Quel avenir pour la filière hydroélectrique iséroise ?

Berceau de la Houille blanche, mais aussi de nombreux barrages, l’Isère est l’un des poumons français en matière d’hydroélectricité. Alors que la branche Hydro de l’un des principaux acteurs du secteur, General Electric, est visée depuis plusieurs mois par un plan social, les représentants de la filière hydroélectrique s'arment pour affronter ce marché d’avenir, mais fortement concurrentiel.

Première source d'électricité renouvelable, l'hydroélectricité représente aujourd'hui entre 11 et 14 % de la production électrique française. Avec 20 700 emplois générés à travers l'Hexagone, la région Auvergne Rhône-Alpes, et notamment l'Isère, constituent des poids lourds : le département héberge pas moins de sept entreprises leaders de la filière, ainsi qu'un écosystème de startups et PME.

Alors que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 souhaite faire grimper la part des énergies renouvelables à 40% d'ici 2030 (contre 16,8 % aujourd'hui), quel est l'avenir de ce marché, qui pâtit notamment d'une concurrence forte au niveau mondial, mais aussi d'une réglementation jugée lourde par ses principaux acteurs ?

Depuis plusieurs années, le marché européen, plutôt mature, se situerait en perte de vitesse face aux pays émergeants où l'ensemble des installations reste encore à mettre en place. S'il existe tout de même encore quelques projets d'envergure en France, tels que celui de la centrale de Romanche-Gavet, le plus gros chantier hydroélectrique français - destiné à remplacer cinq barrages et six centrales -, ou encore l'aménagement de la centrale de la Coche (Savoie), qui vise à augmenter la puissance électrique de la centrale existante, "90% du marché actuel français est plutôt lié à la maintenance ou à la réhabilitation, avec une mise à niveau vers des installations plus puissantes", détaille Mickaël Aubry, chez CIC Orio.

Sabine Bernard Dang, chargée de mission à l'agence iséroise Une Rivière Un Territoire d'EDF, estime à ce titre que la réglementation constitue encore un frein au développement de nouvelles installations.

"Bien qu'il existe encore du potentiel au niveau français si l'on parvenait à lever certains verrous administratifs, les perspectives les plus intéressantes pour le neuf se situent désormais plutôt dans les pays émergeants, en Afrique ou en Asie", résume-t-elle.

La maintenance et la surpuissance, deux marchés d'avenir

Au sein de l'Hexagone, la majorité du marché est donc tirée par les opérations de maintenance et l'installation de systèmes plus puissants. Sabine Bernard Dang rapporte ainsi que le groupe EDF a investi l'an dernier 500 millions d'euros à destination de son parc existant.

Spécialisé à l'origine sur les segments de l'industrie et de l'aménagement de la montagne, le cabinet d'ingénierie métallique CIC Orio (Isère) a lui-même choisi d'entrer sur ce marché il y a seulement trois ans.

"Nous réalisons déjà 1 million d'euros de chiffre d'affaires dans l'hydroélectricité, et ce chiffre pourrait encore augmenter", affirme Mickaël Aubry.

Positionnée dans le domaine de la maintenance et réhabilitation de structures, la société, qui emploie 120 salariés, travaille pour le compte de grands groupes comme EDF ou la Compagnie Nationale du Rhône (CNR). "Il y a une place à prendre sur le marché de la maintenance", glisse-t-il. CIC Orio prévoit d'ailleurs de construire une nouvelle usine à quelques kilomètres de son site de Champ-sur-Drac d'ici 2019 en vue de mieux répondre aux enjeux de ce marché.

Mais une nouvelle mesure pourrait cependant bousculer le secteur : alors que le groupe EDF se trouve jusqu'ici en position dominante (avec près de 400 barrages exploités), l'Union Européenne n'a de cesse d'appeler la France à ouvrir à la concurrence une partie de ses barrages.

Cette décision, qui pourrait prendre effet dès 2022, à l'occasion du renouvellement d'une centaine de concessions, sème le doute chez certains acteurs du marché :

"On voit des clients réaliser les opérations de maintenance nécessaires mais qui refusent d'investir tant qu'ils sont dans l'incertitude. Le marché tourne donc un peu au ralenti", confie l'une de nos sources.

Des tendances vers l'open-innovation

Touchée récemment par l'annonce d'un plan social sur son site de Grenoble, avec 293 postes supprimés sur un total de 800, la branche Hydro du groupe General Electric (GE) se positionne quant à elle à la fois sur le marché de la maintenance du parc installé, mais aussi de la fabrication de pièces de rechange et de nouvelles générations de turbines, destinées principalement aux pays émergeants.

"On constate que la demande est en légère croissance sur certaines zones comme l'Amérique du Sud ou l'Australie, mais le marché du neuf reste en dents de scie", observe Vincent Clapasson, chargé d'affaires à GE Renewable Energy, le pôle dédié aux énergies renouvelables du groupe.

Selon lui, c'est l'innovation qui permettra aux acteurs de se démarquer sur ce marché déjà mature. "On voit des nouveautés au niveau du design, ainsi que l'essor de la demande pour des produits fish-friendly par exemple, qui favorisent la biodiversité". Il constate également une hausse de la demande pour l'intégration des commandes digitales et numériques au sein des machines.

Pour Sabine Bernard Dang à EDF, "il existe une compétition saine sur la scène internationale qui pousse les grands acteurs à innover pour se démarquer". Selon elle, le groupe EDF travaille par exemple à intégrer l'usage de nouvelles technologies en collaborant avec des jeunes pousses locales.

"Nous avons développé un drone sur-mesure en collaboration avec l'entreprise CT2MC (Savoie), pour réaliser l'inspection et le relevé des eaux sans manipulation humaine", détaille Sabine Bernard Dang. Elle cite également en exemple des essais menés récemment sur une retenue d'eau avec le drone subaquatique de la start-up iBubble (Isère).

Parmi les pistes envisagées, figure également le développement de l'intelligence artificielle, en vue de faire remonter et de traiter les données issues des centrales.

"On voit aussi des start-ups qui se positionnent aujourd'hui sur les petites turbines, avec des solutions comme Hydroquest avec ses hydroliennes fluviales", note Mickaël Aubry, chez CIC Orio.

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