Immobilier d’entreprise à Lyon : une "forme de démétropolisation" qui s'annonce

Alors que les professionnels du secteur se sont finalement retrouvés ce mardi et mercredi à Lyon, lors du Carrefour de l’immobilier d’entreprise (CIEL), le président de la FNAIM Entreprises, Benoit de Fougeroux, revient sur un marché immobilier local qui afficherait une bonne résistance en dépit de la crise sanitaire. Bien que les élus écologistes aient annoncé une volonté de "rééquilibrage" du marché à l'échelle du territoire, Benoit de Fougeroux estime que la mécanique prendra du temps à s’inverser.
Selon le président de la FNAIM Entreprises, Benoit de Fougeroux, Lyon a gagné un tel niveau d'attractivité que la ville continuera, de toute façon, à attirer de nouvelles entreprises.
Selon le président de la FNAIM Entreprises, Benoit de Fougeroux, "Lyon a gagné un tel niveau d'attractivité que la ville continuera, de toute façon, à attirer de nouvelles entreprises". (Crédits : DR)

Vous êtes à la tête de la FNAIM Entreprises à Lyon, et occupez également un poste de directeur au sein de BNP Paribas Real Estate Transaction pour la région Rhône-Alpes-Auvergne-Bourgogne. En pleine crise sanitaire, quel est l'état des lieux des transactions sur le marché de l'immobilier d'entreprise lyonnais ?

Benoît de Fougeroux : "Nous venions de sortir tout juste d'une période exceptionnelle, où l'on avait enregistré l'an dernier un record de 442.000 m2 placés au niveau du marché tertiaire, contre une moyenne qui se situait plutôt à 250 à 300.000 m2 les années précédentes. Nous anticipons que la demande placée demeurera à ce niveau d'ici la fin de l'année : il s'agira d'une baisse notable, mais je trouve que nous résistons globalement plutôt bien dans le contexte actuel, avec un taux de vacance de seulement 5,4% à l'échelle de la métropole.

Sur le secteur industriel, la dynamique est inversée puisque la demande s'avère quasiment équivalente à celle de l'an dernier, avec 250.000 m2 placés, contre 280.000 m2 en 2019. Les industriels ont besoin d'avoir un outil productif pour participer à la relance de leur activité. On anticipe cependant que ce secteur pourrait connaître un coup de frein à moyen terme, du côté des dispositifs de financements notamment. Car contrairement au tertiaire, les industriels se portent majoritairement acquéreurs de leurs locaux et pourraient ainsi se voir freinés si les exigences de prêts venaient à se resserrer du côté des banques.

Avez-vous observé une évolution de la demande au sein de la métropole, à l'issue de la crise sanitaire ?

"L'une des questions est de savoir ce qu'il adviendra en 2021, car une grande partie des entreprises réfléchissent encore à leur devenir et à la manière de matérialiser leurs espaces de bureaux et leurs modes de travail. Certains projets pourraient encore être revus à la baisse. Avant le confinement, certains salariés évoquaient déjà le besoin de revenir travailler en région, notamment au sein de grandes métropoles comme Lyon, Bordeaux, Nantes ou Strasbourg. Cette tendance ne fait que se renforcer avec la crise sanitaire, où beaucoup de personnes se sont posé des questions concernant leur rapport au travail.

Tout l'enjeu sera donc de savoir comment les entreprises accompagneront ce mouvement : on entend beaucoup parler de télétravail, mais il est encore difficile de savoir quelle en sera l'incidence précise sur le marché de l'immobilier de bureaux. On observe également, depuis, une reprise sur le marché du coworking, avec l'arrivée de nouvelles sociétés qui ont besoin de davantage de flexibilité, sur un nombre de postes assez important. La preuve en est que sur le quartier Part-Dieu à Lyon, l'un des derniers espaces à avoir ouvert en juillet dernier affiche déjà un taux de remplissage de 70%. Cela montre qu'il y a une vraie demande, mais sur des durées qui demeurent courtes, avec encore, un manque de visibilité."

Quelles sont les zones de la métropole lyonnaise qui ressortent comme les grands "gagnants" du confinement ? On parle d'un retour vers les campagnes, se traduit-t-il déjà au sein de la demande des entreprises ?

"Il n'existe pas de quartier d'affaires qui se voie aujourd'hui délaissé, par rapport aux autres. Dans le secteur tertiaire, les principaux "hubs" de la Part-Dieu (3e arr.), de Confluence (2e arr.), ou encore de Gerland (7e arr.) et du Carré de soie (Vaulx-en-Velin) restent très demandés car bien desservis par les transports en commun, avec une large gamme de services.

Dans le secteur industriel, la majeure partie des transactions se passe toujours à l'est de la métropole, comme cela était déjà le cas. Le nord de l'agglomération, du côté de Villefranche, accueille également de plus en plus de projets, car face à la raréfaction du foncier, cette partie bénéficie d'une bonne desserte, avec le raccordement avec l'A89 et l'A6 qui relie Paris, Saint-Etienne, Clermont et Lyon.

De manière plus globale, on remarque que la demande actuelle s'appuie toujours sur un besoin de connexion avec le centre de Lyon et les grandes gares : il n'existe donc pas encore, du côté des entreprises, la volonté d'aller chercher des territoires situés au-delà de la métropole, mais au contraire, de se recentrer".

Lyon a elle aussi été touchée par la vague verte qui a déferlé sur le pays, avec l'arrivée, pour la première fois de son histoire, d'un président de métropole et d'un maire tous deux écologistes, qui ont d'ores et déjà annoncé leur volonté mieux "rééquilibrer" le marché immobilier à l'échelle du territoire. Est-ce que vous anticipez un impact majeur des décisions à venir sur certains quartiers d'affaires emblématiques de la ville, comme la Part-Dieu ?

"Il y aura nécessairement un impact, car la métropole annonce clairement qu'elle veut cesser le développement du tertiaire sur la Part-Dieu, ou tout du moins, baisser le rythme des nouvelles créations au sein de ce quartier, estimant qu'il existe une forme de densification trop importante.

"C'est donc une forme de démétropolisation qui s'annonce, avec la volonté que la métropole ne devienne plus forcément "l'alpha et l'oméga" du développement du territoire. Ce souhait va cependant mettre un certain nombre d'années à se mettre en place, car il faut, pour cela, déjà passer par la création et la densification des transports en commun".

"Toutes les entreprises recherchent aujourd'hui à se situer au pied d'une ligne de tram ou de métro afin d'être accessibles pour leurs salariés. Etre desservi par une seule ligne de TER signifie encore aujourd'hui demeurer à la merci de problèmes techniques ou sociaux... On observe d'ailleurs que le président de la métropole a tenu également à prendre la présidence du Sytral, ce qui démontre sa volonté d'avancer sur ces dossiers, en multipliant le budget du Syndicat des transports en commun par trois".

Pensez-vous que cette nouvelle volonté politique constituera cependant un frein pour accueillir de nouvelles entreprises ?

"Jusqu'à présent, la métropole était très active sur la partie économique et sur l'immobilier d'entreprise, et apportait une dynamique très claire en accompagnant les entreprises dans leurs démarches, en leur offrant des conditions favorables afin que celles-ci trouvent des espaces pour s'implanter. Nous avons aujourd'hui une métropole qui semble vouloir privilégier la qualité de vie, et plus forcément en essayant d'accueillir de nouvelles entreprises en son centre. Nous sommes donc sur une autre vision et approche de la situation, par rapport au mandat précédent.

"Mais très honnêtement, Lyon a gagné un tel niveau d'attractivité que je pense que la ville continuera de toute façon à attirer de nouvelles entreprises. Je ne vois pas comment la tendance pourrait inverser, du moins au cours des années à venir."

Nous restons suffisamment armés pour répondre aux demandes de ces entreprises pour l'instant, avec du foncier encore disponible sur Confluence, Carré de Soie ou Gerland. C'est moins le cas pour Part-Dieu, où le quartier a plutôt tendance à se reconstruire sur lui-même. Je reste donc vigilant, mais confiant".

Lyon vient justement d'être classée en seconde position des meilleures villes du monde, juste derrière Kyoto, par le magazine américain Condé Nast : vous attendez-vous à des retombées ? La notion de qualité de vie, avancée par les nouveaux décideurs écologistes pourra-t-elle booster, elle aussi, l'attractivité de la destination ?

"Il s'agit d'une très belle reconnaissance qui en dit long sur la qualité de vie proposés au sein de la ville, qui est à la fois une ville riche culturellement, historiquement, artistiquement, et gastronomiquement parlant.

Et il est certain que la volonté d'améliorer la qualité de vie au cœur de Lyon est louable et pourrait pousser certaines entreprises à s'installer à proximité de la métropole au sein d'espaces rendus plus agréables, avec des flux de transports plus fluides. Cela pourrait certainement bénéficier au plus grand nombre, et pas uniquement aux lyonnais".

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