Et si demain… un prix Nobel sortait des laboratoires grenoblois ?

Berceau d’un écosystème alliant recherche, industrie et enseignement supérieur, la métropole de Grenoble héberge plus de 7 000 enseignants-chercheurs. Si celle-ci a l’habitude d’accumuler les récompenses – un prix Nobel a été dernièrement octroyé à l’un de ces anciens étudiants, le physicien Gérard Mourou –, qu’en serait-il si demain, une telle distinction était décernée à l’un de ses chercheurs en activité ? Cela changerait-il la donne pour la capitale alpine ? Acteurs de l’économie-La Tribune a imaginé, à l’occasion de la sortie de son ultime numéro, neuf scénarii pour la région Auvergne-Rhône-Alpes. Autant d’évolutions, de transformations, de métamorphoses, tour à tour anecdotiques ou révolutionnaires mais ni futuristes ni absurdes. Ils proposent un éclairage nouveau, un regard distancié, qui pourraient, un jour, interroger l’écosystème du territoire, et soulèvent des problématiques de natures sociale, environnementale, politique, culturelle et économique qui font sens et questionnent… aujourd’hui. Dernier volet de notre série.
Gérard Mourou, prix Nobel de physique 2018, est un ancien étudiant de l'UGA.
Gérard Mourou, prix Nobel de physique 2018, est un ancien étudiant de l'UGA. (Crédits : École polytechnique - J. Barande)

Certains la surnomment « la Silicon Valley » à la française. La ville de Grenoble, nichée entre quatre massifs alpins, est connue pour être un berceau propice à l'industrie microélectronique notamment, avec la présence d'un triptyque alliant instituts de recherche (CEA, CNRS, INRIA...), mais aussi des universités (UGA, Grenoble INP, IAE, Grenoble École de Management) ainsi que des entreprises d'envergure mondiale (STMicroelectronics, Soitec, Schneider, GE Hydro...).

Elle est régulièrement positionnée au sein des classements internationaux, son dernier prix Nobel remonte pourtant à 1970 avec le professeur de physique Louis Néel, avant qu'une nouvelle récompense ne soit remise cet automne à un ancien étudiant de l'UGA, le physicien Gérard Mourou.

Une bonne nouvelle qui devrait cependant n'avoir qu'un effet limité sur le territoire.

« Nous sommes très contents et fiers pour Gérard Mourou. Mais celui-ci ayant passé l'essentiel de sa carrière au Michigan puis à Polytechnique, cette récompense aura pour l'UGA un impact modéré, y compris sur les classements internationaux », analyse Patrick Lévy, président de l'Université Grenoble Alpes (UGA).

Celui-ci rappelle cependant que l'écosystème grenoblois a déjà reçu d'autres récompenses de taille, comme le prix de la prestigieuse fondation américaine Lasker, remis en 2014 au neurochirurgien Alim-Louis Benabid. Ou encore le prix Turing 2007, une récompense considérée comme l'équivalent du prix Nobel dans le domaine de l'informatique, remis au chercheur et ancien directeur du CNRS Joseph Sifakis. Il y a peu de temps de cela, un prix Breakthrough 2019 avait été décerné à l'actuel directeur de recherche CNRS à l'Institut Fourier, Vincent Lafforgue, dans la catégorie des mathématiques.

« Ces prix ont également un impact en termes de reconnaissance universitaire et au niveau économique, car ils démontrent la qualité de la recherche locale », considère Patrick Lévy.

Pas une course en soi, mais...

Le classement de Shanghai ferait lui-même la part belle aux récipiendaires des prix Nobel. « Le nombre de Nobel décernés aux étudiants d'un établissement constitue le second critère par ordre d'importance au sein de ce classement, ce qui signifie qu'une avancée à ce sujet pourrait permettre à l'université d'entrer probablement dans le top 100 », rappelle Yassine Lakhnech, directeur exécutif recherche et valorisation de l'Idex Université Grenoble Alpes.

Patrick Lévy reconnaît lui aussi que, conformément à la réception de tout prix d'envergure, l'impact économique pour le territoire pourrait être fort, que ce soit vis-à-vis des aides publiques ou en matière d'aides privées perçues par les établissements ou les équipes.

Pour Hugues Poissonnier, professeur à Grenoble École de Management (GEM), nul doute qu'une telle distinction « ne s'avérerait pas neutre » lorsque des établissements de la ville se trouveraient en lice dans des appels à projets.

« Si cette distinction était adressée à des chercheurs en fonction, cela mettrait un véritable coup de projecteur sur la dynamique scientifique du site », abonde Frédéric Dufour, vice-président du Conseil scientifique et de la recherche de Grenoble INP.

Car il serait faux de croire qu'un Nobel ne récompense que l'œuvre d'un seul homme.

Pas de chasse aux nobélisables

Pour Hugues Poissonnier, elle aurait forcément un impact sur l'ensemble des acteurs.

« C'est un coup de projecteur porté à la fois sur les écoles et les organismes de recherche qui se situent sur le territoire et qui travaillent ensemble. »

Et il cite en exemple « la théorie du lotissement », développée par le patron de GEM, Loïck Roche, qui observe que la vente avantageuse d'une maison a tendance à tirer vers le haut les prix de tout un quartier.

« On ne se trouve pas dans un système de concurrence sur ce point : tout ce qui est bon pour un territoire est bon pour l'ensemble des acteurs qui en font partie. »

Avec, selon lui, un atout de taille pour la ville vis-à-vis de l'étranger. « Elle possède déjà une certaine image de l'innovation et c'est pour cette raison que de grands industriels choisissent Grenoble pour y installer des chaires de recherche. »

Néanmoins, « une université peut rayonner sans avoir à passer par des dispositifs aussi lourds. Il n'est pas exclu que l'UGA reçoive à l'avenir un autre prix, mais pour cela, il faut travailler sur les talents. Faire la chasse aux nobélisables n'est pas une bonne stratégie », ajoute Yassine Lakhnech, estimant qu'une concentration des moyens sur ce plan nuirait à la recherche dans son ensemble.

Frédéric Dufour, à Grenoble INP, rappelle qu'avant d'arriver à ce niveau, « il existe toute une série d'étapes de reconnaissances possibles, notamment au travers des projets ERC ou des publications réalisées au niveau local ».

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Commentaire 1
à écrit le 03/01/2019 à 9:15
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Il y a une confusion plusieurs fois dans cet article, directeur de Recherche au CNRS est un grade des chercheurs. Il y en a plusieurs milliers. Çà ne veut pas dire directeur du CNRS. Ni J.Sifakis ni V. Lafforgue n'ont dirigés le CNRS

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