Romans-sur-Isère : deux projets pour l'ex usine Jourdan

Deux candidats sont en lice pour acquérir le tènement Jourdan, patrimoine industriel de la ville de Romans-sur-Isère (Drôme). D'un côté, le groupe Aegide-Domitys qui souhaite construire une résidence pour seniors. De l'autre côté, un jeune entrepreneur, Thomas Huriez et sa marque 1083, pour y installer son site de production visitable. Les élus communautaires choisiront en septembre prochain. Tour d'horizon des deux propositions.
L'ancienne usine Charles Jourdan est à vendre.

La vente de la friche industrielle Jourdan est un véritable feuilleton. En juillet dernier, la municipalité de Romans-sur-Isère annonçait qu'elle avait trouvé un acquéreur. Le groupe Aegide-Domitys prévoyait en effet d'y construire une résidence pour seniors. Une délibération en ce sens avait été adoptée par la communauté d'agglomération Valence Romans sud Rhône-Alpes, propriétaire du tènement. Avant d'être rapportée quelques jours plus tard. Son président, Nicolas Daragon (LR), indiquait alors que d'autres acquéreurs potentiels pouvaient être intéressés.

Il faut dire qu'un courrier du préfet de la Drôme venait aussi confirmer la nécessité de revoir cette position, comme le rapporte le compte-rendu du conseil communautaire du 4 février dernier.

Deux dossiers déposés

Lors de cette session, les élus ont ainsi choisi de lancer un appel à projets. Les potentiels acquéreurs pourront choisir de développer un projet sur l'enveloppe foncière du tènement Jourdan (7600 m²), appartenant actuellement à la communauté d'agglomération. Ils pourront aussi la compléter sur des terrains contigus, proposés par la ville de Romans-sur-Isère (environ 4800 m²).

Au terme de l'appel à projets, seuls deux dossiers ont été déposés. Parmi eux, le groupe Aegide-Domitys. Thomas Huriez, fondateur de Modetic et de la marque 1083, a également proposé un projet tourné autour de la chaussure pour l'ancien site industriel.

L'ancienne usine Charles Jourdan, à Romans-sur-Isère. Photo A.T

La résidence pour seniors d'Aegide-Domitys

Le groupe Aegide-Domitys - qui s'était donc déjà positionné sur ces parcelles lors de ces derniers mois - a ainsi déposé un nouveau dossier pour acquérir le tènement, en vue d'y construire une résidence pour seniors. Un axe stratégique tout d'abord pour l'entreprise.

Contactée par Acteurs de l'économie - La Tribune, elle indique en effet ne pas encore avoir d'implantation dans la Drôme. Plusieurs critères sont par ailleurs liés au choix de la ville de Romans-sur-Isère. Le groupe a ainsi noté l'importance de la population senior (environ 7000 personnes âgées de 75 ans et +, dans un rayon de 10 kilomètres), la proximité de la gare Valence TGV et l'attractivité de la ville. Le tènement s'avère enfin être un cadre de vie agréable : des commerces, la proximité de l'Isère et la vue sur le massif du Vercors étant à proximité.

Le projet - qui s'inscrit toujours sur les deux lots définis par la ville et l'agglomération - a tout de même évolué ces dernières semaines, compte tenu notamment des prescriptions de l'architecte urbaniste missionné par la ville et l'agglomération dans le cadre de l'appel à projets.

"Le positionnement de la résidence vis-à-vis des limites de propriétés et la volumétrie générale ont évolué pour répondre à ces prescriptions et permettre de valoriser au mieux le Boulevard Voltaire tout en conservant un front bâti urbain. Nous avons également intégré au projet des axes de circulation douce avec au sud du terrain une traverse piétonne de la Côte Garenne au boulevard Voltaire, et au nord du terrain une seconde traverse piétonne le long des terrains de sports de la commune", explique le service communication du groupe.

Domitys : près de 22 millions d'euros d'investissement

Le montant de l'investissement global est estimé à 22 millions d'euros TTC. La structure devrait proposer 124 appartements (de type T1, T2 et T3) ainsi que plus de 900 m² d'espaces communs (salon multimédia, salon-bar, restaurant, espace forme comprenant piscine, salle de gymnastique, espace soins, etc.).

L'entreprise prévoit la création de 25 emplois directs au sein même de la résidence, pour l'accueil, l'entretien, l'animation ou encore la restauration. Elle estime également à 150 personnes le nombre de personnes qui interviendra sur le chantier durant les 21 mois de travaux.

"A cela, il convient de rajouter l'activité induite chez les différents sous-traitants et fournisseurs partenaires des entreprises locales qui seront retenues pour réaliser le chantier", précise encore l'entreprise.

Les ateliers de la marque 1083

Le deuxième acquéreur potentiel est Thomas Huriez. L'entrepreneur a créé en 2007 l'enseigne Modetic, avec pour objectif de vendre des vêtements écologiques, issus du commerce équitable ou encore made in France.

Lorsqu'il voit ses fournisseurs fermer peu à peu, il décide alors de créer sa propre marque : 1083 était née. Depuis trois ans, ses ateliers - et ses partenaires - fabriquent des jeans, ceintures et baskets made in France. Nous l'avions rencontré en novembre dernier : il envisageait alors de créer des ateliers visitables. Et pourquoi pas au sein des anciens bâtiments de l'usine Charles Jourdan ? Une hypothèse aujourd'hui envisagée avec cet appel à projets.

L'entrée nord du bâtiment, version 1083. Crédit : Totem Architecture

Depuis plusieurs semaines, l'entrepreneur cherchait en effet une surface en rez-de-chaussée, un accès pour les livraisons et des parkings, le tout en centre-ville. Le site pourrait à terme regrouper les activités de production, mais aussi une boutique, un espace consacré à la chaussure à Romans ou encore un restaurant. L'entrée se ferait au nord (voir ci-dessus) afin d'attirer notamment les visiteurs de Marques avenue (environ 1,5 million de personnes par an).

1083 : l'euro symbolique

Thomas Huriez est, lui aussi, intéressé par les deux lots. Mais il souhaite en faire l'acquisition pour l'euro symbolique. Il faut dire qu'il souhaite conserver le bâtiment et le moderniser.

"Pour le prix d'achat, notre proposition de base est de reprendre à l'euro symbolique les 2 lots, ce qui évite à la collectivité de perdre de l'argent dans cette opération car le coût de la dépollution et démolition complète est plus important que le prix de cession. Nous, comme on ne souhaite pas démolir, on est prêt à assumer nous-mêmes la dépollution", explique d'ailleurs l'entrepreneur.

Maquette concernant le projet de 1083.

Le projet reste toutefois chiffré à cinq millions d'euros (levée de fonds 1,5 million d'euros ; emprunt bancaire 3,5 millions d'euros). Plusieurs banques ont d'ores et déjà validé leur engagement.

Si ce projet était retenu, le site pourrait ouvrir à l'horizon 2018. Trente nouveaux emplois seraient également créés. Il faut dire que la marque se développe fortement. Si son chiffre d'affaires s'élevait à 230 000 euros en 2013, il pourrait être de deux millions d'euros en 2016.

Pour l'exercice en cours, 1083 a d'ores et déjà dépassé un million d'euros. Par ailleurs, afin de répondre à la demande, un nouvel atelier de production a vu le jour en mars dernier à Romans-sur-Isère.

"L'installation de 1083 dans l'usine Charles Jourdan est une formidable caisse de résonance", résume encore Thomas Huriez.

L'aide financière du Ciri

Les critères de sélection retenus dans le cadre de l'appel à projets seront notamment le prix d'acquisition de l'enveloppe foncière, le nombre de créations d'emplois, la qualité architecturale du projet ainsi que le montant de l'investissement. C'est en tout cas ce que mentionne toujours le compte-rendu du conseil communautaire du 4 février dernier.

Mais pour certains élus, la vocation industrielle devrait prévaloir et désigner le projet de 1083.

En 2006, face à des difficultés financières, le bâtiment de l'usine Charles Jourdan avait en effet été acheté par la communauté de communes du pays de Romans, afin de permettre à l'entreprise de perdurer. L'intercommunalité avait alors déboursé 1,1 million d'euros. Le Ciri - comité interministériel de restructuration industrielle - leur avait octroyé pour ce faire une aide 790 000 euros. Cet organisme gouvernemental a pour vocation d'aider les entreprises en difficultés à élaborer et mettre en œuvre des solutions permettant d'assurer leur pérennité et leur développement. L'entreprise devenait alors locataire, et devait s'acquitter d'un loyer annuel de 100 000 euros. En 2008, elle fermait tout de même ses portes.

Présentation publique du projet de 1083 le 26 avril dernier à Romans-sur-Isère.

Depuis plusieurs semaines, des habitants - de Romans et ses alentours - se sont réunis en comité de soutien afin de promouvoir le projet de 1083. Bénédicte Jourdan, petite-fille du chausseur Charles Jourdan, a également opté pour ce dernier. Des réunions publiques sont aussi organisées dans la ville afin de le présenter à toute la population.

Soutien d'une partie des élus

Le 26 avril dernier, différents élus du territoire ont d'ailleurs pris la parole pour le défendre. Pour Gérard Chaumontet (PS), et ancien président du pays de Romans, 1083 "n'a pas de concurrent" puisque la vocation industrielle sera maintenue. Henri Bertholet, ancien maire PS de la ville de Romans-sur-Isère, notait lui-aussi que cette proposition était "fidèle à la raison pour lequel l'Etat avait aidé pour l'achat à ce tènement".

Il notait aussi que ce projet était moins coûteux pour la collectivité. Il faut dire que le terrain sera vendu à nu, alors que 1083 veut dépolluer les bâtiments et le valoriser. Bernard Barthelon, maire de Saint-Michel-sur-Savasse et conseiller communautaire, a été convaincu par le projet romanais. "C'est presque un détournement de fonds que de faire aujourd'hui une maison de retraite" a-t-il notamment indiqué. Contactée par Acteurs de l'économie/La Tribune, Nathalie Nieson (PS), vice-présidente de l'intercommunalité et maire de Bourg-de-Péage, déclare "pencher pour 1083".

"C'est un projet innovant, qui me parait structurant et intéressant pour le territoire d'après les informations que j'ai", souligne-t-elle notamment .

D'autres élus n'ont pas souhaité s'exprimer. Le maire de Valence (LR) Nicolas Daragon ou encore Marie-Hélène Thoraval, maire de Romans-sur-Isère (LR), ne se sont pas prononcés. Devoir de réserve oblige, car l'édile de Romans siège au comité chargé de rencontrer les deux porteurs de projet.

Décision repoussée au 29 septembre

Justement, la balle est désormais entre les mains de l'exécutif. Une commission, composée de quatre personnes, se penche actuellement sur les deux dossiers et est chargée de les évaluer. Les deux porteurs de projet ont d'ores et déjà été entendus et seront encore en contact avec les services de l'intercommunalité et ceux de la ville de Romans-sur-Isère cet été.

Le conseil communautaire, qui scellera l'avenir de l'ancien site industriel, se déroulera quant à lui le 29 septembre prochain, et non fin juin comme initialement prévu.

"Dans un souci de sécuriser l'ensemble des points juridiques, les élus ont décidé de prendre le temps dans le cadre de ce dossier qui doit être analysé aux regards des intérêts des deux collectivités et du territoire", explique-t-on en mairie de Romans-sur-Isère.

De quoi laisser du temps pour de nouveaux rebondissements.

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Commentaire 1
à écrit le 15/06/2016 à 12:24
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très belle initiative française, Thomas Huriez est vraiment un professionnel , consciencieux, humain, qui ne demande qu'à être soutenu.

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