Covid-19 : Comment les AOP fromages d'Auvergne font face

Les consommateurs ont délaissé les achats plaisir pour se rabattre sur des achats de produits de base. Les ventes de fromage AOP ont chuté, au moment de l'année où les vaches produisent le plus de lait. La filière s'organise pour ne pas être dévastée à l'issu de la crise.
(Crédits : DR)

Avec le repli des consommateurs vers des produits de base et la fermeture de leur site de distribution (nombreux marchés, arrêt de la restauration hors domicile, suppression de nombreux rayons de fromages à la coupe, etc.), les cinq AOP fromagères d'Auvergne (Bleu d'Auvergne, Cantal, Fourme d'Ambert, Saint-Nectaire et Salers), qui emploient 7 500 personnes et concentrent 2 500 exploitations de taille moyenne, ont vu leurs ventes plonger avec la crise du Covid-19.

"La situation pour l'écosystème local est tendue. Une PME dans le Cantal a stoppé sa production et les autres ont baissé leur production d'au moins 50 %. Parmi les six PME de la zone d'appellation Bleu d'Auvergne, trois sont à l'arrêt, deux ont baissé leur production à 50 %, seule la plus petite continue à produire. Nous n'avons aucune réponse de l'Etat, ni du ministère de l'Agriculture", avance Michel Lacoste, le président du Cnaol, le syndicat des AOP en France, et producteur dans le Cantal.

Intervention de Sodiaal

D'autant que, épidémie ou pas, avec l'arrivée du printemps et la mise à l'herbe, les vaches sont en pleine production de lait : la fabrication n'attend pas alors même que les absences se multiplient chez certains opérateurs. Chaque jour, plus de 900 000 litres de lait sont transformés pour fabriquer du fromage d'Auvergne pour une production de 39 290 tonnes de fromages AOP, soit environ 20% du tonnage AOP fromager français. Dans ce contexte, les PME productrices ne savaient plus quoi faire du lait, ni comment ajuster leurs stocks.

"Les PME des AOP d'Auvergne envisageaient de demander aux éleveurs de jeter du lait. Finalement, nous en avons parlé autour de nous et la coopérative laitière Sodiaal a proposé de racheter les surplus de lait aux entreprises. Ils sont acheminés vers leurs tours de séchage. Cette solution permet de ne pas le jeter," explique Michel Lacoste.

Et même si cette mesure a fait plonger le prix du lait AOP, de 450 à moins de 200 euros la tonne.

"C'est mieux que rien. Sodiaal ne perdra pas d'argent et cette opération ne s'organise pas au détriment de ses adhérents. Cela permet de fluidifier la production", assure Michel Lacoste.

Uniquement coordonnée par les producteurs de la filière, cette opération a néanmoins reçu le soutien de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, qui s'engage à hauteur de 300 000 euros.

"C'est une opération importante pour sauver les meubles aujourd'hui, mais aussi pour cimenter le collectif : les PME et les producteurs de l'AOP seront encore là demain," analyse le dirigeant.

Renouer avec le consommateur

 L'urgence consiste désormais à s'organiser pour résister à la crise.

"À la veille de démarrer la production de nos fromages Salers au 15 avril qui nécessiteront 3 mois d'affinage minimum, nous ne cachons pas notre inquiétude. En attaquant au plus vite la fabrication, nous allons pouvoir dégager du lait et ainsi soulager certains de nos opérateurs. Après deux années de sécheresse, on veut garder l'espoir et croire que la consommation va se redresser dans les semaines à venir," avance Laurent Lours, président de l'AOP Salers et producteur fermier.

"Le soutien aux producteurs de lait et aux producteurs fermiers est indispensable. Tous les professionnels de la filière fromagère auvergnate en ont fait leur cheval de bataille en ce moment délicat. Du producteur de lait, au collecteur, en passant par les transformateurs et les affineurs, les actions mises en œuvre sont coordonnées pour écouler le lait qui ne peut plus être transformé suite à la non consommation et stocker les fromages en report lorsque c'est possible", abonde Patrice Viala, président de l'AOP Saint-Nectaire et directeur de fromagerie.

Les 5 AOP fromagères d'Auvergne ont mis en place des mesures pour limiter la perte du lait mais aussi, et surtout, favoriser l'accès à la vente du Bleu d'Auvergne, du Cantal, de la Fourme d'Ambert, du Salers et du Saint-Nectaire.

"Il suffit d'un geste simple : déguster nos fromages. Cela sauverait nos petites exploitations et toutes nos entreprises", résume Laurent Lours.

La crise du Coronavirus survient au plus mauvais moment. Elle coïncide avec la mise à l'herbe des vaches et au pic de production annuelle

"Nous pouvons nous adapter pour proposer aux consommateurs tous types de formats et de découpe de nos fromages. Cela permettra, je l'espère de sauver nos AOP. Notre avenir passera forcément par une volonté collective de tous les maillons de la chaîne : producteurs, distributeurs, consommateurs," conclut Didier Thuaire, le président de l'AOP Fourme d'Ambert et directeur de fromagerie.

Pour participer néanmoins à l'élan national de solidarité et d'entraide, les fromages d'Auvergne distribueront une cinquantaine de plateaux composés d'environ 10 kg de fromages aux personnels soignants des principaux établissements hospitaliers d'Auvergne, de Lyon et de Paris.

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