Deux films Rhône-Alpes Cinéma à Cannes et de grosses incertitudes

La 67e édition du Festival de Cannes débute mercredi 14 mai. Deux films coproduits par Rhône-Alpes Cinéma sont en compétition. Mais la pérennité de la structure est menacée par une nouvelle décision de justice.
"Geronimo", le dernier opus de Tony Gatlif, tourné en Rhône-Alpes

Le 20 mai sera projeté en sélection officielle du Festival de Cannes « Géronimo », le dernier opus de Tony Gatlif. Et le 18 mai dans la section « un certain regard », « Force majeure », signé du suédois Ruben Östlund. Ces deux films sous les projecteurs cannois, ont été co-produits par Rhône-Alpes Cinéma, qui a investi en 2013 dans 13 films, pour un montant total de 3,4 millions d'euros. Ce fonds régional a été voulu en 1990 par Roger Planchon pour financer et accompagner la diffusion de long-métrages, à la condition expresse qu'ils soient tournés en Rhône-Alpes. 

Une décision de justice handicapante

Mais cette année, loin du glamour du festival de Cannes, Rhône-Alpes Cinéma se retrouve  dans une posture pour le moins inconfortable. Le 7 mai 2014, le tribunal administratif de Lyon a annulé la convention liant la Région à Rhône-Alpes Cinéma pour la période 2011 - 2015, au motif de l'absence de validation par la Commission Européenne du système d'aides présenté par Centre National du cinéma (CNC).

Le président de la Région Jean-Jack Queyranne s'en est ému ce mardi dans un communiqué. Il considère : « Que cette décision de justice menace la pérennité de Rhône-Alpes Cinéma dans son statut de coproducteur. Plus généralement, elle met en péril tout le système d'aides des Régions au cinéma français. » Selon le tribunal, la Commission européenne aurait dû être informée de ce système d'aide pour en faire valider la compatibilité avec les règles européennes de la concurrence. Mais le CNC ne l'a pas fait, l'Etat ayant déjà notifié à Bruxelles ses dispositifs nationaux d'aide au cinéma et à l'audiovisuel, entérinés en mars 2006 par la Commission.

Cette procédure avait été initiée par l'élu écologiste Etienne Tête. Il avait déjà contesté la convention de Rhône-Alpes Cinéma avec le Conseil Régional en 2005. À l'issue d'une bataille juridique de 5 ans, la Cours administrative d'appel de Lyon avait annulé la convention en décembre 2010, estimant que la Région se dessaisissait de sa compétence, en accordant une somme globale à Rhône-Alpes Cinéma, et en lui laissant ensuite le soin de répartir les aides et de choisir les films aidés. La Région avait alors retravaillé sur une nouvelle convention.

Plus de 220 films co-produits

Depuis 1990, plus de 220 films ont été co-produits par Rhône-Alpes Cinéma. La SA, détenue longtemps à 85% par Roger Planchon et 15% par la Région s'appuie depuis 2008 sur trois partenaires, à même hauteur : la Région, la Caisse d'Epargne Rhône-Alpes et la BPI. L'action de Rhône-Alpes Cinema n'est pas sans effets positifs sur l'économie locale.

« La Région investit financièrement dans la production, en contrepartie d'un pourcentage sur les recettes tous azimuts : ventes à l'étranger, aux télévisions etc. Tout ceci fait l'objet de négociations, nous permet d'entrer dans la mécanique d'un film, d'être partenaire de l'intérieur ». Grégory Faes, directeur général délégué de Rhône-Alpes Cinéma, souligne l'originalité de cet engagement en faveur du cinéma qui dépasse les simples subventions, formule choisie le plus souvent par d'autres régions françaises.

La structure modeste, six personnes, quasi depuis le début, reçoit bon an mal an 3 millions d'euros, 2 apportés par la Région et 1 par l'Etat via le CNC. L'essentiel est investi dans la co-production de films choisis par un comité de 7 professionnels reconnus (scénariste, producteur, distributeur…) sous la présidence de Margaret Menegoz. « Nous soutenons le cinéma dans sa diversité, comédies, films d'auteur, nous privilégions le scénario et les liens forts avec la région, » détaille Gregory Faes.

Retombées sonnantes et trébuchantes

La machine semble bien huilée et bénéfique en retombées économiques pour le tissu local ; sous forme de dépenses d'hôtel, restaurant, construction de décors, engagement de techniciens… En 2012, Rhône-Alpes Cinéma pointe 9 millions d'euros de retombées financières, pour 2,7 millions d'euros investis. La « grosse machine » « Belle et Sébastien » (budget 10 millions d'euros, 400 000 euros investis par le fonds régional) intégralement tournée en Rhône-Alpes a ainsi occasionné 2,6 millions d'euros de dépenses au niveau local.

En tant que co-producteur, Rhône-Alpes Cinéma n'est pour rien dans la sélection de « ses » films au Festival cannois, c'est au producteur de faire le nécessaire. En 2013 deux films avaient été retenus, « Grand Central » et « Michael Kohlhaas ». « Ce dernier, film historique, a coûté cher et rencontré de nombreuses difficultés. Sa sélection à Cannes lui a donné une forte exposition médiatique et permis d'être vendu partout à l'étranger », souligne Gregory Faes.

Avec son équipe, ils seront à Cannes pour le festival, où la décision du tribunal administratif risque d'être particulièrement commentée. Le CNC étudie le jugement, en lien avec la région, pour voir comment préserver Rhône-Alpes Cinema.

Actualisé le 13 mai 2014 à 18h30

 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.