et ses équipes, dont l'élue Céline Paravy-Atlan (dirigeante de Mapiece, maison d'hôtes pour entreprises) avaient d'ailleurs préparé un argumentaire avec Event Again notamment, l'Unimev etc. "Cela fait partie de nos missions de défendre les acteurs économiques locaux", explique Philippe Valentin.

Objectif : fixer une date de réouverture

"Nous nous étions déjà engagés pour les commerçants et les restaurateurs notamment. Désormais, il s'agit de faire bouger les lignes pour l'événementiel. Notre dernier baromètre sur l'état de la filière était alarmant. Il ne s'agit pas de se positionner uniquement dans le registre revendicatif : nous préférons soumettre des propositions", confirme le président de la CCI Lyon Métropole.

Parmi les suggestions de la CCI : la fixation d'une date claire de réouverture. "Nous proposons d'attendre fin janvier afin d'évaluer l'impact des fêtes de fin d'année, puis de fixer une date prévisionnelle. Nous proposons le 31 mars. Un événement ne se construit pas en trois jours, les entreprises ont besoin de visibilité. Aujourd'hui, on ne leur donne aucune perspective...".

Olivier Stambul d'Event Again enfonce le clou sur ce thème : "On peut nous donner une date de réouverture, sans trop d'inquiétude. Nous avions su gérer Vigipirate au moment des attentats, nous sommes capables je crois de gérer des flux, la distribution de gel hydroalcoolique et la distanciation physique. D'ailleurs, nous souhaiterions faire de la région un territoire pilote pour organiser de nouveaux événements tests, comme cela a été fait à Barcelone par exemple ".

Autre demande relayée par la CCI : adapter les jauges. "La directive actuelle donne lieu à des aberrations", souligne Philippe Valentin. "Sur Eurexpo, par exemple, la jauge actuelle équivaut à une personne pour 150m², c'est complètement absurde et arbitraire". Le président de la CCI a également appuyé l'idée d'une incitation fiscale pour les dépenses événementielles. "Nous n'avons pas encore de retour sur ces propositions mais nous espérons une réponse positive".

Quid des aides supplémentaires

Du côté des aides financières, la CCI et les associations réclament aussi des aides spécifiques à la filière événementielle. Leur demande, portée également par les syndicats nationaux, semble avoir été entendue puisque les modalités du fonds de solidarité de décembre ont été encore remodelées.

Elles ont été présentées par Jean Castex, le 14 janvier dernier. Des modalités nouvelles qui semblent satisfaire les professionnels puisque la journée d'action prévue le 2 février et portée par plusieurs syndicats nationaux de la filière, a été annulée au lendemain de ces annonces.

"Nous sommes satisfaits à 90%", souligne Brice Etienne, porte-parole de l'UPSE. L'association lyonnaise à vocation nationale avait œuvré aux côtés des autres fédérations.

"Les conditions financières sont aujourd'hui plus adaptées, notamment pour ceux qui ont des charges fixes lourdes. Et puis, pour la première fois, nous avons été reconnus en tant que vraie filière. Jusqu'ici l'événementiel, c'étaient juste les salons pour le gouvernement".

Si l'UPSE, 2Savoievents et Event Again sont nées de la crise, elles entendent bien perdurer au-delà de l'ère Covid. Event Again, par exemple, travaille déjà sur l'organisation d'un grand événement festif annuel qui réunirait toute la profession.

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