Bernard Rivalta, un homme compétent au caractère critiqué

L'annulation du scrutin municipal de Vénissieux de 2014 a entraîné le départ de Bernard Rivalta du Syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération lyonnaise (Sytral). Une chute violente pour l’ancien homme fort de la Métropole qui laisse un souvenir contrasté : d’indéniables compétences et une personnalité contestée. Dans de telles circonstances, pourra-t-il revenir ?

« Fini politiquement », comme le pensent certains, Bernard Rivalta n'a pas dit son dernier mot, puisqu'il n'exclut pas de revenir, un jour. D'abord au Sytral, s'il le peut. Une maison qu'il a menée d'une main de fer durant ces 14 dernières années, mais qu'il a dû quitter précipitamment. « Je n'ai pas encore déménagé mon bureau », annonce-t-il. En effet, selon nos informations, il ne reviendrait pas au Sytral mais occuperait un autre poste, celui de conseiller spécial de Gérard Collomb à la métropole de Lyon, en charge des transports. Un poste qu'il occuperait déjà depuis quelques semaines qui l'amène a être de nouveau "très présent dans les locaux". Entré en 2001 à la tête de l'autorité organisatrice des TCL, il est devenu l'une des personnalités les plus puissantes de l'agglomération lyonnaise - gérant un budget d'investissement d'un milliard d'euros sur un mandat -  reconnu pour avoir porté le Sytral et son offre multimodale à un niveau de qualité reconnu aussi bien en France qu'à l'étranger.

 «  un travailleur intelligent  »

« C'est une grande figure des transports qui a contribué à faire de Lyon une grande métropole », estime Pascal Jacquesson, directeur général de Keolis Lyon, rejoint par Michèle Vullien, vice-présidente de la Métropole de Lyon, entrée au Sytral en 1995 : « Il a énormément compté pour notre agglomération, il l'a faite avancer ! » « C'est un travailleur intelligent. Si demain, j'étais amené à l'embaucher, je ne regarderais pas son caractère », reconnait le chef d'entreprise Manan Atchekzai, fidèle soutien de Gérard Collomb.

Sur le plan national, il est aussi salué par Roland Ries, ancien président du Groupement des autorités responsables de transport (Gart), bien que les deux hommes s'apprécient peu, selon nos informations.

« Il laissera très certainement le souvenir d'un homme qui avait la passion du transport public. Il s'était beaucoup engagé en faveur du Gart. Comme tout homme passionné, il avait des opinions très tranchées, qu'il exprimait parfois avec excès, mais je me dois d'ajouter en contrepoint qu'il n'a jamais contrarié la recherche du consensus qui prévalait - et prévaut toujours - dans nos instances. »

Une des personnalités  les plus détestées de l'agglomération

À l'inverse, Bernard Rivalta est aussi l'une des personnalités les plus critiquées, voire détestées de l'agglomération. Preuve en est, durant toute l'enquête, l'ensemble des témoignages recueillis mettront en avant, outre ses qualités de travailleur et de fin connaisseur des transports, la conjonction « mais » lorsqu'il s'agit d'aborder sa personnalité. « Il s'en fiche, tant que les résultats sont là », avoue Lucien Durand. « Mais à quel prix sur le plan humain ? », demande toutefois Bernard Simon, directeur du Sytral de 2008 à 2011.

Homme à poigne, passionné de corrida, Bernard Rivalta sait ce qu'il veut, le dit et n'hésite pas à le montrer. Béatrice Vessiller en a supporté les conséquences. Adjointe Europe Écologie Les Verts à la mairie de Villeurbanne, elle est élue en 2003 au comité syndical du Sytral. Dès son entrée, elle épluchera chaque décision et deviendra rapidement la bête noire de Bernard Rivalta :

 « Tout le monde est copain avec lui. Dès lors que j'ai été contre, il est devenu cassant et méprisant. Je devais me taire, ce que j'ai refusé », indique l'élue.

C'est elle qui dévoilera les indemnités jugées illégales perçues par Bernard Rivalta entre 2001 et 2005, soit plus de 100 000 euros - alors que l'ensemble des élus du comité les auront votées en 2001. « Nous n'avions aucun élu de notre rang à l'époque », justifie-t-elle. Durant six ans, Béatrice Vessiller mènera donc un combat contre le président du Sytral jusqu'à ce qu'il rembourse, après décision du Conseil d'État, ses indemnités. De fait, à chaque comité syndical, elle sera régulièrement prise à partie par le président Bernard Rivalta qui ne digère pas ses positions.

Omerta

« Inélégant », « dur », « caustique », « arrogant », « difficile », « humiliant », « méprisant », faisant « peur » aux élus : les mots ne sont pas tendres envers l'ancien président du Sytral. Ceux qui l'ont côtoyé aussi bien en politique à ses débuts de militant PS, puis à la mairie de Villeurbanne, qu'au conseil général du Rhône, au Sytral ou durant les réunions avec les syndicats de Keolis, le confirment. Un personnage public lyonnais mal-aimé à la carapace bien épaisse, qui s'est fait lui-même, durant une adolescence difficile, loin de ses parents. « Il paraît peu sympathique, mais au fil du temps, vous arrivez à cerner la personne, à la connaître et à l'apprécier. Au fond, Bernard Rivalta est un écorché vif qui possède une grande sensibilité », soutient pourtant Georges Barriol, vice-président UMP du Sytral.

Difficile, en revanche d'obtenir le témoignage de l'un des 100 salariés de l'organisation publique, tant l'omerta règne à l'intérieur. Seuls, quelques anciens salariés racontent une ambiance délétère dans les services administratifs, quand d'aucuns contestent certaines pratiques injustifiées, discutables, intolérables, voire plus graves, du « copinage dans les décisions », avouera un ancien salarié. Comprendre : des décisions prises délibérément lors d'appels d'offres notamment. Ceux qui ne rentrent pas dans le « moule Sytral » s'excluent eux-mêmes ou préfèrent se taire. Les autres suivent jusqu'à épuisement sous la pression.

« La vitesse de croisière du Sytral est différente d'hier, le budget également et la capacité de décision aussi. Certains ne tiennent pas le choc parce qu'ils sont déjà amortis. Le Sytral est, certes, une grande machine, mais ce n'est pas une machine à broyer. Plutôt à accélérer », justifie Bernard Rivalta.

Un « deuxième mandat beaucoup plus personnalisé »

Le personnage ne laisse pas indifférent. Son attitude avec ses interlocuteurs lui est reprochée. « Il a sans doute un problème d'existence et un rapport difficile au "moi" », estime un ex-Sytral. Il décide seul : « Contrairement à son premier mandat, le deuxième était beaucoup plus personnalisé, avec moins de débats », remarque Lucien Durand.

L'homme de 68 ans, franc-maçon, porte également cette image vénale, longtemps critiquée par les médias. Ce qu'il réfute. Sa voiture avec chauffeur, ses voyages et sa pratique du golf lui sont régulièrement reprochés. Dans les couloirs du Sytral, il exprimait régulièrement son agacement à gagner peu sa vie (en 2013, son indemnité d'élu du Sytral s'élevait à 700 euros mensuels et s'ajoutait à celle de 2 242 euros de vice-président du Grand Lyon, soit 2 953 euros. Mais lorsqu'il multipliait les fonctions, ses rémunérations totales pouvaient atteindre 7 000 euros) par rapport à son implication quotidienne. « Sur l'affaire des indemnités, il disait qu'il ne les avait pas volées », se rappelle une ancienne cadre.

Toujours amer, Bernard Rivalta est touché mais pas coulé. Son retour n'est sans doute qu'une question de jour et d'opportunités. Il pourrait revenir au Sytral à ses conditions, mais surtout « pas gratuitement ». Ce qui pourrait raviver quelques tensions internes. En attendant, une chose est certaine : il devrait pouvoir enfin gagner correctement sa vie grâce à ses missions de conseil. « Je pourrai alors toucher jusqu'à sept fois plus qu'au Sytral », fait-il remarquer.

>> Lire l'intégralité de notre enquête :

Bernard Rivalta, le crépuscule d'un Dieu (1/3)

Bernard Rivalta, un parcours en quête de pouvoir (2/3)

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