Covid-19 : Le tourisme de montagne fait ses comptes

Un peu plus d’une semaine après la fermeture anticipée de l’ensemble des stations de ski françaises l’heure est déjà au premier bilan. Les acteurs de la montagne, qui avaient jusqu’ici réalisé une bonne saison, ont été rattrapé brutalement par la situation sanitaire à la mi-mars. Ils tentent désormais de chiffrer leurs pertes.
Selon l'Observatoire Savoie Mont Blanc, le manque à gagner pour les professionnels du tourisme est estimé à plus de 800 millions d'euros rien que sur son territoire.
Selon l'Observatoire Savoie Mont Blanc, le manque à gagner pour les professionnels du tourisme est estimé à plus de 800 millions d'euros rien que sur son territoire. (Crédits : DR)

C'est l'Observatoire Savoie Mont Blanc qui a ouvert le bal, cette semaine, avec la publication de ses premières estimations. Selon l'organisme, qui réunit 112 stations de Savoie et Haute-Savoie, le manque à gagner pour les professionnels du tourisme est estimé à plus de 800 millions d'euros sur son territoire. Avec, notamment près de 10 millions de nuitées perdues, tous hébergements confondus, ainsi que 6 millions le nombre de journées-skieurs non réalisées, soit l'équivalent de 15% en moyenne de l'activité des remontées mécaniques des stations.

"Même fourchette pour l'École du ski français (ESF), qui s'appuie sur plus de 10 000 moniteurs déployés sur l'ensemble des stations de Savoie et Haute-Savoie", ainsi que pour l'Union Sport et Cycle, qui annonce elle aussi des pertes de 15 % de CA pour les magasins de sports.

D'après une projection du cabinet Contours ayant estimé le montant des dépenses effectuées en stations sur une saison, l'Observatoire Savoie Mont Blanc évalue ainsi le manque à gagner pour la saison 2019/2020 à plus de 800 millions d'euros sur son territoire.

Côté isérois, le directeur d'Isère Tourisme, Vincent Delaitre, a aussi fait les comptes. Et ce, en se basant lui aussi sur une analyse, réalisée il y a deux ans, afin d'évaluer le poids du secteur touristique sur l'économie iséroise.

"Les stations ayant été contraintes de s'arrêter brutalement lors du week-end du 15 mars. Et ce, alors que les hébergement pouvaient encore afficher des taux de remplissage de 70 à 80% dans les grands domaines, qui ferment traditionnellement entre la mi-avril et le mois de mai", analyse Vincent Delaitre.

Selon lui, les pertes s'élèveraient ainsi près de 118 millions d'euros pour l'ensemble des acteurs touristiques du territoire, rien que sur la période allant du 15 au 31 mars. Et ce, pour un secteur qui réalise annuellement près de 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires, avec près de 23 300 employés au sein de 15 000 entreprises.

Si la segmentation entre les acteurs du tourisme de montagne et de la ville n'a pas été réalisée dans ce calcul, "on sait que l'économie de la montagne représente, en moyenne 60% des revenus touristiques en Isère", ajoute-t-il.

L'ensemble des secteurs touchés

L'essentiel de ces pertes se concentrerait dans le milieu de la restauration, qui représente près de la moitié de l'économie touristique du territoire. Les quelques 5000 restaurants isérois auraient ainsi essuyé près de 66 millions d'euros de pertes. Avec, comme second poste le plus touché, le secteur de l'hébergement qui, "même s'il a tenté de continuer quelques jours, ne serait-ce que pour loger les vacanciers qui n'avaient pas pu trouver de moyen de transport pour repartir directement", afficherait tout de même près de 20 millions d'euros de pertes en seulement 15 jours.

"On a ensuite le secteur du transport et des agences voyages, qui perdrait ainsi 18 millions d'euros en mars, ainsi que le domaine des loisirs qui enregistre 15 millions d'euros en moins", traduit Vincent Delaitre.

Des données qui ne reflètent cependant que la situation du mois de mars...

"Pour le mois d'avril à venir, nos projections estiment que l'on atteindrait 135 millions d'euros de pertes".

Le directeur d'Isère Tourisme estime cependant que la survenue de cette crise, qui intervient à la mi-saison, reste "un moindre mal" pour les acteurs de la filière iséroise.

"Contrairement à d'autres régions où les vacances de Pâques représentent un moment important, cette période constitue habituellement un creux entre la saison d'hiver et d'été. Cela aurait été autre chose si les acteurs avaient été touchés lors de leur pic d'activité de décembre à mars, où ils réalisent près de 60% des nuitées par exemple", affirme Vincent Delaitre.

Pour Domaines Skiables de France (DSF), un syndicat qui rassemble près de 200 entreprises de remontées mécaniques à l'échelle nationale, dont les 2/3 au sein des Alpes du Nord, la situation n'a pas été simple non plus pour les exploitants, qui ont dû gérer un arrêt brutal de leurs infrastructures.

"L'heure était grave et le justifiait sans doute, mais il n'a pas été simple d'offrir une expérience client exemplaire aux clients qui venaient d'arriver le samedi et qui avaient déjà loué leurs skis, pris leurs forfaits, etc et qui ont dû se faire rembourser le lendemain", explique Laurent Reynaud, délégué général.

Selon lui, c'est ainsi près de 15% de l'activité des remontées mécaniques annuelle qui s'est vue amputée, pour des sociétés de remontées mécaniques qui effectuent 95% de leur chiffre d'affaires durant les cinq mois d'hiver.

"La situation serait même beaucoup plus critique pour les stations du Massif Central et des Vosges, qui ont été pénalisés tout au long de la saison par le manque de neige et se trouvaient déjà en situation de crise économique. Il n'est pas exclu que l'existence de certaines d'entre elles soit remise en cause, tout dépendra des actions de soutien qui pourront être envisagées par les collectivités", estime Laurent Reynaud.

Car ce dernier rappelle qu'en dehors des revenus attribués aux domaines skiables, ces derniers drainent également toute une économie au sein des communes de montagne, qui fait vivre un certain nombre de professionnels (moniteurs de ski, hôtellerie restauration, loueurs et magasins de sport, etc).

Au total, ce serait ainsi 1,5 milliards d'euros de dépenses touristiques, tous domaines confondus, qui vont manquer au sein de l'ensemble de l'économie de la montagne, à l'échelle de l'Hexagone.

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