Transfert de l'Institut 4.10 à Saint-Etienne : quand le gouvernement fait passer une rationalisation pour une décentralisation

Le siège de l’institut 4.10, organisme de formation des agents de la Sécurité Sociale, et 68 salariés exerçant des fonctions supports, seront transférés à Saint-Etienne d’ici 2021. Si cette décision est présentée dans le cadre du plan de décentralisation de l’administration publique, il s’agit en réalité de la rationalisation d’un organisme affichant des pertes financières conséquentes.
(Crédits : Reuters)

C'est par le biais de l'article paru dans La Tribune le 15 novembre dernier que salariés et administrateurs de l'Institut 4.10 ont appris le transfert de leur siège social à Saint-Etienne ainsi que celui des 68 agents en charge des fonctions supports.

Une décision actée le matin même dans le cadre du 4e comité interministériel de la Transformation Publique, un plan qui vise à relocaliser certaines administrations hors de Paris et des grandes métropoles régionales afin de déconcentrer la prise de décision.

Sauf que si le siège social de l'Institut 4.10 est bien, sur le papier, à Paris, en réalité seules 4 des 68 personnes annoncées y sont basées. Les autres membres de ces fonctions supports sont disséminés sur les 14 autres centres régionaux de l'Institut 4.10. Une organisation héritée de l'histoire.

"L'Institut 4.10 est né de la fusion, en 2016, de 15 centres régionaux. L'Etat a jugé qu'il était plus opportun de les faire travailler ensemble, plutôt qu'en concurrence. L'organisation a été calée avec des personnes assumant les fonctions supports dans chacun des centres régionaux", rappelle ainsi Yves Laqueille, président du conseil d'administration de cet organisme géré paritairement.

Il est par ailleurs directeur général du Groupement des industries métallurgiques de la région parisienne (GIM). Dans ces conditions, peut-on vraiment parler de délocalisation et de déconcentration lorsqu'il s'agit en réalité de regrouper les fonctions support à Saint-Etienne. Certes en province mais bel et bien sur un même site ?

La réponse est assurément non pour Nicolas Blanc, délégué syndical FO de l'Institut 4.10 et basé à Lyon.

"Le projet de ce gouvernement est de décentraliser de Paris vers la Province. Or, c'est déjà le cas pour nous ! Un tel projet s'apparente plutôt à une centralisation ! Nous ne laisserons pas se réaliser une telle absurdité politique", s'indigne-t-il.

Exaspéré également par la méthode, avec une annonce à la presse sans concertation interne au préalable, il se dit abasourdi par cette décision inattendue. La méthode agace également Jean-Eudes Tesson, président de l'UCANSS (Fédération d'employeurs du régime de la Sécurité Sociale) :

"Le choix du siège social relève du conseil d'administration de l'Institut dont les membres sont désignés par le conseil de l'UCANSS, composé lui-même des partenaires sociaux. Ni le président de l'Institut 4.10, ni moi même n'avons été prévenus du projet !", affirme-t-il.

Comme Nicolas Blanc, il conteste par ailleurs le fond de l'affaire :

"Lorsque nous avions créé l'Institut 4.10, nous avions décidé justement de ne pas centraliser les fonctions supports. Même si l'Etat ne recentralise pas à Paris, c'est bien une centralisation qu'il nous demande. L'argument de la décentralisation ne tient pas une seconde. C'est une belle boulette !".

Retrouver l'équilibre financier

Les motivations de cette décision sont donc à chercher ailleurs. Et même s'il n'a pas été présenté sous cet angle à la sortie du 4e comité interministériel de la transformation publique, c'est du côté des finances que se niche en réalité la clé de ce transfert à Saint-Etienne. Depuis sa création, l'Institut 4.10 ne parvient en effet pas à équilibrer ses comptes.

"Nous perdons plusieurs millions d'euros par an. Il n'y a pas urgence car nous avions des fonds de réserve mais il faut que ce problème soit réglé d'ici deux ou trois ans. Depuis 2016, nous avons structuré et construit des outils communs. Dans le contexte de bouleversement de la formation professionnelle, l'organisation n'est pas aussi efficace qu'on l'aurait souhaité", souligne le président du CA de l'Institut 4.10, Yves Laqueille".

Du côté du cabinet du Premier Ministre, on confirme un manque d'efficience nécessitant un regroupement des fonctions supports. Les centres régionaux continueront, eux, de perdurer.

"Nous avons pris acte du bon de commande officiel du gouvernement lors de notre conseil d'administration de ce mardi 26 novembre. Nous allons désormais discuter avec les partenaires sociaux pour mettre cela en ordre. Il n'est pas dans les habitudes du monde de la Sécurité Sociale de transférer les salariés contre leur gré. S'ils ne veulent pas rejoindre Saint-Etienne, nous verrons s'ils peuvent être formés pour intégrer d'autres services du spectre de la Sécurité Sociale et nous recruterons éventuellement directement à Saint-Etienne. Et si nous avons un peu de retard sur le plan de marche, je ne crois pas qu'on nous en tiendra rigueur", commente encore Yves Laqueille, se voulant rassurant sur les conditions de ce transfert.

Le président met également en avant les synergies qui pourront être mises en œuvre avec l'EN3S, déjà implantée à Saint-Etienne et positionnée sur la formation des cadres de la Sécurité Sociale. La Direction de la Sécurité Sociale, très impliquée dans ce dossier, n'a pas donné suite à nos sollicitations.

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