Dominique Jabouley : "Pourquoi nous stoppons notre mouvement des Dupés"

Créé en 2013 à l’initiative d’un groupe d’industriels du textile ligérien pour protester notamment contre l’obésité croissante du Code du travail, le mouvement Les Dupés ("Dirigeants Ulcérés par la Politique Economique et Sociale") met un terme à son existence. Entretien exclusif avec son leader, Dominique Jabouley, dirigeant du groupe stéphanois éponyme, qui détaille les raisons - instructives - de ce sabordage.
Dominique Jabouley

ACTEURS DE L'ECONOMIE - LA TRIBUNE. Votre mouvement a recueilli plus de 5 000 soutiens de chefs d'entreprise à travers la France. Pourquoi ce sabordage décidé aujourd'hui ? Estimez-vous que l'arrivée d'Emmanuel Macron va régler tous les problèmes des patrons de PME et que votre voix n'a plus de raison de se faire entendre ?

DOMINIQUE JABOULEY. Nous n'avions pas vocation à durer éternellement. Nous avions décidé en interne, dès le début, que nous mettrions fin aux Dupés l'année de l'élection présidentielle. L'objectif n'était pas de créer une nouvelle organisation patronale. Il y avait deux options : soit nous nous retirions en 2017 avec un bilan très négatif car rien n'aurait bougé. Soit nous aurions réussi à faire avancer les choses. Aujourd'hui, nous nous sabordons certes, mais avec de réelles satisfactions.

Evidemment, il reste encore beaucoup de choses à faire mais nous estimons que les dernières réformes vont dans le bon sens. Emmanuel Macron a engagé un changement, une dynamique, qui n'avait jamais été impulsés par tous les gouvernements précédents, tous partis confondus. C'est un bon début ! Ni la droite, ni la gauche n'avaient été capables de s'engager dans cette direction.

Quels étaient les motifs qui, en 2013, vous avaient poussé à lancer ce mouvement des Dupés ?

Notre premier combat concernait le Code du Travail avec des règles devenant de plus en plus nombreuses et complexes à mettre en œuvre dans des entreprises de petite et moyenne taille. Cette évolution tuait les entreprises et donc les emplois car elle créait une peur d'embaucher. Cela nous semblait un non-sens ! Le mouvement avait démarré avec une photo de quatre codes du travail datant de différentes époques.

Le résultat était saisissant ! Notre deuxième cri d'alarme concernait le coût du travail, excessivement plus élevé que celui des autres pays européens. Nous avions donc voulu saisir nos organisations patronales de cette question. Mais ni Laurence Parisot au Medef, ni la CPME (CGPME à l'époque) ne nous avaient répondu.

Nous nous sommes donc inscrits dans la suite des Poussins et de tous ces mouvements d'entrepreneurs qui ne se sentaient pas entendus. Je dois préciser que, dès son élection au Medef, Pierre Gattaz s'est emparé de nos inquiétudes. Nous avons néanmoins préféré rester indépendants de toute organisation, et nous avons mené un vrai travail de lobbying en rencontrant les équipes de tous les candidats à l'élection présidentielle.

Vous parliez de motifs de satisfaction, lesquels ?

Nous avions fait 21 propositions dans le cadre de la Loi Travail. Nous avons constaté que plusieurs mesures adoptées vont dans le bon sens. Par exemple, la possibilité dans les entreprises de moins de 50 salariés de discuter directement avec les représentants du personnel, sans passer par les organisations syndicales ! Enfin un peu de démocratie dans les entreprises... C'est une excellente mesure que nous appelions de nos vœux.

Nous pouvons citer aussi l'assouplissement des conditions de licenciement. Les dirigeants de petites et moyennes entreprises ne disposent pas forcément de conseils juridiques au quotidien, ils peuvent faire des erreurs. Dans ces conditions, la barémisation des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif est une très belle avancée. Cette mesure va réduire la peur d'embaucher. Je salue aussi la fusion des instances représentatives du personnel. Ce sera un gain de temps non négligeable pour les entrepreneurs.

Des avancées certes mais l'ensemble de vos demandes n'ont pas été adoptées. Ce n'est pas le carton plein...

Non effectivement, loin de là ! Nous avons choisi d'adopter la philosophie du verre à moitié plein et de saluer le changement impulsé. Mais il n'en reste pas moins que le gouvernement ne doit pas s'arrêter là. Il y a encore beaucoup de travail, seule une petite partie du chemin a été parcourue. Il va falloir travailler sur le coût du travail. Nous souhaitons aussi la mise en place d'un contrat de travail unique, un CDI avec une période préliminaire de deux ans. Cette période préliminaire couvrirait l'ensemble des besoins de contrats courts actuels. Cela conduirait à une vraie simplification administrative pour les entreprises. En contrepartie, les salariés licenciés pendant cette période préliminaire bénéficieraient d'une prime de 10 ou 15% des sommes versées depuis l'embauche. Cela permettrait aux entreprises de lancer des recrutements beaucoup plus sereinement. Nous appelons aussi à une révision des seuils et à la suppression des monopoles syndicaux lors des élections des représentants du personnel.

Mais désormais, ce n'est plus le combat des Dupés. Nous remettons les clés à nos organisations patronales.

Comment avez-vous financé les campagnes de communication des Dupés ?

Nous avions constitué il y a très longtemps une caisse de solidarité entre industriels locaux du textile. Cette caisse n'avait plus vocation à exister. Nous avons donc consacré ses derniers moyens à des subventions au Musée d'Art et d'Industrie de Saint-Etienne et au financement des Dupés. C'était l'action finale de cette caisse, pour trouver des solutions pérennes à nos problématiques.

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