Chez Mon Libraire, précurseur du "click and collect" depuis 2014

[Initiative] Elle figure comme l’une des pionnières du "click and collect" à l’échelon régional. Fondée dès 2014 par l’association des libraires indépendants de la région Rhône-Alpes, la plateforme régionale Chez Mon Libraire se voulait déjà comme une alternative aux géants comme Amazon. A l’heure du reconfinement, le site enregistre une envolée du nombre de visiteurs et pourrait même accompagner la transition d'une profession qui se digitalise.
La plateforme Chez Mon Libraire permet à près de 130 librairies d'Auvergne Rhône-Alpes d'être présentes en ligne depuis six ans, à l'image de la librairie Rive gauche à Lyon.
La plateforme Chez Mon Libraire permet à près de 130 librairies d'Auvergne Rhône-Alpes d'être présentes en ligne depuis six ans, à l'image de la librairie Rive gauche à Lyon. (Crédits : DR)

Vérifier si un livre est en stock au sein d'une librairie, le réserver ou le commander avant de le récupérer en magasin. Depuis six ans, la plateforme Chez Mon Libraire, qui rayonne partout à travers la région Auvergne Rhône-Alpes, a imaginé le « click and collect » bien avant la vague actuelle.

Née du besoin de soutenir les libraires indépendants dans leur démarche de digitalisation, cette démarche se voyait à l'origine comme un service supplémentaire, pris en charge par l'association des libraires indépendants de la région Rhône-Alpes. « Ce type de plateforme avait hébergé au sein de la ville de Paris, mais nous étions la première région à le mettre en place à cette échelle en 2014 », souligne Marion Baudoin, déléguée générale de l'association Chez Mon libraire, qui emploie 3 salariés.

Au fil des ans, ce service est devenu le canal privilégié des librairies qui souhaitent être présents en ligne, regroupant désormais 130 structures indépendantes de la région (sur un total de 286 établissements recensés, d'après les derniers chiffres de la filière).

Issues à la fois des grands centres urbains comme des campagnes, la démarche qui se veut accessible à tous. « L'adhésion à l'année à l'association coûte 120 euros, tandis que l'affiliation à la plateforme coûte 200 euros à l'année aux librairies, quel que soit le volume d'affaires généré ».

Un modèle économique différent des Gafa

Un modèle peu coûteux pour les librairies indépendantes, dont les marges sont souvent faibles, mais qui permet tout de même à l'association de rentabiliser son service. A l'époque de sa création, la création du site Internet avait nécessité une enveloppe d'environ 5.000 euros, et avait pu bénéficier du soutien de la Région Auvergne Rhône-Alpes ainsi que de la DRAC.

Concrètement, les libraires n'ont qu'une manipulation informatique à faire lors de leur inscription pour pairer leur système de gestion des stocks à celui du site de e-commerce. Puis, toutes les nuits, le système fait remonter l'état réel des stocks de chaque librairie.

« Les clients voient ainsi si un livre est disponible afin de ne pas se déplacer pour rien, tandis que les libraires peuvent rediriger les clients vers d'autres librairies qui ont le produit en stock. De cette manière, on s'assure ainsi que les consommateurs demeurent au sein du circuit des librairies de proximité », confirme Marion Baudoin, qui rappelle que le marché du livre recoupe, en moyenne, près de 800.000 titres disponibles.

En choisissant de conserver cependant l'acte de paiement en magasin, le site Chez Mon Libraire refuse de se placer comme une simple plateforme de e-commerce et souhaite continuer à développer le lien de proximité, Covid-19 ou non.

Une ambition que salue Frédérique Pingault, co-gérante de la librairie du Tramway située dans le 3e arrondissement de Lyon, adhérente de cette plateforme depuis ses débuts. « Le principe voulant que n'importe quel consommateur puisse réserver ou commander un livre pour le récupérer en magasin nous permet de continuer à privilégier le rapport humain ». Une démarche qui prend même tout son sens dans le milieu rural, comme en témoigne Gilbert Castelino, gérant de la librairie Bleue comme une orange, à La Talaudière (42) : « Cela nous permet d'exister à l'extérieur de notre périmètre, qui peut aller jusqu'à 40 km à la ronde, et de faciliter les commandes des lecteurs qui ne connaissent pas toujours le titre précis de leur ouvrage».

Un bond de 2.000% en matière de fréquentation

Et depuis quelques semaines, le modèle de Chez Mon Libraire semble même confirmé par la vague de « click and collect », que certains appellent déjà le « clique et cueillette » au sein des rayons. Encouragé sur tous les fronts - y compris par la Région AuRA, qui vient d'annoncer un plan d'accompagnement aux commerces et restaurants de 50 millions d'euros-, ce nouveau mode de commande et de retrait ne cesse de gagner du terrain en France.

Le site connait même un nouvel engouement, à la fois de la part des libraires de la région-dont plusieurs ont toqué à la porte de l'association au cours des derniers jours pour se faire référencer depuis la fermeture des commerces jugés non-essentiels-, mais aussi de la part des consommateurs, qui ont multiplié les visites au cours de la semaine écoulée.

Ses compteurs s'affolent : la fréquentation de la plateforme Chez Mon Librairie a enregistré un bond de +2.000% au cours de la dernière semaine, avec près de 6.000 visiteurs par jour, alors que ce nombre était auparavant atteint en une semaine en moyenne. « Au total, nous enregistrons 40.000 sessions par semaine ! », ajoute Marion Baudoin.

A la Librairie du Tramway à Lyon, même constat : « Le mardi, lors du retour du week-end, nous sommes ainsi passés d'une moyenne de 20 réservations reçues à près de 350 cette semaine ! », affiche Frédérique Pingault, qui rapporte en même temps le rôle clé que joue Chez Mon libraire, qui concentre « près de 80% des commandes reçues» à ce jour. De son côté, Gilbert Castelino enregistre lui aussi une multiplication par 10 des commandes en ligne reçues chaque jour depuis le reconfinement, qui atteignent désormais les 100 demandes par jour.

Un bel essor qui témoigne de l'élan de solidarité des consommateurs envers les petites les petites librairies indépendantes, contraintes de baisser le rideau depuis la fin octobre. A ce titre, Marion Baudoin rappelle le coup de pouce, lui aussi essentiel, de la loi Lang -qui fête ses 40 ans le prochain- qui prévoit un » tarif unifié du livre » sur l'ensemble du territoire, quel que soit l'enseigne. « Ainsi, on ne trouve pas un livre neuf moins cher sur Amazon », rappelle-t-elle.

Un outil qui transforme les pratiques

Bien que les librairies ne s'attendent à réaliser qu'une portion infime de leur chiffre habituel à travers les dispositifs de « click and collect » - soit seulement 10% lors du dernier confinement, et jusqu'à 20 à 30% pour ce second reconfinement selon les premières estimations-, tous les moyens demeurent cependant bons à prendre pour conserver leurs clients, mais aussi leurs salariés.

Après avoir été contraints de fermer durant le premier confinement, une grande partie des établissements demeurent cette fois ouverts en arrière-boutique, en vue de réceptionner les commandes et d'organiser les retraits.

« Certaines librairies demeurent ouvertes dans leurs horaires habituels avec des effectifs presque inchangés, tandis que d'autres qui ont réduit leurs horaires d'ouverture et fonctionnent avec des équipes réduites », note Marion Baudoin.

Une nouvelle manière d'imaginer la profession, qui ajoute cependant une charge de travail supplémentaires aux équipes. « Nous avons dû transformer notre librairie entièrement pour en faire une sorte de dépôt. Car en raison du volume de commandes enregistrées, notre espace de stockage actuel était bien trop petit. Il a fallu apprendre à travailler différemment car notre métier était d'abord de conseiller les gens », atteste Frédérique Pingault à Lyon.

Sans compter que la nouvelle mission des librairies est désormais de s'appuyer sur les réseaux sociaux pour réaliser des propositions de lectures régulières à des lecteurs qui ne peuvent plus flâner, ni piocher de nouvelles trouvailles au sein de leurs rayons.

« Même si nous recevons beaucoup de commandes en prévision de la période des fêtes, il est un peu frustrant de devoir interdire aux consommateurs qui récupèrent leurs commandes de jeter un oeil dans les rayons. D'autant plus que certains produits comme les éphémérides constituaient souvent des ventes secondaires, que nous ne ferons pas en ligne. Mais c'est déjà bien de pouvoir le faire : sans la plateforme Chez mon Libraire, je ne pourrais tout simplement pas tourner », résume Gilbert Castelino.

De là à parvenir à gratter quelques parts de marché aux plus grands acteurs de la vente en ligne ? « Amazon, c'est un peu la facilité du consommateur, qui trouve ce qu'il veut grâce à un bon référencement. Nous nous plaçons sur un autre niveau, comme une solution alternative, car privilégier les librairies, c'est aussi se rendre dans un lieu pour trouver aussi ce que l'on ne cherchait pas et avoir accès à une forme de diversité éditoriale », défend Marion Baudoin.

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