Bars et restaurants, cinémas et théâtres… La région AuRa parmi les plus touchées

Ils tentent de faire entendre leur voix depuis plusieurs semaines. Alors que la région Auvergne Rhône-Alpes figure pour l’instant parmi les plus touchées par les dispositifs d’alerte maximales et désormais de couvre-feu annoncée la semaine dernière, certaines professions comme l’hôtellerie-restauration s’organisent, tandis que les cinémas tentent de reporter certaines séances en attendant le déblocage des enveloppes promises par le gouvernement.
Pour les cinémas de la région AuRA, l'annulation des séances du soir, à la suite des mesures de couvre-feu, représenterait une perte sèche de 40 % du chiffre d'affaires des salles situées en zone urbaine.
Pour les cinémas de la région AuRA, l'annulation des séances du soir, à la suite des mesures de couvre-feu, représenterait une perte sèche de 40 % du chiffre d'affaires des salles situées en zone urbaine. (Crédits : https://unsplash.com/photos/OaVJQZ-nFD0)

Quelques jours après l'instauration d'un couvre-feu d'au moins quatre semaines, Alain Grégoire, président de l'UMIH Auvergne Rhône-Alpes (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie), dénonce « une fermeture administrative déguisée ». « Il s'agit d'une double peine car les trois principales métropoles de notre région, à savoir Lyon, Grenoble, et St Etienne, perdent ainsi encore 25 à 30 % de leur chiffre d'affaires, alors que l'activité de ces établissements avait déjà chuté de 25 % de suite aux mesures comprises dans le protocole sanitaire du 2 juin ».

Quelques jours après le coup d'envoi des vacances de la Toussaint, il affirme que certains établissements situés à Lyon et Grenoble ont déjà enregistré une baisse d'activité de - 60 à 70 % au cours de ce premier week-end de couvre-feu. « Ce n'est pas le domaine de la vente à emporter, qui représente tout au mieux quelques pourcents, qui viendra combler ce gap », estime-t-il.

Résultat ? Les premiers impacts de ces mesures au sein de la région AuRa se feraient différemment sentir en fonction des territoires concernés : « Sur les territoires urbains, les restaurants tentent d'avancer leur service, tandis que sur les communes rurales, ils ferment tout simplement le soir », regrette-t-il.

Des mesures jugées insuffisantes

Alors que la région Auvergne Rhône-Alpes représente près de 40 % du secteur à l'échelle nationale, soit « près de 3.000 à 4.000 restaurants », l'UMIH craint que l'instauration du couvre-feu ne précipite la chute de près d'un tiers des établissements et des emplois du secteur avant la fin de l'année. « Les mesures d'accompagnement ne sont pas à la hauteur », annonce Alain Grégoire.

Dans un bras de fer désormais amorcé avec Bercy, les représentants de la profession demandent de nouvelles aides pour assurer la survie des établissements : à commencer par la généralisation d'une enveloppe de 10.000 euros par mois (au lieu de 1.500 euros prévus) issue du fond de solidarité, « applicable quel que soit la taille et le secteur géographique de l'établissement », ainsi que la prolongation des dispositifs d'activité partielle « jusqu'à la fin du Covid-19, et non pas jusqu'à octobre ou décembre ».

L'UMIH souhaite également que l'Etat se positionne concernant deux dossiers chauds : avec, d'une part, la mise en place « toujours pas actée » d'un fonds et d'un groupe de travail, en lien avec les bailleurs privés, afin de saisir de la question des baux commerciaux, mais également une prise en compte de la part de l'exécutif des pertes d'exploitations, à hauteur de 30 % sur la période du confinement.

A ce sujet, l' antenne régionale s'alliera à la fédération nationale qui devrait annoncer dès demain l'ouverture d'une action juridique à l'encontre de six compagnies d'assurance qui refuseraient actuellement de faire jouer leur garantie de pertes d'exploitation. « Il s'agit d'un sujet d'ampleur, qui fédère près de 15.000 adhérents au niveau national », souligne Alain Grégoire. Une journée d'action est d'ailleurs prévue dès le 2 novembre prochain à Lyon avec l'ensemble des professions du tourisme.

Le spectacle vivant, en sursis

Du côté du spectacle vivant, le théâtre des Célestins, dirigé par Pierre-Yves Lenoir, tient la barre coûte que coûte. Après de premières mesures qui visaient à espacer deux groupes de réservation, dont la jauge est passée de 10 à 6 personnes, les capacités des théâtres étaient déjà limitées à 60% de leur fréquentation habituelle. Soit 450 places disponibles au lieu de 700 dans la grande salle, et 90 au lieu de 135 dans la petite. « On estime que sur l'ensemble de la saison, les mesures de distanciation devraient déjà aboutir à une baisse des recettes de notre billetterie de 50 % », évalue Pierre-Yves Lenoir.

Pour autant, ce dernier ne souhaite pas se laisser abattre par l'instauration du couvre-feu, et fait le pari que ses spectateurs lyonnais -des fidèles en grande partie-, viendront plus tôt. Le théâtre a ainsi pris le parti d'avancer ses séances à compter de 18 heures, voire même à 17 heures 30 pour les représentations les plus longues.

« Nous avons un souhait fort de maintenir l'activité ainsi que nos engagement auprès des artistes », résume le directeur.

Chaque semaine, le théâtre des Célestins continuera donc de programmer « tant qu'il le pourra » 10 à 12 représentations, en employant 55 salariés en permanence, et jusqu'à une centaine de personnes en fonction des spectacles. Si l'établissement, qui fait partie des structures gérées par la ville de Lyon, n'est ainsi pas éligible aux mesures de chômage partiel, il anticipe déjà que la clôture de son budget de 8,5 millions d'euros chaque année sera délicate. Avec d'ores et déjà, un trou au sein de son service de billetterie de 1,1 million d'euros. « Il faudra que nous soyons accompagnés si l'on veut que la saison prochaine ne soit pas impactée ».

Les cinémas fortement touchés également

Du côté des salles obscures au niveau régional, l'ambiance n'est pas non plus au beau fixe. Alors qu'Auvergne Rhône-Alpes représente là aussi la seconde région de France, -avec près de 323 établissements de cinéma référencés (dont 28 multiplexes), 25,62 millions d'entrées annuelles pour un chiffre d'affaires généré de 173,68 millions d'euros selon les données du CNC-, les villes de Lyon, Grenoble et St Etienne représentent une part importante du marché du film au sein du territoire. « Avec le couvre-feu, la seule adaptation possible est l'aménagement des séances, en matinée ou de supprimer des séances le soir », affirme Cyril Désiré, président de l'association régionale des cinémas indépendants, Les Ecrans et directeur du cinéma Le Navire (Valence).

Une situation de temps plus délicate que les salles de cinéma avaient espéré, dans un premier temps, une adaptation des mesures annoncées, afin qu'un ticket de cinéma puisse être considéré comme un justificatif lors du retour à la maison de ses spectateurs.

« C'est une bataille que l'on a perdu mais on va voir comment cela va se passer au cours des prochains jours. Les vacances de la Toussaint sont l'occasion ou jamais de programmer des séances l'après-midi, avec la sortie qui vient d'être confirmée de certains films comme le dernier Dupontel », ajoute Christophe Maffi, président du Syndicat lyonnais des exploitants de cinéma.

Cependant, ce dernier rappelle que les séances du soir représentent actuellement près de 40 % du chiffre d'affaires des cinémas situés en zone urbaine. « Leur annulation va donc représenter une perte importante, d'autant plus que l'on peut se demander comment vont réagir les distributeurs de films si d'autres régions ou grandes métropoles venaient à passer en couvre-feu, comme on peut l'anticiper, au cours des prochaines semaines », fait valoir Christophe Maffi.

Les acteurs de la filière craignent un effet domino qui aboutirait à une absence de nouveaux films à présenter, à la fois du côté des productions américaines, déjà à l'arrêt depuis la reprise des salles obscures françaises le 22 juin dernier, mais également du côté français, si leur programmation venait à être jugée insuffisante par les diffuseurs.

Un chiffre d'affaire annuel amputé de 50%

Résultat ? Cyril Désiré s'attend à un volume d'activité amputé de 50 % à l'échelle régionale comme nationale pour les salles de cinémas, avec des disparités entre les multiplex (plutôt de l'ordre de 70%) et les salles d'arts et d'essai (-40%).

« Depuis plusieurs années, le marché du cinéma français atteignait les 200 millions d'entrées annuelles : avec la Covid, ce sera déjà bien si on atteint les 100 millions cette année », glisse Cyril Désiré.

Pour l'heure, les cinémas bénéficient des dispositifs de chômage partiel mis en place par le gouvernement, ainsi que des premiers déblocages du fonds d'indemnisation exceptionnel de 50 millions d'euros, promis au printemps et destiné à compenser les pertes d'exploitation des salles. « Mais cette enveloppe, qui devrait apporter de l'air aux petites structures notamment, était destinée en premier lieu à compenser les pertes subies lors du confinement, sans les mesures additionnelles que l'on vient de connaître », prévient Christophe Maffi.

La filière attend donc désormais des précisions concernant les aides du fond régional d'urgence dédié à la culture -32 millions d'euros-, annoncé en mai dernier par la Région Auvergne Rhône-Alpes de Laurent Wauquiez.

Alors que les principaux représentants de la filière ont déjeuné récemment avec la vice-présidente de la Région AuRa à la culture, Florence Verney-Caron, Christophe Maffi cite en exemple plusieurs initiatives déjà mise en place par d'autres régions :

« En Nouvelle Aquitaine, la Région a décidé d'abonder de l'ordre d'un euro à chaque fois que deux euros étaient reversés par le CNC, en soutien aux petites salles classées Art et essais. En PACA, l'exécutif régional a quant à lui annoncé un fond d'urgence aux salles de cinéma de 300.000 euros, auquel s'ajoutent l'achat, pour 200.000 euros, de places de cinémas qui seront ensuite offertes aux habitants ».

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