"Nous regardons tous les sujets pouvant aboutir à un futur Moderna français" (Bpifrance AuRA)

LA RENTREE DE... Jean-Pierre Bes, directeur régional de Bpifrance Auvergne Rhône-Alpes. Même s’il considère que « le monde d’avant ne revient pas », ce dernier réaffirme sa détermination à continuer de financer différents secteurs, « même ceux qui connaissent une situation difficile ». Avec de bonnes nouvelles annoncées sur le terrain de l’investissement régional en 2021, puisque l’enveloppe dédiée à accompagner les entreprises innovantes sera même doublée en 2021.
Nos aides vis-à-vis de l’innovation seront plus que doublées en 2021, annonce le directeur régional de Bpifrance Auvergne Rhône-Alpes, Jean-Pierre Bes. Son enveloppe passera ainsi de 1,5 milliard d'euros accordés à l'innovation en 2020, à plus de 3,5 milliards cette année.
"Nos aides vis-à-vis de l’innovation seront plus que doublées en 2021", annonce le directeur régional de Bpifrance Auvergne Rhône-Alpes, Jean-Pierre Bes. Son enveloppe passera ainsi de 1,5 milliard d'euros accordés à l'innovation en 2020, à plus de 3,5 milliards cette année. (Crédits : DR)

En cette rentrée 2021, La Tribune Auvergne Rhône-Alpes donne rendez-vous aux représentants économiques de votre territoire, à travers plusieurs interviews pour faire le bilan de cette année inédite, et esquisser les tendances de l'année à venir.

Avec ses 220 collaborateurs répartis en sept sites, l'antenne régionale de Bpifrance ouvre cette série avec un premier état des lieux des enjeux de financement qu'ont connu les entreprises du territoire cette année.

LA TRIBUNE AUVERGNE RHONE-ALPES - La grande messe annuelle du CES de Las Vegas vient de se terminer, cette année en format digital : une occasion de se demander si l'année écoulée a été particulièrement compliquée pour le domaine de l'innovation et les jeunes pousses que vous suivez ?

JEAN-PIERRE BES - "Pour Bpifrance, l'innovation est un sujet essentiel au même titre que d'autres sujets comme le financement des remontées mécaniques, les usines, cliniques, transporteurs... La Deeptech est bien entendu un élément essentiel, mais nous agissons plus largement en vue d'accompagner les entreprises dans leur croissance, quelle que soit leur taille et leur secteur. De la même façon que l'on peut offrir des prêts ou des garanties à partir de 30.000 euros, on peut également investir jusqu'à plus d'un milliard d'euros dans le capital d'acteurs comme Peugeot, par exemple."

Justement, quel est le bilan que vous dressez, et notamment des dispositifs d'accompagnements mis en place ?

"Après la phase de sidération, Bpifrance a sorti en quelques jours son premier produit qui était le Prêt Atout destiné aux TPE, PME et ETI, avant que le PGE ne sorte.

Dans le cadre du Prêt rebond, des crédits de 10 000 à 300.000 euros, nous en avons tout de même souscrit 3.000 à 4.000 en un temps record, grâce à une mise à disposition de la Région. Ce dispositif a complété le PGE car ces solutions de financement se voulaient complémentaires, ce n'était pas l'un ou l'autre.

Les prêts Tourisme, lancé en partenariat avec la Banque des Territoires, début septembre ont rencontré un grand succès, avec plus d'une centaine de prêts signés. Il s'agit de dispositifs allant de 50.000 à 2 millions d'euros, avec une durée longue allant de 2 à 10 ans et un différé de deux ans, et surtout une assiette assez large.

Cela couvre les besoins de trésorerie, mais aussi les travaux, voire même les transmissions d'entreprise car les problématiques de transmission d'entreprise n'ont pas disparu avec le Covid... Nous réfléchissons d'ailleurs en ce moment à un dispositif à l'égard des acteurs de la montagne, avec Laurent Wauquiez."

Des secteurs comme l'industrie événementielle ont été fortement impactés par le Covid-19, avec des piliers de notre écosystème régional comme GL Events qui naviguent désormais en eaux troubles. Etes-vous inquiet pour l'avenir de ce fleuron ?

"Nous sommes proches d'Olivier Ginon et de son board, et cette proximité a même été renforcée par la crise que nous traversons. Nos relations sont très bonnes et nous sommes assez optimistes, car la plupart des difficultés ont été gérées assez tôt, et le groupe a pu bénéficier du PGE et du Prêt Atout de Bpifrance."

Comment ces secteurs, qui peuvent être considérés désormais comme sinistrés, pourraient-ils continuer à être financés à l'avenir ?

"Nous sommes constants dans l'effort et nous continuerons de financer tout autant les secteurs qui connaissent des difficultés que par le passé. Il n'y aura pas d'arrêt parce qu'un secteur serait devenu difficile. Nous savons que nous sommes particulièrement attendus sur ce terrain car il est important de partager le risque, à la fois quand les choses vont bien, et quand elles vont moins bien.

D'ailleurs c'est la même chose pour les investisseurs privés, qui après une petite phase de ralentissement en mars-avril, ont repris les investissements rapidement. Nous nous appuyons sur la proximité déployée par notre réseau, car avons une bonne connaissance des entreprises qui sont sur notre territoire qui est plus que jamais un élément important pour les accompagner."

Avec le recul de l'année qui vient de s'écouler, quels sont selon vous les types d'aides les plus efficaces dans une situation de crise comme celle-ci ? Existe-il de nouveaux dispositifs à imaginer ?

"L'efficacité n'est pas dans un seul produit, mais dans un cocktail. Il s'agit notamment du triptyque entre financement, fonds propres et accompagnement.

Sur le secteur du tourisme, nous avons par exemple le prêt tourisme mais également des interventions en fonds propres et en quasi-fonds propres avec des investissements unitaires, sous forme d'obligations convertibles allant de 50.000 à 400.000 euros, qui permettent d'augmenter le niveau d'endettement global des entreprises ainsi que leur trésorerie.

On peut ensuite les associer à de la dette bancaire si nécessaire. Il ne faut pas oublier non plus le volet conseil, qui demeure essentiel car dans le cas du tourisme par exemple, c'est pourquoi nous proposons aussi une formule de diagnostic 360° de l'activité des entreprises pour savoir où elles en sont et où elles vont, en lien notamment avec l'Emlyon."

Certains de ces secteurs fortement ébranlés seront-ils, selon vous, contraints de changer leur modèle économique à l'avenir ?

"On considère que le monde d'avant ne reviendra pas. Il est donc important que l'ensemble des partenaires des entreprises travaillent ensemble. Les entreprises elles-mêmes ont pris conscience de cette nécessité d'évoluer et mettent les moyens en œuvre : c'est le cas de celles qui ont profité de cette période pour renforcer leur gouvernance et se doter par exemple d'un responsable RH ou d'un directeur financier.

La crise a eu ceci d'intéressant qu'elle a mis le doigt parfois là où cela faisait mal, sur des faiblesses qui ne demandaient qu'à être soignées."

Est-ce la même chose avec des secteurs comme la montagne ou le tourisme ?

"Dans le milieu du tourisme, on parle beaucoup de la question de la réouverture, mais ce n'est pas parce qu'on va rouvrir les stations que les anglais vont revenir skier... Les stations de skis vont être nécessairement impactées.

Il existe cependant des disparités car on s'aperçoit que les stations de moyenne montagne ont finalement bien supporté les fêtes, avec un taux de fréquentation de 70% en moyenne. Cela n'a pas été le cas des stations de plus haute altitude, fortement tournées vers le ski.

En haute montagne, les clients ne se déplacent pas uniquement pour contempler la montagne, alors que dans la moyenne montagne, ils en profitent pour tenter de nouvelles activités comme le chien de traineau. Cela pose donc certains défis pour le modèle économique de la montagne, qu'il faut parvenir à adapter."

De quelle nature pourraient être selon vous les pistes à étudier pour cette économie alpine, liée aux stations ?

"Il sera probablement nécessaire de composer avec les évolutions actuelles : on pourrait penser que moins de skieurs se déplaceront à l'avenir du bout du monde pour venir dans nos massifs...

Ce type de changements est valable pour nous aussi car Bpifrance a aussi pris des engagements en ce sens, en souhaitant se positionner comme la banque du climat avec de nouveaux critères (décarbonation des entreprises, développement des énergies renouvelables et des innovations vertes) qui prennent désormais une place plus importante.

D'ailleurs, l'adaptation a déjà commencé dans certaines stations plutôt orientées haut de gamme, avec des baisses de prix pour s'adapter à la clientèle locale. Mais ce n'est pas toujours évident car ce sont souvent des modèles bâtis sur des offres demandant beaucoup de personnel par exemple."

Nous avions justement beaucoup parlé de relocalisation : pensez-vous qu'il y aura encore des cartes à jouer cette année dans des investissements de ce type pour un domaine, également très représenté dans le Rhône et l'Isère, le secteur de la santé ?

"Absolument, il est certain que nous regardons tous les sujets pouvant aboutir à un futur Moderna français... Il ne faut pas oublier d'ailleurs que le directeur général de Moderna est un ancien de l'Institut Mérieux. Il existe donc un enjeu clés pour faire tout ce qui est en notre pouvoir pour garder l'innovation en France et en Europe.

Pour cela, nous entrons au capital de sociétés innovantes en tant qu'actionnaire ou via des financements, comme c'est le cas avec la jeune pousse CorWave, qui a développé une pompe cardiaque implantable destinée à lutter contre l'insuffisance cardiaque."

Sur ce terrain toujours, Bpifrance avait annoncé fin janvier la création d'un nouveau fonds d'investissement baptisé "Lac d'Argent", visant à soutenir les groupes français côtés et sous-capitalisés, afin de les accompagner dans les grandes transitions numériques et écologiques. Avec à la clé, près de 4,2 milliards d'euros de capital recueillis sous forme de souscriptions et de dette... Où en est-on ?

"Malgré la crise, nous sommes parvenus à réunir 4,2 milliards d'euros lors du premier closing et à réaliser notre premier investissement : Arkema. La crise n'a pas freiné les investissements, même si nous avons senti un petit recul en mars et avril. Malgré cette année atypique, nous avons atteint nos volumes d'activité habituels."

Au cours des dernières semaines, des voix se sont élevées, craignant les impacts du remboursement des PGE à venir, bien que ceux-ci aient été décalés d'un an) sur la trésorerie des entreprises, voire même plus largement celle des banques. Est-ce pour vous un élément d'inquiétude ?

"Le PGE a été largement distribué au sein de la région et nous pensons qu'il pourrait y avoir, pour certains, quelques difficultés de remboursement. Selon la dernière enquête de conjoncture auprès des PME publiée par Bpifrance Le Lab début janvier, 6% des chefs d'entreprise sondés craignent de ne pas être en mesure de le rembourser.

Mais il ne faut pas oublier que les banques ne sont pas majoritaires et que l'Etat est chargé de garantir près de 90 % de ces PGE.

En Auvergne Rhône-Alpes, ce sont près de 15 milliards d'euros qui ont été octroyés après de 80 000 entreprises régionales. Mais une partie d'entre elles, environ les deux tiers, n'aurait pas utilisé cette ligne, en totalité ou en partie.

À ce stade, les indicateurs démontrent que les entreprises demeurent pour l'instant sur un bon niveau de trésorerie en vertu de ces dispositifs, et le tribunal de commerce ne perçoit toujours pas d'augmentations du nombre de défaillances, même si celui-ci pourrait arriver plus tard."

Comment abordez-vous l'année 2021 en matière d'investissements ?

"Nos aides vis-à-vis de l'innovation seront plus que doublées en 2021 : nous partions de près de 1,5 milliard d'euros accordés à l'innovation, qu'il s'agisse de subventions ou d'avances remboursables ou de crédits, et cette somme montera à près de 3,5 milliards cette année.

Sur ce terrain, l'aide accordée aux deeptechs sera bien entendu essentielle, et à ce titre, on sait déjà que les villes de Grenoble et Lyon sont particulièrement bien servies.

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si nous avions choisi de lancer notre plan national pour les deeptech à Grenoble. Ce territoire exprime bien comment il est possible de faire passer les innovations des laboratoires de recherche fondamentale aux organes d'une entreprise. Il faudra mettre les moyens financiers sur la table pour accélérer sur des sujets comme le développement des vaccins."

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