Grenoble : un centre commercial nouvelle génération aux portes de la ville

C'est désormais acté. Après une délibération favorable il y a quelques semaines en Conseil Métropolitain, le promoteur Apsys, vient de recevoir son permis de construire pour aller de l'avant sur le projet Neyrpic. Ce grand ensemble commercial verra donc le jour d'ici fin 2020 sur d'anciennes friches industrielles. De quoi susciter les inquiétudes diverses.
(Crédits : DR)

Reconstruire un immense pôle de vie en lieu et place des anciennes halles industrielles Neypric, regroupant à la fois des loisirs, de commerces, des restaurants et d'un parking silo... Avec ses 50 000 m2 de surface plancher qui hébergeront 9 enseignes de moyennes surfaces, 86 boutiques et 20 cafés-restaurants, ce projet de centre commercial vient d'obtenir son permis de construire, après plusieurs mois de recours.

Lancé en 2006 par la Ville de Saint-Martin-d'Hères, il vise à "faire la jonction entre la mairie et le campus", au sein d'une ZAC regroupant des services, des commerces, mais aussi des logements.

Mais après avoir remporté l'appel à projets lancé par la ville en 2007 (budget global estimé à 190 millions d'euros, achat du foncier compris), le promoteur a essuyé une série de recours.

"Nous avons déposé les autorisations administratives afin de pouvoir créer des commerces, et malgré un premier vote favorable de la commission Commission départementale d'aménagement commercial (CDAC), le projet a été attaqué sur le plan de l'immobilier commercial avant d'être de nouveau approuvé par le CDAC puis attaqué une nouvelle fois et à nouveau confirmé par le Conseil d'Etat", illustre Clément Guihot, directeur d'opérations au promoteur Apsys.

Peu après avoir reçu une délibération de la Métropole en faveur du projet, le promoteur vient d'obtenir le permis de construire qui lui manquait pour pouvoir entamer les travaux.

Ces derniers devraient ainsi démarrer en fin d'année (sous réserve qu'aucun recours supplémentaire ne soit soumis dans les deux mois) pour une livraison prévue au dernier trimestre 2020.

"Nous avons déjà de préréservations, mais nous ne souhaitons pas communiquer sur le détail pour l'instant", avance le promoteur.

Une crainte pour l'attractivité du centre-ville

Pourtant, depuis plusieurs mois, c'est la taille de ce nouveau complexe qui a suscité le rejet de la part des commerçants grenoblois, qui craignent que ce nouvel espace commercial dernier cri ne siphonne leur clientèle.

"Nous avons fait des courriers aux élus métropolitains en accord avec les différentes unions commerciales, mais nous avons perdu les recours. Nous ne sommes pas contre le projet Neyrpic, mais contre sa taille, qui est gigantesque", atteste Christian Hoffmann, antiquaire et président de Label Ville, l'Association des unions commerciales de Grenoble (AUCG).

Il évoque notamment certains gros acteurs comme les Galeries Lafayette, mais aussi les centres commerciaux de la Caserne de Bonne et de Grand-Place qui pourraient également affectés par cette redistribution des cartes. "C'est un peu la goutte d'eau qui fait déborder le vase car nous avons déjà un taux de vacances des locaux commerciaux de 8,3% à Grenoble".

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François Bazès, vice-président de la CCI de Grenoble en charge du commerce, parle également d'un projet "complexe et déséquilibrant pour toute l'agglomération". Il admet que certaines concessions ont été faites, mais qu'elles demeurent à la marge.

"Des comités d'enseignes vont être montés mais cela ne change pas le déséquilibre qui sera fait sur l'agglomération. On sait que de grandes enseignes comme la Fnac ou les Galeries Lafayette, qui sont des locomotives, se posent la question de relooker leur établissement. Mais la question est de savoir si elles auront un retour sur investissement face à l'arrivée de surfaces comme Neypric".

Marc Mayet, gérant de la bijouterie Wegelin située place Victor Hugo, évoque un problème de stratégie de la part de la métropole. "Il y a bien entendu des choses à faire pour développer le commerce à Saint-Martin-d'Hères, mais de là à parler d'une surface commerciale de cette taille... C'est surdimensionné par rapport à la ville".

Ce dernier craint notamment que la clientèle ne se détourne du centre-ville, rendu moins accessible après le nouveau plan de circulation mis en place par la ville de Grenoble l'an dernier (avec notamment, la fermeture du boulevard Agutte Sembat), au profit de ce nouvel ensemble qui comprendra des stationnements facilités.

"Il ne faut pas oublier que c'est le cœur de ville qui tire toute l'agglomération, et que si l'on pompe son énergie, on va perdre en attractivité globale", estime Marc Mayet.

Des engagements avec la Métropole

Le président de la métropole, Christophe Ferrari, rappelle qu'un débat s'est tenu au sein de la métropole sur ce projet, "à travers notamment un élément anodin mais nécessaire au projet, qui était le déclassement d'une voirie".

"Cela a été accompagné d'un protocole entre la ville de Saint-Martin-d'Hères, la métropole et le promoteur qui a débouché sur 11 engagements visant notamment à garantir un équilibre vis-à-vis des autres pôles commerciaux de la métropole", précise l'élu.

D'après ce protocole, jusqu'à 9 500m2 sur les 24 000 m2 de surface commerciale annoncée seront ainsi réservés à des enseignes existantes de la rue Gabriel Péri, et dont les anciennes surfaces seront écrasées et reconverties en logement.

"Par ailleurs, 60% des 80 boutiques annoncées seront des enseignes qui n'étaient pas présentes sur Grenoble", affirme le président de la métropole, qui ajoute que le protocole garantit également le fait "qu'il ne sera pas possible de débaucher des enseignes actuelles du centre-ville, à moins qu'elles n'installent une seconde boutique à Neypric pour une durée de 5 ans au minimum".

Un comité d'enseigne regroupe la métropole, la ville de Saint-Martin-d'Hères et le promoteur. "Ce protocole est assez unique en son genre et exigeant", estime Christophe Ferrari. "Le centre-ville de Grenoble est et restera le cœur de chauffe de la métropole, mais cela ne veut pas dire qu'il doit être l'unique zone commerciale de Grenoble".

Pour autant, François Bazès, à la CCI, porte un regard dubitatif sur les règles posées par la collectivité : "Le commerce est libre... Les commerçants de la rue Gabriel Péri pourront choisir ou non d'être relocalisés à Neyrpic, mais tout est en bout de ligne un enjeu de ratio économique".

Un projet affiché comme complémentaire

Du côté du promoteur, on rappelle que l'idée est au contraire de s'inscrire en complémentarité du tissu commercial existant.

"Saint-Martin-d'Hères était déjà un pôle commercial. L'idée est de proposer un lieu commercial de nouvelle génération, avec du shopping, mais aussi un lieu de vie et de loisirs, afin d'accueillir des enseignes qui n'étaient pas présentes dans l'agglo", affiche Clément Guihot.

S'il ne cache pas sa volonté de rayonner sur la métropole grenobloise et d'attirer, grâce à une bonne desserte par les transports en commun, "un nouveau public qui ne trouvait peut-être jusqu'ici pas entièrement réponse à ses besoins", le promoteur compte notamment sur la proximité des 40 000 étudiants, mais aussi des actifs qui travaillent sur le campus. "Nous souhaitons aussi aller chercher des commerces innovants, des acteurs locaux et devenir un lieu de destination".

Pour cela, Apsys s'appuiera notamment sur son expérience réalisée en Pologne, où le promoteur a restauré, il y a 12 ans, d'anciennes usines textiles pour en faire un grand pôle commercial, Manufactura.

"Neyrpic a lui aussi une forte résonance locale et du charme. Il est bien desservi par les transports en commun et se trouve déjà à côté d'une grosse enseigne de l'alimentaire. Beaucoup d'ingrédients sont déjà réunis", estime le promoteur.

"On constate qu'à chaque fois que l'on arrive avec une offre complémentaire à l'existant, l'idée est bien d'apporter une singularité et un plus et de respecter les équilibres globaux", complète Clément Guihot.

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