Pascal Le Merrer : "Il faut une pédagogie ouverte de l'économie"

La 8e édition des Journées de l'économie (JECO) s'ouvre ce mardi à Lyon jusqu'au 15 octobre. Plus d'une soixantaine de conférences sont programmées avec plus de 200 intervenants. Depuis 2008, Pascal Le Merrer, économiste à l'ENS Lyon, est la cheville ouvrière de ces journées.

Acteurs de l'économie-La Tribune : Cette année, la thématique transversale des JECO, est : "qu'attendons-nous pour agir ?". Pourquoi ce titre et finalement pourquoi cette inertie ?

Pascal Le Merrer : En parcourant les sujets possibles cela concordait parfaitement, jamais je n'ai trouvé aussi facilement le titre général des JECO. Pourquoi n'agissons-nous pas, s'il y a une expertise sur un sujet ?  Il peut il y avoir plusieurs raisons. D'abord ceux qui produisent de l'expertise ne sont pas forcément entendus par les décideurs ou ne sont pas forcement compris.

Ensuite, le temps n'est pas le même entre les chercheurs et les politiques qui vont plutôt être sur un temps court. Beaucoup de chefs d'entreprise sont aussi sur le court terme. Prenez les patrons qui ont des bonus. Ces bonus sont liés au fait que les dirigeants arrivent à faire monter les cours des actions. Et pour faire monter les cours, vous rachetez des actions de votre propre entreprise. À court terme, c'est positif pour vos bonus, mais pas à long terme pour l'entreprise, puisqu'au lieu de financer de l'investissement, vous financez du rachat d'actions.

Si on a à la fois, les acteurs publics et les acteurs privés qui ont un horizon court et des experts qui insistent pour avoir un horizon long, vous avez là un gap très difficile à parcourir.

Le discours global des économistes que l'on entend dans les médias est majoritairement pessimiste. Est ce que le but des JECO est aussi de faire preuve d'optimisme ?

Oui, c'est un peu l'histoire du médecin ou du dentiste. Comme patient vous allez chercher un diagnostic mais vous y allez aussi pour aller mieux, c'est pareil en économie. L'économiste constate la situation et propose un certain nombre de pistes, de réformes qui pourraient fonctionner. Il n'y a pas que du pessimisme, mais aussi un certain nombre de perspectives d'amélioration sur beaucoup de sujets. C'est ce que nous allons montrer durant ces JECO.

Climat, terrorisme, migrants, scandale du football, territoires en sécession, les sujets sont particulièrement d'actualité cette année, alors que le programme a été élaboré il y a un an...

Ce sont des sujets sur lesquels une expertise en économie a été développée. C'est une manière de nous tester. Quelque part, nous anticipons l'actualité. Cette année, le hasard a fait que nous n'avions jamais eu pour une édition des JECO autant de sujets que nous avions préparés, se retrouver en même temps à la Une. Mais il y a une logique, si nous travaillons bien, on doit arriver à ce résultat. Le travail des JECO reste d'identifier là où il y a une expertise économique sur des sujets qui concernent la société.

Le baromètre annuel Banque de France TNS Sofres pour les JECO montre que 58 % des Français sont intéressés par l'économie, mais ils reconnaissent aussi un niveau faible et surtout les jeunes ne sont que 46 % à s'y intéresser. Comment faire pour améliorer les choses ?

La pédagogie de l'économie reste compliquée, mais je constate que sur les 10 000 inscrits cette année aux JECO, la moitié est des lycéens ou des étudiants.
Je pense qu'il faut entrer dans des réflexions de société avec ces jeunes.

Beaucoup sont très dubitatifs sur le fonctionnement de notre société. On leur propose des stages, des CDD, peu de perspectives. Ce système social, il le regarde de loin. Même pour le salariat, les jeunes ont une vision dégradée, ils pensent pouvoir faire les choses de façon autonome, mais ce qui les amène à sous-estimer les interdépendances. Il faut arriver à sensibiliser sans faire de la morale. Les JECO c'est une manière de le faire, mais les réseaux sociaux peuvent être aussi une piste. Il faut aller vers des langages qui correspondent à cette génération.

Absent l'an dernier, le ministre de l'Économie, Emmanuel Macron, sera présent ce mardi à la Bourse du Travail. Qu'attendez-vous de sa présence ?

J'ai mis en place un panel avec des économistes, (qui ne sont pas forcément ceux auxquels il s'attend), des étudiants, des chefs d'entreprise qui vont lui poser des questions. J'espère que ce sera un dialogue interactif et que ce soit réellement un entretien. Faire venir un ministre qui arriverait avec un discours formaté par une équipe de communication, ce serait un échec.

En fondant les JECO il y a huit ans, est-ce que vous vous attendiez à un tel résultat ?

Quand j'ai lancé les JECO, j'étais déjà très engagé sur le fait qu'il fallait une pédagogie ouverte sur l'économie. Parler de sujets sérieux, mais dans un cadre convivial. Quelqu'un m'a beaucoup inspiré, c'était l'économiste italien, Tito Boeri qui organisait le festival de Trento en Italie. Mettre au cœur de la ville un tel évènement était vraiment une très bonne idée.

Aujourd'hui, les économistes appellent même les JECO les journées de Lyon. Le fait que ce soit dans la ville dans différents lieux, cela participe beaucoup à la réussite de l'évènement. Derrière, c'est la possibilité pour le public d'avoir accès à de bons chercheurs.

Acteurs de l'économie-La Tribune est partenaire des JECO 2015. Jusqu'au 16 octobre retrouvez l'analyse de plusieurs économistes dans nos pages débats et opinions.

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