Comment se construisent les expositions

Les expositions ont le vent en poupe en Rhône-Alpes et drainent des foules intéressées. Si bien que monter une exposition est à la fois un art et un métier qui fait appel de plus en plus au partenariat et surtout au rôle essentiel du conservateur.
Au musée Paul Dini de Villefranche-sur-Saône triomphent les peintures modernes et contemporaines.

À Lyon comme aux quatre coins de la région Rhône-Alpes, les amateurs, mais aussi les voyageurs, les visiteurs et les autres, ont que l'embarras du choix quant aux visites muséales. Grands musées de carrure nationale et de collections internationales ou institutions plus modestes, à découvrir ou à retrouver ? Sculptures, peintures, dorures, gravures, livres ou assemblages multisupports ? Objets d'art ou du quotidien remontant aux temps médiévaux, ou créés il y a peu sous les doigts magiques autant que créatifs d'un artiste de la nouvelle génération ? Les pistes étaient aussi diverses que multiples. Et l'on exclut de ce riche panel les expositions présentées par nombre de galeristes et associations.

Quatre approches à découvrir

Au sortir de ces mondes temporaires, souvent séducteurs autant que révélateurs, une question s'est volontiers posée au visiteur : comment un thème, un sujet, une approche sont-ils choisis et par qui ? De quelle manière est préparée, mise en chantier, réalisée, mitonnée l'exposition ? Une visite dans quatre structures muséales ou à vocation « expositionnelle » de la région Rhône-Alpes, œuvrant dans des mondes patrimoniaux sensiblement différents, permet de capter quatre approches différentes, mais aussi de découvrir des déterminations, des directions et des obligations communes.

Avec, également, un corpus de démarches possédant nombre de points communs, soudant l'action des conservateurs et conservatrices maison et des équipes qui les entourent. Du vénérable autant que légendaire musée des Tissus et Arts décoratifs de Lyon, jadis fondé par la chambre de commerce et d'industrie (dont les deux structures dépendent d'ailleurs toujours), au musée de Grenoble, structure municipale tournée vers les beaux-arts et surtout centrée sur le moderne et le contemporain, en passant par le musée Paul Dini de Villefranche-sur-Saône, où triomphent les peintures modernes et contemporaines. Avec un détour par l'une de ces structures avant tout documentaires et informatives, par traditions tournées vers le papier et l'écrit... mais aussi, désormais, vers le support informatique, que sont les bibliothèques et autres archives municipales, se consacrant elles aussi, dans les grandes villes, aux expositions. Ainsi, les Archives municipales de Lyon, dont les nouveaux locaux, proches du quartier de la Confluence, abritent régulièrement des expositions réputées et fréquentées.

De l'identité d'une collection à l'affirmation de sa présence

Quatre visites, quatre expositions, mais une commune déclaration introductive des responsables : le sujet et le choix des expositions maison dépendent intrinsèquement du conservateur ou dirigeant de l'établissement. Avec un point de départ et de base œcuménique : ce que Sylvie Carlier, directrice du musée Paul Dini de Villefranche, appelle « l'identité de la collection ». Une identité certes bien particulière d'une structure à l'autre, mais avec un impératif commun que souligne Guy Tosatto, du musée de Grenoble : « Notre fond propre de documents est, par définition, la base de nos expositions, complété il est vrai, mais seulement complété, par l'appel à des documents venant de l'extérieur, aussi bien des autres musées de la région, de France ou de l'étranger, que de collectionneurs et prêteurs privés. »

L'Opéra de Lyon a prêté des costumes l'une des ses quelque 130 pièces exceptionnelles

Car tout le monde est en l'occurrence d'accord, là encore : musées comme archives sont avant tout destinés à « l'étude et la conservation des collections, quelles qu'elles soient ». Avec toutefois un corollaire : les montrer, le plus souvent possible - mais attention à la fragilité de bien des pièces, surtout anciennes ou délicates, voire les deux - en visant un public aussi large que possible, s'éloignant désormais des érudits, spécialistes et autres « cultureux » formant souvent, autrefois, le (petit) cercle des visiteurs attitrés.

Une vitrine et des portes vers la création

« Une exposition est aussi une vitrine, une composante obligatoire et attendue pour les grandes structures», rappelle Maximilien Durand, directeur du musée des Tissus. Mais elle peut aussi servir de jalons et d'état des lieux pour les nouvelles structures. Ayant ouvert ses nouvelles portes en 2001, à partir de l'importante donation offerte par le collectionneur Paul Dini, le musée de Villefranche a présenté en 2011 l'exposition La Collection à 10 ans, mêlant donations et acquisitions et montrant, déjà, le chemin parcouru. L'exposition est alors l'affirmation d'une présence et d'une légitimité. Elle peut être aussi une porte ouverte vers la création contemporaine, avec les jeunes générations d'artistes en ligne... mêlées aux anciennes. « Il convient d'accorder une place et une aide à la création », souligne Sylvie Carlier.

Dans certains cas et dans un monde bien différent, l'exposition peut également raviver les mémoires, rappeler voire révéler des informations sur la vie des générations d'hier et d'avant-hier. « Les archives produites par l'administration municipale lyonnaise depuis le Moyen-Âge, sont précieusement conservées sur des kilomètres de rayonnage. On peut y jouter des archives de familles, d'entreprises, d'associations, de syndicats, d'architectes ou de photographes, sans parler de celles, d'une infinie richesse, des Hospices civils de Lyon », aime à souligner Anne-Catherine Marin, directrice des Archives municipales de la cité lyonnaise. « Définir et présenter une exposition, c'est alors rendre compte de la diversité sociale et culturelle du territoire, au fil du temps. »

D'une idée de départ au travail d'équipe

Une fois décidée et la thématique trouvée - des facteurs « extérieurs » peuvent éventuellement intervenir, comme un anniversaire historique... comme le centenaire de la Guerre de 1914-1918, par exemple - il reste à concrétiser et à réaliser. De l'avis général, cela représente entre un et trois ans. Au moins ! Avec un ensemble de programme d'actions, concertations, discussions, précédant la « mise en chantier »... sans que la gestion quotidienne de l'institution n'en soit en rien altérée. D'abord la désignation d'un commissaire d'exposition gérant l'affaire et sa bonne marche, qui est souvent le « patron » de la maison. Ensuite les contacts et discussions avec des « spécialistes », en l'occurrence des universitaires, historiens, étudiants ayant travaillé sur la question et le sujet : « tout un réseau d'importance ».

Musée de Grenoble

Le musée de Grenoble est surtout centré sur le moderne et le contemporain

Puis le recensement des documents concernés présents dans les collections maison... tout comme celui des documents manquants à situer, et dont il convient de solliciter le prêt, des grandes institutions tel le musée d'Orsay jusqu'aux collectionneurs privés ; coûts de transport et d'assurance à prévoir.Vient ensuite le temps du montage de l'exposition, c'est-à-dire la partie pratique et technique, depuis l'importance du découpage global et de la présentation, en passant par les facteurs des visibilités, des éclairages - non agressifs pour les documents, cela va de soi - des fameux petits cartels, ni trop indiscrets, ni mal placés, ni trop petitement écrits, ni trop brefs, ni trop longs, qui vont guider le visiteur. Autre (quasi) évidence : la réalisation forcément coûteuse d'un catalogue de l'exposition, largement illustré, trace tangible et durable de l'exposition. La communication étant devenue un versant incontournable. Après quoi, la date de vernissage peut être fixée.

On l'aura compris, si le concept initial est concentré en quelques mains, l'élaboration, la réalisation, la vie même d'une exposition, donc son attirance et sa notoriété, « c'est [de] travailler avec d'autres »... comme aiment à l'affirmer les divers interlocuteurs. Il s'agit de trouver des partenaires. « En nature », comme l'Opéra de Lyon dont l'atelier des costumes a prêté l'une des ses quelque 130 pièces exceptionnelles, réalisées au long des vingt dernières années, pour l'exposition Costumes de légendes, présentée cet été au musée des Tissus. Des partenaires financiers, comme la Fondation Bullukian participant, toujours cet été, à l'exposition Passages : un été contemporain, présentée au musée Paul Dini, autour d'une belle brochette d'artistes comme Jacques Truphémus, Jacqueline Salmon et Djamel Tataha.

Des mécènes à la jeunesse

Dans ce domaine, un partenariat d'un nouveau type, en pleine expansion, est né récemment avec la création des Clubs d'entreprises mécènes, aidant à la fois à l'enrichissement des collections, au financement des expositions ainsi qu'à à celui de la communication liée à ces expositions comme aux autres actions du musée. Actions dont l'une est justement en pleine progression : les activités pédagogiques, réalisées par le service du public en liaison avec l'Éducation nationale. Une composante d'importance, visant le public scolaire, les jeunes générations, donc les visiteurs de demain. Ainsi, pour la saison 2013-2014, quelque 8 000 scolaires sont venus visiter les expositions temporaires ou permanentes, au musée Paul Dini. Jouant même, parfois, les initiateurs auprès de leurs parents, si l'on prend l'exemple de cette visiteuse caladoise, disant récemment à la directrice : « Grâce à mon fils, j'ai remis les pieds au musée où j'avais perdu l'habitude de venir. Il était si convaincu par l'exposition, et du coup si convaincant ! ». CQFD.

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Commentaire 1
à écrit le 10/11/2014 à 16:40
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Merci de vous intéresser à l'art et aux artistes ! Ces derniers souffrent du manque de lieux d'expositions dignes de ce nom.

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